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E-pub: Les régies privilégient la qualité à la quantité

Signe de maturité ou de tassement du marché publicitaire, les annonceurs sur internet réclament désormais des garanties d’efficacité. Chez les professionnels de l’achat d’espace, l’ère du qualitatif succède à celle du quantitatif. alain steinmann

“Nous avons subi un premier ralentissement des investissements publicitaires début septembre. Puis un deuxième s’est produit entre le 25 décembre et le 15 janvier”, analyse, un brin morose, Pierre-Louis Fontaine, directeur marketing d’Adlink France. Le constat est le même pour toutes les régies publicitaires en ligne. Le krach de mars 2000 n’a pas eu un impact immédiat sur leur activité car les campagnes publicitaires ne pouvaient être annulées du jour au lendemain. ” Nous avons même connu une de nos plus fortes périodes d’activité “, renchérit Alexandre Stopnicki, président de Numériland. Mais après la saison estivale, traditionnellement creuse, la manne miraculeuse de l’e-pub s’est tarie.

Des modèles à revoir

Alors, contraintes et forcées, les régies online commencent à se réinventer. En la matière, c’est 24/7 Media France qui a tiré la première . Chez elle, la course aux clients, sans discernement, n’a plus cours. La régie a pris le parti d’effectuer un tri sévère dans son portefeuille de sites. 24/7 Media France deviendra aussi plus sélective dans le choix de ses prospects. Alors qu’elle représentait 60 sites à la fin 1999, elle n’en gère plus que 35 et compte descendre à 30 assez rapidement. Une stratégie qui va à l’encontre de la pensée unique des régies publicitaires. Jusqu’à présent, pour se valoriser, elles multipliaient leur nombre de sites en clientèle. Chaque nouvelle signature était l’occasion d’augmenter le nombre de ” PAP ” (pages vues avec publicité), et d’en revendiquer un peu plus que le concurrent. Hi-Media est l’exception qui confirme la règle. La régie a dépassé ses objectifs de chiffre d’affaires pour 2 000, avec plus de 800 sites en portefeuille.“Dorénavant nous privilégions les sites de services innovants et de qualité”, insiste Lionel Ségard, de 24/7 Media. “C’est logique, c’est la règle des 80/20, lui répond volontiers Pierre-Louis Fontaine, d’Adlink France. En moyenne, 80 % des sites réalisent 20 % du chiffre d’affaires des régies, et ce sont eux qui occupent le plus le temps des commerciaux”. Si Adlink France ne compte pas diminuer sa voilure, son directeur marketing précise qu’il n’est pas en phase active de recrutement de nouveaux supports. ” Le plus embêtant, ce sont les ” pure players ” dont le business plan repose uniquement sur la publicité. En ce moment, ils ont une pression énorme, et nous la transmettent, explique Pierre-Louis Fontaine. Nous leur préférons donc les sites d’institutionnels. “Le mot est lâché : les ” institutionnels “. C’est ainsi que l’on appelle, dans le milieu de l’e-pub, les groupes issus de l’économie classique qui se sont lancés dans l’aventure internet. Les régies en voient partout, dans leur portefeuille de sites ?” Numériland avec la filiale internet de Carrefour, 24/7 Media avec Capital et L’Essentiel du Management, du groupe Prisma ?” ou d’annonceurs. En moyenne, les régies comptent sur une proportion de 50 % d’annonceurs institutionnels pour 2001. Dans les centrales d’achat d’espace, on en rit : ” Si ce taux n’est pas atteint, elles auront du mal à doubler leur chiffre d’affaires sur 2 001 car les start-up n’achètent plus d’espace “. D’autant que les institutionnels recherchent avant tout de l’efficacité publicitaire. Et en attendant des mesures fiables, ils demandent à voir.

Paiement après résultats

Pour tenter de les convaincre, certains sites leur proposent d’acheter les bandeaux publicitaires facturés en fonction du nombre de clics (CPC, coût par clic) et non en fonction de l’exposition (CPM, coût pour mille bannières affichées). C’est notamment le cas de Multimania. Ce mode de commercialisation met leur investissement publicitaire à l’abri de l’effondrement du taux de clic (pourcentage de clics sur une bannière, tournant aujourd’hui autour de 0,5 %) puisqu’ils ne paient qu’en fonction du résultat. ” Le taux de clic est un indicateur, pas un référent, peste pourtant Pierre Boulet, directeur général de Real Media France. Le modèle du CPC est un faux problème car la logique de couverture existe dans tous les médias traditionnels. On ne peut pas mesurer le retour de la publicité alors pourquoi s’acharner à essayer de le faire. Rien ne m’énerve plus que ceux qui prétendent que la bannière de publicité aura bientôt disparu “. On comprend son agacement puisque des régies en ligne spécialisées, comme Comclick ou l’américain Valueclick, récemment arrivé en France, se sont créées autour de la vente au clic. Avec des tarifs très agressifs, elles sont parvenues à prendre des annonceurs aux régies en ligne ” traditionnelles “.Pour renforcer leur offre, ces dernières ont donc choisi de développer de nouvelles solutions technologiques. 24/7 Media a fait l’acquisition de l’Australien Sabela (renommé 24/7 Connect) pour son serveur de diffusion, qui augmente l’efficacité des bandeaux. De son côté, Numériland compte toujours réaliser 70 % de son chiffre d’affaires sur ce format publicitaire, en misant sur la créativité. Les 30 % restants proviendront d’opérations développées autour de l’événementiel ou du sponsoring. Chez Real Media, on privilégie également les campagnes innovantes et la qualité de leur présentation. La régie s’est ainsi illustrée à Noël en affichant un calendrier de l’avent publicitaire. Des prouesses techniques, comme par exemple l’insertion de vidéo, qui doivent susciter la surprise et, à terme, l’adhésion de l’internaute.Pour les régies publicitaires, cette quête frénétique de nouvelles approches commerciales sonne comme une seconde chance. Du fait des mauvaises conditions du marché, Real Media a dû repousser son introduction en Bourse. Le chiffre d’affaires de l’ensemble des régies est en effet directement lié à la quantité de publicité diffusée. En règle générale, elles prélèvent de 30 à 40 % du montant des contrats signés. Et leurs prévisions de chiffres d’affaires ont été revues à la baisse, surtout pour la fin de l’année écoulée. ” En 1999, le 4e trimestre était égal à la somme des trois premiers, précise Lionel Ségard, directeur général de 24/7 Media France. En 2000, le 4e trimestre est à peine supérieur au second “. Numériland n’a pas échappé à la règle, et a dû minorer de 10 à 15 % ses prévisions de chiffre d’affaires pour l’année 2000.Les prochains mois devraient permettre aux régies publicitaires internet de valider leur nouveau positionnement. Mais dans cette entreprise, elles n’ont pas droit à l’erreur.

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Alain Steinmann