Passer au contenu

Donald Trump dit n’importe quoi lors d’une visite d’usine d’Apple, et Tim Cook ne le contredit pas

Les deux hommes ont connu des temps plus orageux, mais le patron d’Apple a décidé de faire le dos rond face au président des États-Unis. Quitte à laisser passer de grossières fake news.

« Nous assistons aux débuts d’une usine très puissante et importante. […] Je souhaite voir des usines d’Apple implantées aux États-Unis. Et c’est ce qui se passe », a déclaré Donald Trump jeudi 21 novembre, à Austin, au Texas, à l’occasion d’une visite d’entrepôt de la marque californienne en compagnie de son patron.
« Quand vous fabriquez aux États-Unis, vous n’avez pas à vous soucier des tarifs douaniers », a-t-il continué dans une allusion aux droits de douane imposés aux produits venant de Chine. Tim Cook,en parfait businessman, n’a pas bronché, affichant un sourire cordial.

Le jeu des 3 erreurs

Sauf que dans la déclaration présidentielle se cachent, en réalité, trois erreurs. Ce n’est ni le « début » de cette usine qu’Apple utilise depuis 2013. Certes, l’entreprise de Tim Cook y assemble le nouveau Mac Pro, mais ce n’est en aucun cas une inauguration.
Ensuite, Apple n’en est pas propriétaire. L’entrepôt appartient à une entreprise américaine Flex Ltd. Loué par la marque à la pomme, l’usine emploie environ 500 personnes.
Enfin, ce n’est pas une usine de « fabrication » mais d’assemblage des pièces détachées… qui viennent de Chine. En quelques phrases, Donald Trump mélange tout. Le président est prêt à tout pour défendre son credo patriote. 

Plus symbolique que créateur d’emplois

« L’ironie, c’est qu’ils ne fabriquent pas beaucoup de Mac Pro », remarque Bob O’Donnell, de Technalysis Research à l’AFP. « Cela représente des emplois, mais pas des dizaines de milliers. Le fait qu’Apple garde cette usine en activité, c’est plus symbolique qu’autre chose ».

L’ordinateur qualifié « d’incroyable », selon le président, est en effet vendu à partir de 6 000 dollars (environ 5 400  euros) et représente une part infime (moins de 1%) des revenus d’Apple, qui fabrique l’écrasante majorité de ses iPhone, tablettes et autres en Chine, et un peu en Asie du Sud-Est.

« Apple first »

En fait, il est probable que le président américain, qui n’est plus à une erreur près, ait confondu ce site avec le projet de campus d’Apple en cours de construction à Austin, à quelques kilomètres de l’usine Flex.
Selon le New York Times, Apple a récemment annoncé qu’elle avait commencé les travaux sur trois millions de mètres carrés pour un milliard de dollars, près d’Austin. Il devrait ouvrir en 2022 et abriter 5 000 employés. 

Pourtant, loin de corriger l’avalanche d’erreurs de Donald Trump, Tim Cook a remercié l’administration de manière très polie :

« Je leur suis reconnaissant de leur appui pour nous permettre d’aller aussi loin aujourd’hui. Ce ne serait pas possible sans eux », a déclaré le chef d’entreprise.

La stratégie du « ni, ni »

Cet échange est en fait révélateur de la relation qu’entretient Tim Cook avec Donald Trump pour s’assurer les faveurs de la Maison Blanche, alors qu’Apple a subi une baisse de 25% de ses bénéfices américains, cette année, selon le cabinet Loup Ventures. La stratégie du dos rond semble porter ses fruits – tant pis pour les imprécisions.

« [Tim Cook] est très diplomate. Il ne dit pas “J’adore Trump” ni “Je déteste Trump”. Il ne fait pas de commentaires désobligeants en public, et cela suffit à jouer énormément en sa faveur », constate Roger Kay, analyste chez Endpoint Technologies Associates, interrogé par l’AFP.

Déjà, en septembre, le PDG d’Apple s’était dit « fier » de poursuivre la production du Mac Pro aux États-Unis, remerciant « l’administration pour son soutien ». Un changement d’attitude pour le patron d’Apple, qui avait soutenu Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle – dans laquelle Donald Trump s’en prenait, de son côté, vigoureusement aux géants de la Silicon Valley.

Un peu déconcertant, mais sans impact d’image

« C’est sans doute un peu déconcertant pour certains fans d’Apple qui n’aiment pas le président », relève Bob O’Donnell toujours à l’AFP.

Mais, l’impact en termes d’image reste modéré, et négligeable, par rapport aux conséquences potentielles sur les affaires du groupe s’il avait dû augmenter ses prix à la vente pour absorber les tarifs douaniers, selon l’expert.  

La multiplication d’erreurs – et surtout leur fréquence qui augmente – laisse quand même perplexe. Donald Trump demandait à Apple, un peu avant « l’inauguration », de l’aider « à la mise en place de la 5G aux États-Unis », ignorant visiblement que la société californienne n’a rien d’un opérateur.
Dans le même temps, il déclarait sur Twitter (voir plus haut) que Nicole Pelosi allait dissoudre le Congrès… Le président américain n’est-il pas, au final, le plus grand pourvoyeur de fake news ?

Source : The New York Times

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Marion Simon-Rainaud