“ Ce que la politique n’a pas réussi à changer à Bercy, internet le fera.” Ainsi pourrait-on résumer la philosophie de Laurent Fabius qui annonçait, le 5 juillet dernier, vouloir faire du ministère de l’Économie et des Finances (Minefi) “ le premier e-ministère de France“.
Réformer Bercy par la seule volonté politique, son prédécesseur, Christian Sauter, s’y était cassé les dents, jusqu’à démissionner. Face au conservatisme syndical, il avait dû renoncer à unifier les deux directions générales du fisc, la comptabilité publique (DGCP) et les impôts (DGI). Arrivé à Bercy au printemps 2000, Laurent Fabius prend ses distances à l’égard du plan Sauter et accouche, le 28 avril dernier, d’une ” réforme-modernisation ” qui laisse sceptiques nombre d’observateurs. Exit l’administration fiscale unique : la priorité est donnée à l’amélioration du service aux usagers par une mutation en douceur du Minefi, axée sur l’utilisation des nouvelles technologies.
La mise en réseau de Bercy
Laurent Fabius parie sur la mise en réseau de Bercy, grâce à laquelle, sans bouleverser l’organisation des directions, des projets communs peuvent être encouragés, jusqu’à la réalisation d’un guichet fiscal unique sur internet. L’objectif est clair : boucler avant fin 2002 le programme Copernic, qui organise l’interopérabilité des systèmes informatiques de la DGCP et de la DGI, ouvrant la voie au compte fiscal unique, accessible sur internet. Les grandes entreprises, soit environ 17 000 comptes, pourront, en outre, bénéficier d’un centre de gestion fiscal centralisé, qui sera installé début 2002 à Pantin, en région parisienne.Internet arrivera-t-il à bout de la réforme de Bercy ? Avec seulement 16 000 contribuables qui ont payé leur impôt en ligne en 2000, la stratégie numérique de Laurent Fabius ne peut pas encore compter sur la force d’entraînement des usagers. Mais elle amorce néanmoins cette ” révolution managériale ” de l’administration fiscale, appelée de ses v?”ux par l’hôte de Bercy, et dont l’intranet entre la DGCP et DGI doit être un premier support. Le Minefi peut en effet se targuer d’être le premier ministère de France à avoir dématérialisé l’échange d’information de ses 60 000 postes décisionnaires. Avant l’année prochaine, l’ensemble de ses 190 000 employés seront connectés au même réseau.”Bercy, c’est Cyber“, avait lancé en 1997 le ministre Dominique Strauss-Khan. Avec l’e-ministère, Laurent Fabius ne cache plus vouloir rivaliser avec son prédécesseur, premier porte-parole de la gouvernance numérique au sein de la majorité plurielle. “Bercy est au centre de procédures qui influent sur l’activité économique, commente Isabelle Roux-Trescasse, directrice du projet réforme modernisation au cabinet de Laurent Fabius. En allégeant le nombre de démarches grâce à internet, le Minefi fluidifie les rou-ages économiques et améliore sa compétitivité. ” Et la responsable de citer deux mesures exemplaires : dès 2002, les appels d’offres des marchés publics seront soumis à enchères électroniques et la création d’entreprise aura sur internet son guichet unique.Bercy, version high-tech, se rêve grand manitou. “Ce sont toutes les missions de soutien économique du Minefi qui doivent se projeter dans la société de l’information“, affirme un haut fonctionnaire. Un aggiornamento numérique amorcé par le secrétariat d’État à l’Industrie, pilote pour le gouvernement du projet de loi sur la société de l’information (LSI). “Aux côtés de l’Autorité de régulation des télécommunications [ART], nous intervenons pour créer les conditions de concurrence nécessaires à la baisse des prix de connexion “, explique Valérie Charolles, conseiller pour les nouvelles technologies au cabinet de Christian Pierret. En revanche, le soutien à l’innovation et à la mue numérique du tissu industriel français n’a pas, pour l’heure, fait l’objet d’une politique globale. C’est qu’à Bercy, les technologies de l’information n’ont pas encore leurs statistiques. Des études sont cependant en cours : en janvier 2001, une mission pour l’économie numérique a été mise en place sous la houlette de l’ancien commissaire au plan, Henri Guillaume. Objectif : fournir un cadre d’analyse au phénomène internet, permettant d’affiner le pilotage de l’action gouvernementale en la matière.
Une aide au modèle stock-options
Pour Laurent Fabius, le vote de la loi de finance 2002 sera l’occasion de formaliser une politique en faveur de l’innovation qui tienne compte des premières conclusions des travaux de la mission numérique. Il en a déjà levé un premier voile le 4 juillet dernier devant l’association Europlace. En prévision : l’augmentation de 5 % à 30 % de la part des aides publiques à la recherche versée au PME-PMI et l’encouragement des mécanismes de stock-options mis en place par Dominique Strauss-Kahn.Derrière l’ambition de l’e-ministère se profile donc, à Bercy, la volonté d’être complètement partie prenante dans l’e-business. Laurent Fabius y croit et veut aller vite. Le ministre examine actuellement le rapport commandé au député PS Michel Charzat sur “ l’attractivité fiscale de la France“, qui plaide en particulier pour un abaissement de 20 % des charges qui pèsent sur les chercheurs. Par ailleurs, le numéro 2 du gouvernement a chargé Bernard Pécheur, le secrétaire général de Bercy, de réfléchir à la mise en place, dès la rentrée prochaine, d’une structure de concertation entre les directions d’état-major (Budget, PME, Industrie et Commerce extérieur), mobilisées sur le dossier “économie numérique”. Une configuration similaire est attendue pour deux autres domaines de compétence : les biotechnologies et l’environnement.
Dernier volet la semaine prochaine: le Quai d’Orsay
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