L’industrie du disque nous prend vraiment pour des gogos lorsqu’elle se pose en ultime rempart des droits d’auteur. Elle ne s’est pourtant pas privée de truander allègrement les artistes. Les musiciens de blues, par exemple, ont longtemps vécu dans une totale ignorance de la notion de royalties. Les rééditions de leurs enregistrements ne leur valaient pas un ” kopeck “. Jusqu’à ce qu’une bande de jeunes gens tombés dedans lors du blues revival des années soixante les incite à mener des procès. Qu’ils ont gagnés.Aujourd’hui, la RIAA attaque Napster, menace Gnutella, dénonce Freenet. Rigolade. Les industriels du disque ne défendent pas les droits d’auteur. Ils ne sont d’ailleurs auteurs de rien si ce n’est de contrats alambiqués. Ils défendent leur fonds de commerce, leur capital d’auteurs, leur écurie de chevaux de course. Un capital bien précieux qu’ils font travailler. Fructueusement.
Les auteurs ont bon dos. Vous savez combien on leur reverse sur un CD vendu 120 francs ? Entre 5 et 20 francs, selon la notoriété. Et c’est très rarement 20 francs.Aujourd’hui, les auteurs n’ont plus besoin de se soumettre au jeu des majors. L’informatique offre aux artistes une capacité jamais vue de diffusion. Il leur suffit de déposer leurs oeuvres sur un site et de s’arranger avec leur public. Si la radio et la télé étaient déjà des supports de diffusion de masse, ils n’offraient que le centième, le millième de la diversité qu’offrent les réseaux.Si les cassettes audio puis vidéo ont encouragé l’échange d’oeuvres, nos disques durs et leurs capacités de stockage sans cesse croissantes en sont les dignes descendants. Le ciné-club s’est transformé en salle de chat à l’échelle de la planète. Echangeons joyeusement, discutons, écoutons, regardons, ne nous privons pas.Reste un problème. L’informatique et les réseaux sont très doués pour l’échange et la recopie de contenus. Mais ils n’ont pas été conçus pour garantir la propriété de ce contenu. Un fichier numérique n’est pas différent d’un autre pour une machine. Elle se moque de savoir si elle recopie l’annuaire des abonnés de l’Ardèche ou les oeuvres complètes de Marcel Proust. Ce ne sont que des séries de bits.Quant aux réseaux, une fibre optique se moque de savoir si elle fait transiter une sonate de Haendel ou les horaires des trains pour la Bourboule. Il ne s’agit que d’une série d’infimes modulations lumineuses, et la fibre optique ne les déchiffre pas, tuyau aveugle, elle les achemine, point. Alors évidemment, la copie est facile. Du piratage, dit-on ?L’avenir est dans de nouveaux systèmes de garantie des droits des artistes. Peut-être quelque chose qui ressemblerait au shareware. Peut-être des sites communautaires avec un accès forfaitaire, sur le modèle des bibliothèques de prêt. Ce qui importe le plus est comment rétribuer la création à l’époque où sa reproduction est si facile.
L’industrie du disque a bien trop intérêt à maintenir son capital d’auteurs et son monopole de la diffusion des copies pour accepter l’évolution des formes des droits dauteur. Elle ne proposera rien de neuf. Elle veut une condamnation rapide de Napster. Et vous ?Prenez votre temps.Prochaine chronique le jeudi 14 septembre
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.