Difficile actuellement de ne pas feuilleter un journal professionnel sans tomber en arrêt devant cette photo d’un homme et d’une femme travaillant côte à côte, élégants, impeccablement figés dans un sobre noir et blanc corporate. Pourtant, l’homme semble mal à l’aise, rajustant son n?”ud de cravate. La femme affiche-t-elle sur l’écran du portable posé devant eux quelque chose qui le trouble à ce point ? Probablement pas, car un détail important ne lui aura pas échappé, pas plus qu’au lecteur : la jeune femme arbore en effet un décolleté vertigineux, laissant largement entrevoir les atouts que la nature lui a généreusement accordés.Cette photo équivoque est en fait une publicité pour l’opérateur 9 Télécom, spécialiste de la controverse publicitaire (n’est-ce pas M. Leneuf ?). Il y promeut son offre de réseau privé virtuel, avec ce slogan sibyllin : “Le haut débit en réseau, c’est comme si on pouvait tous se toucher.” Mais toucher quoi ? On se touche rarement en travaillant… Poser la question avec la photo sous les yeux, c’est y répondre. C’est élégant.L’astuce de cette publicité est que la photo et le slogan ont chacun deux niveaux de lecture qui se correspondent respectivement : d’un côté, l’efficacité professionnelle, de l’autre, les sous-entendus sexuels. Si la photo avait été accompagnée d’une phrase neutre, on aurait seulement eu une entreprise de plus utilisant des seins pour vendre, et on passerait vite, avec mépris.Là, on reste perplexe, on est pris de cours par l’ambiguïté du slogan qui souligne justement ce qu’on ne saurait voir : c’est tellement gros que ça ne peut pas être possible ! Et du coup, on reste sur la page, on cherche à comprendre, on est soit choqué, soit amusé, mais le message finit par rentrer.Au-delà de l’image de 9 Télécom, le risque est néanmoins que l’intérêt professionnel du haut débit lui-même ne soit dévalorisé. Internet est déjà vu par beaucoup comme un puits de productivité ; le principal intérêt du haut débit est la possibilité de transmission vidéo. Alors que peut-il donc y avoir de si intéressant sur cet écran ? Et si ce nétait pas très professionnel ? Une ambiguïté de plus qui restera sans réponse.Prochaine chronique le jeudi 19 avril 2001
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