Passer au contenu

DMA : TikTok perd son premier bras de fer contre la Commission européenne

La plateforme chinoise TikTok n’échappera pas au DMA ou Digital Markets Act, le règlement européen sur les services numériques. Ce mercredi 17 juillet, la Cour de justice a estimé que ByteDance, la maison mère du réseau social, était bien un contrôleur d’accès ou gatekeeper. Toute société entrant dans cette catégorie, qui désigne les acteurs du numérique les plus importants, doit respecter une salve de nouvelles obligations en termes de concurrence.

TikTok, le réseau social chinois, devra bien respecter les nouvelles règles européennes de la concurrence : voilà le message de la justice européenne, qui vient de rendre, ce mercredi 17 juillet, son tout premier arrêt en la matière. La plateforme appartenant à ByteDance faisait partie des géants du numérique à contester vigoureusement le fait de tomber dans le champ des « gatekeepers » ou « contrôleur d’accès » selon le DMA, le règlement européen sur les marchés numériques. Cette catégorie de titans est soumise à des règles plus strictes en termes de concurrence, en raison de la taille et de la part de marché de ces sociétés.

Tout était parti d’un recours, déposé le 16 novembre dernier par ByteDance, contre la décision, prise par la Commission européenne, de l’inclure dans cette catégorie. Huit mois plus tard, la Cour de justice européenne a tranché : et le recours de l’entreprise chinoise vient d’être rejeté, apprend-on ce mercredi 17 juillet. Résultat, TikTok devra bien, comme six autres géants de la tech considérés comme des gatekeepers (Apple, Meta, Google, Microsoft, Amazon et Booking), respecter de nouvelles et lourdes obligations. Outre l’interopérabilité de ses services avec des applications concurrentes, ou le partage des données, les contrôleurs d’accès ne sont plus censés favoriser leurs propres services par rapport à ceux de leurs concurrents.

À lire aussi : Booking.com passe sous contrôle renforcé de l’UE : qu’est-ce-que ça va changer ? 

Avec le DMA, Bruxelles a voulu imposer aux acteurs du numérique les plus dominants, qui proposent les services les plus importants (de messagerie, de moteurs de recherche, de système d’exploitation) des obligations bien plus strictes qu’avant, censées mettre fin aux abus potentiels ou avérés de position dominante. Ces règles sont censées éviter que ces derniers ne deviennent hégémoniques sur un marché dont l’accès serait verrouillé. Meta, Apple et ByteDance ont cherché à échapper à ces nouvelles obligations… sans succès pour le géant chinois.

À lire aussi : Mais pourquoi l’Europe tient-elle autant à casser les pieds d’Apple, de Google et de Meta ?

ByteDance est bien un gatekeeper, selon le tribunal

Le Tribunal européen, situé au Luxembourg, estime en effet que « la Commission était pleinement fondée à considérer que ByteDance est un gatekeeper », et ce pour plusieurs raisons que les juges européens détaillent. Première d’entre elles : l’entreprise chinoise « atteint les seuils quantitatifs prévus par le DMA en ce qui concerne, entre autres, (…) sa valeur de marché globale, le nombre d’utilisateurs de TikTok au sein de l’Union européenne et le nombre d’années au cours desquelles ce seuil relatif à la valeur de marché a été atteint », note le tribunal.

Pour être désigné comme contrôleur d’accès, un service doit dépasser les 45 millions d’utilisateurs mensuels. Il doit aussi avoir une capitalisation boursière supérieure à 75 milliards d’euros, et un chiffre d’affaires annuel de 7,5 milliards d’euros. Et sur ce dernier point justement, ByteDance soutenait que sa valeur sur le marché mondial était principalement attribuable à ses activités en Chine. Le géant chinois estimait donc que son impact sur le marché intérieur de l’UE n’était pas significatif, et que son chiffre d’affaires était faible.

Ce point de vue n’a pas été repris par les juges européens. La Commission était en droit de considérer que la valeur élevée du marché mondial de ByteDance, ainsi que le grand nombre d’utilisateurs de TikTok dans l’UE, reflétaient sa capacité financière et son potentiel à monétiser ces utilisateurs, a relevé le tribunal.

« Une position bien établie sur le marché »

Autre argument de TikTok battu en brèche : celui selon lequel le réseau social serait plutôt un challenger sur le marché des réseaux sociaux, dont la désignation entraverait son développement et sa capacité « à rivaliser avec les véritables contrôleurs ». TikTok expliquait en effet en novembre dernier qu’il s’agirait d’« un nouveau venu » dont la désignation entraverait « une concurrence efficace dans un domaine qui a longtemps été dominé par une poignée d’acteurs ». Mais pour la Cour européenne, TikTok a bien un impact significatif sur le marché européen. « TikTok est une passerelle importante permettant aux utilisateurs professionnels d’atteindre leurs utilisateurs finaux et ByteDance bénéficie d’une position bien établie sur le marché », notent-ils.

Depuis son lancement en Europe en 2018, TikTok a réussi à faire croitre, très rapidement, son nombre d’utilisateurs, « atteignant, en peu de temps, la moitié de la taille de Facebook et d’Instagram, et un taux d’engagement particulièrement élevé, notamment auprès des jeunes utilisateurs », ajoute encore la Cour.

« Nous allons maintenant évaluer les prochaines étapes », estime TikTok

Un porte-parole de TikTok, interrogé sur cette nouvelle par Euronews, a fait part de sa déception. « TikTok est une plateforme concurrente qui apporte une concurrence importante aux acteurs en place. Nous allons maintenant évaluer les prochaines étapes, mais nous avons déjà pris des mesures pour nous conformer aux obligations pertinentes du DMA avant la date limite de mars dernier », date d’entrée en vigueur du texte. C’est aussi en mars que la Commission avait décidé d’ouvrir des enquêtes de non-conformité à l’encontre d’Apple, de Meta et d’Alphabet, la société mère de Google, dans le cadre du DMA. 

En cas de non-respect du texte, les géantes du numérique risquent gros : les amendes peuvent atteindre cette fois 10 % de leur chiffre d’affaires mondial, et même 20 % en cas de récidive – soit bien plus que les 4 % (pour le RGPD, le Règlement européen sur les données personnelles) et 6 % (pour le DSA, le règlement sur les services numériques) prévus précédemment. Et si la récidive persiste et que l’entreprise continue à ne pas respecter le DMA, ce sera… le démantèlement. La récalcitrante risque la « cession et la séparation structurelle », avertissait Thierry Breton en septembre dernier. TikTok n’ira certainement pas jusque-là, mais la plateforme chinoise pourrait faire appel de cette décision. L’entreprise a deux mois et dix jours pour contester cet arrêt.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.

Source : Arrêt du tribunal de l'Union européenne du 17 juillet 2024


Stéphanie Bascou