La chasse aux dinosaures est ouverte. Et pour s’y adonner, nul besoin de se rendre dans les salles obscures visionner un nouvel opus de Jurassic Park. Depuis le 6 septembre, l’éditeur de jeux vidéo Acclaim propose le dernier volet de sa franchise originale, Turok Evolution, dans lequel le joueur incarne un chasseur luttant contre des dinosaures. Ce titre est, dès sa sortie, disponible sur trois consoles ?”X-Box, Playstation 2 et Game Boy Advance ?” et le sera sur Game Cube à l’automne. Un portage multiplateforme devenu incontournable pour les éditeurs. “Il n’est plus envisageable de garder l’exclusivité d’une sortie pour un constructeur. Ce n’est pas rentable”, assène Eric Nguyen, chef de produits chez Acclaim.À l’heure où le seuil de rentabilité d’un titre est évalué à 1 million d’unités vendues, seul un développement sur les trois consoles majeures (Sony, Nintendo et Microsoft), combiné à une sortie quasi simultanée, permet d’espérer atteindre cet objectif. Un impératif qui implique des contraintes techniques. Car le portage d’un jeu sur différentes consoles multiplie les problèmes. “Chaque console possède un “hardware” spécifique et utilise des librairies propres. Cela rend le travail très éprouvant, surtout quand le temps de production est limité”, reconnaît David Levy, lead designer sur Turok Evolution. Autrement dit, poursuit-il, “nous devons cuisiner trois fois le même plat avec des ingrédients différents.”À la tête d’une équipe de onze personnes, David Levy aura travaillé pendant trois ans pour élargir le potentiel de diffusion de Turok. Un temps de développement inhabituel dans ce milieu où la moyenne se situe entre 12 et 18 mois. L’explication réside peut-être dans la méthode du studio d’Acclaim. Car, de l’aveu même de David Levy, si l’équipe reste attentive aux différents outils de développement, “concernant “Turok”, nous avons pris la décision de créer notre propre technologie.”Et c’est bien là que le bât blesse. En adoptant cette méthode, les développeurs sont constamment confrontés à la nécessité de tenir compte des contraintes inhérentes aux différentes consoles. “Graphiquement, la plupart des problèmes se situent dans l’allocation de mémoire aux textures, objets 3D, animations, qui sont différents entre les plateformes”, explique le designer d’Acclaim. Car les consoles ne sont pas nées égales. Ainsi, elles ne supportent pas nécessairement autant de passes de textures, c’est-à-dire de couches de textures applicables sur un objet. La PS 2 en supporte deux, la X-Box quatre et la Game Cube huit. Si la console de Microsoft est dotée de 64 mégaoctets de mémoire vive, celle de Sony n’en a que 32 et la machine de Nintendo 24. Ces deux caractéristiques combinées permettent de réaliser des objets 3D plus ou moins complexes, comportant plus de faces, plus de détails. Cela affecte également la palette d’effets spéciaux dont le développeur dispose.
Libérer la créativité
Somme toute, pour chaque console, les développeurs réinventent la roue alors que le résultat doit être identique. Les délais et les coûts s’en ressentent. La solution à ce casse-tête est née dans les années quatre-vingt-dix et ne cesse depuis de s’imposer. Les middleware prennent la main sur les outils des studios, développés en interne pour chacune des consoles.Véritables boîtes à outils, ces suites logicielles regroupent les moteurs ?” graphique, audio, d’intelligence artificielle ?” gèrent les API et intègrent les spécificités et limitations de chaque console. L’équipe de développement ne mène plus qu’une seule production, le middleware se chargeant de contrôler et de valider le portage sur chaque console. Du coup, les studios se concentrent sur l’environnement des jeux et ne perdent plus de temps à résoudre les problèmes techniques relatifs à chaque adaptation.Sur ce marché grandissant, Criterion Software, filiale de Canon, se situe loin en tête. Son produit, Render Ware, tient le marché des jeux développés à base de middleware, “ce qui représente 30 % des sorties en 2002, contre 15 % en 2001 et seulement 3 % en 2000”, affirme Christophe Reyes, directeur général France de la société. L’outil accélère les productions en offrant aux studios, sur chacune des plateformes, un contrôle en temps réel des scènes en cours de réalisation. Résultat : s’il a fallu 15 mois pour que Burnout (Acclaim) voie le jour, son adaptation n’a nécessité que 9 mois. Ce qui fait douter Christophe Reyes de l’avenir des développements de jeux sans middleware : “Cela ne traduit qu’une résistance idéologique au sein des studios. Les impératifs économiques rendent archaïques des productions de 3 ans.” La chasse aux dinosaures dans les studios de développement semble bel et bien ouverte.
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