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Duopole chez les cyberlibraires français

BOL.fr jette l’éponge, Amazon.fr s’est laissé distancer. Alapage et la Fnac restent bien seules sur le marché internet encore confidentiel des biens culturels.

And the winner is… la Fnac“. Bien avant la fermeture du site BOL.fr, l’institut américain Forrester Research avait désigné le vainqueur de la guerre qui fait rage depuis deux ans pour le contrôle de la distribution de produits culturels sur le net français.Dans une étude publiée le 15 juin, Forrester estimait que la Fnac avait “exploité avec succès sa marque puissante et sa forte présence offline pour s’imposer comme le leader de la distribution en ligne “, loin devant ses concurrents Alapage (Wanadoo) et Amazon.fr. Forrester soulignait que la seule chance de BOL.fr, qualifié de ” suprising loser “, était un rapprochement avec Alapage… Mais les actionnaires du site, Vivendi Universal et Bertelsmann, ont finalement préféré baisser le rideau.On comprend pourquoi au vu des derniers chiffres d’audience communiqués par l’arbitre Jupiter MMXI : au mois de juin, BOL.fr n’a enregistré que 154 000 visiteurs uniques à domicile (soit un taux de pénétration de 1,8 %), s’enfonçant dans les profondeurs du classement des sites marchands culturels. La même enquête a confirmé le leadership de Fnac.com (762 000 visiteurs, 9 % de pénétration) qui distance désormais largement Alapage.com (560 000 visiteurs, 6,6 %) et la filiale française du géant Amazon (369 000 visiteurs, 4,4 %).

Victoire du “clic et magasin”

Tout en déplorant “ la disparition d’un pionnier “, Jean-Christophe Hermann, le PDG de Fnac Direct, y voit une victoire par KO “du modèle clic et magasin porté par Fnac.com
“.Présomptueux ? En 2000, Fnac.com, qui s’appuie sur les cinquante magasins du groupe Pinault, a enregistré 600 000 commandes pour un chiffre d’affaires de 21,34 millions d’euros (140 millions de francs). Plus de 70 % des ventes ont été réalisées sur les produits culturels proprement dits (les livres, vidéos, CD, etc.), le solde provenant des rayons high-tech, jeux ou billetterie. Pour 2001, Jean-Christophe Hermann estime que Fnac.com devrait réaliser un chiffre d’affaires de 45,73 millions d’euros, soit l’investissement que PPR a consenti jusqu’à l’équilibre financier, prévu en 2003. À cette date, Forrester estime que seuls deux ou trois cyberlibraires, catégorie poids lourds, se disputeront le marché français : “S’il n’en reste qu’un, nous serons celui là “, assène le patron de Fnac.com.Évidemment, Olivier Sichel, le PDG d’Alapage.com, n’est pas de cet avis : “ Seuls survivront les sites qui tiennent leurs délais de livraison, respectent la vie privée du consommateur et assurent le meilleur service client. À mon avis, Alapage est le mieux placé sur ces trois critères fondamentaux“, argumente-t-il. La librairie, filiale de Wanadoo (France Telecom) ?” qui a racheté le site à son fondateur Patrice Magnard en septembre 1999 ?”, joue pleinement les synergies avec le premier fournisseur d’accès à internet français. Quand il s’agit d’acheter livres, disques, vidéos (mais également produits high-tech, jouets ou fleurs), les 2,4 millions d’abonnés de Wanadoo se voient systématiquement proposer un lien avec Alapage. Résultat : la division ” e-merchant ” de France Telecom (Alapage et Marcopoly) a réalisé un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros en 2000, et déjà 6,56 millions sur le premier trimestre 2001. Et Olivier Sichel prévoit lui aussi l’équilibre en 2003.

Amazon, mal sur son “.fr”

L’ambiance est moins optimiste à Guyancourt, au QG d’Amazon.fr. À l’approche du premier anniversaire de son lancement, le 29 août 2000, l’hebdomadaire Livres Hebdo évoque une “fermeture pure et simple” du site. Information démentie par le récent PDG d’Amazon.fr, Georges Aoun : “Ma mission n’est pas de fermer la France mais de développer nos opérations. Je démens aussi tout projet d’externalisation de notre centre de distribution de Boigny. Cette plateforme performante est notre principal avantage concurrentiel sur le marché français. ” Difficile d’évaluer l’état de santé d’Amazon.fr : fidèle aux habitudes de (non) communication de la maison mère, la société ne publie aucun chiffre. Mais les faits sont là : malgré un investissement initial estimé à près de 22,9 millions d’euros, Amazon.fr n’a pu s’imposer face aux meneurs, la Fnac et Alapage.La sanction du ” big boss ” Jeff Bezos est déjà tombée. Depuis le début de l’année 2001, l’essentiel de l’équipe dirigeante a plié bagages : Cécile Moulard (la directrice marketing), Graziella Niang (directrice de la communication), Vincent Marty (directeur des opérations) et, dernièrement, le PDG fondateur, Denis Terrien, remplacé le 14 mai par son bras droit Georges Aoun. Ce dernier récite imperturbablement l’évangile maison : “Nous travaillons dur pour offrir le meilleur service au client qui, au final, saura faire la différence. ” Quel que soit l’avenir d’Amazon.fr, le duopole Fnac-Alapage pourrait être contesté : d’autres acteurs, modestes mais tenaces comme Chapitre.com (3,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2000) s’accrochent, tandis que le géant Carrefour prépare sa boutique internet culturelle.

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Jean-Christophe Féraud