Les perspectives de carrière en sociétés de services informatiques sont très variées. Mais il faut en accepter le revers de la médaille : la pression de projets de plus en plus courts.
Les SSII embauchent à tour de bras. Leur taux de croissance frôle les 20 %. Mais à l’heure de la pénurie d’informaticiens, ces deux raisons ne suffisent pas. D’autres motifs attirent en réalité dans les SSII les femmes et les hommes qui veulent faire de l’informatique leur profession. Voici les avis de dix ingénieurs qui ont, un jour, choisi d’exercer leur métier dans le service – depuis quelques mois pour le plus jeune d’entre eux, après plus de quinze ans pour les plus expérimentés. Ils illustrent, chacun à leur manière, l’une des multiples facettes des possibilités d’évolution de carrière offertes par les prestataires de services informatiques.Leurs vécus sont sensiblement différents, mais un point commun les rassemble : ils ne sont pas venus dans le service par hasard. Ils savaient qu’ils y trouveraient la diversité de projets et des méthodes, ainsi que la mobilité. En contrepartie, ils acceptent la pression de ce secteur qui a réduit ses temps d’intervention. Un projet qui se planifiait au début des années 90 sur deux ans doit aujourd’hui être achevé en moins de six mois. Impossible, donc, d’inscrire dans ces bonnes raisons le passage aux 35 heures !Certes, quelques rares exemples de SSII ont innové sur la réduction du temps de travail. Mais, dans une écrasante majorité, elles se débattent encore dans les négociations avec leurs syndicats. Cette profession est essentiellement composée de cadres, et la pénurie des recrutements rend ubuesque la création d’emploi. Cependant, parmi ces témoins, certains ont ressenti le besoin de sortir du tourbillon des projets en rejoignant une entreprise utilisatrice ou, tout en restant dans le domaine du service, en s’orientant vers des métiers comme l’infogérance ou le consulting. Cependant reste une gageure : peu de SSII – sinon aucune – réunissent à elles seules ces dix bonnes raisons
” Passer d’un métier du service à l’autre “ L’activité des SSII s’orchestre autour de quatre grands métiers : la réalisation et l’assistance technique, l’ingénierie et l’intégration, l’infogérance, et, enfin, la maintenance tierce du matériel. ” La possibilité de passer d’un métier à l’autre est l’un des avantages de ce secteur “ , observe Laurent Saunois, 35 ans, responsable technique de compte chez Euriware. Ainsi, depuis le début de sa carrière, en 1990, il a déjà travaillé dans trois de ces métiers. Après huit ans de développements spécifiques pour diverses missions pour Alten Industrie, il s’oriente chez Euriware vers l’intégration de systèmes et de progiciels. C’est au cours d’un de ces projets d’intégration qu’il a l’occasion d’accompagner la mise en production. ” L’encadrement d’équipes d’exploitation m’a donné l’envie d’avoir une optique à long terme en m’orientant vers les services d’infogérance. “ Depuis novembre 1999, il passe donc progressivement du statut de chef de projet développement et intégration de systèmes à celui de responsable technique de compte. Il prendra ensuite ses marques sur un contrat qui deviendra récurrent. ” C’est un bon compromis entre deux rythmes de travail différents, observe-t-il. En gérant l’informatique d’une entreprise, je compte acquérir une expérience proche de celle d’un DSI”
Gagner plus Stock options, FCP, salaires variables… Le monde du service déploie tout un arsenal de solutions pour attirer et fidéliser ses collaborateurs. L’objectif ? Ne pas jouer uniquement sur la surenchère salariale pour convaincre les postulants. Un état d’esprit auquel a été sensible Martin Griffiths, 38 ans, en rejoignant en début 1999 Cambridge Partners Technology. Cette filiale d’un groupe américain spécialisée dans les projets liés à la gestion de la relation client et l’Internet lui a proposé, dès les premiers entretiens d’embauche, de compléter une partie de ses appointements en stock options. ” Ceux-ci m’ont été versés dès la fin de ma période d’essai. J’ai aussi pu ajouter potentiellement 25 % à ma rémunération annuelle, qui n’est d’ailleurs pas excessive en comparaison des salaires du marché “ , explique-t-il. Il a déjà complété ce capital par l’achat d’autres actions à taux préférentiel, proposées à l’ensemble des salariés. Au bureau, le matin, les discussions portent sur les performances de l’action au Nasdaq. ” Même si, dans le service, les taux de croissance ne sont pas aussi spectaculaires que pour les start up Internet, la progression est malgré tout régulière, commente-t-il. Cela crée une motivation sur l’avenir, puisque, dans une société de services ou de conseil, c’est vraiment le travail de chaque individu qui contribue à la valeur de l’entreprise. “
” Exercer sa passion des technologies “ Pour les mordus de technologie, la préférence va aux projets à forte connotation Internet – le CTI, les réseaux, les télécoms et autres grands chantiers de simulation numérique. Sur ces créneaux, les petites structures développent une expertise pointue et réalisent des projets ” au forfait “, sur un délai limité dans le temps. Grâce à leur réactivité, à leur avance et à leur savoir-faire, ces intégrateurs ” à forte valeur ajoutée ” raflent des appels d’offres aux plus grosses structures. En 1992, après sept ans passés chez Dassault Electronique, Olivier Cadeff, 38 ans, est entré dans ce tourbillon en créant avec cinq autres fondateurs, la société Apogée, dont il est aujourd’hui le directeur technique. Depuis, les projets se sont succédé – définition d’architectures de systèmes, installation de centres d’appel, intégration d’outils de sécurité et mise en place d’extranets et d’intranets. En ce début 2000, la société compte deux cents employés. Olivier Cadeff s’éloigne du terrain. Il est à l’affût des prochaines innovations des nouvelles technologies de l’information, prêt à les installer chez des clients pris, eux aussi, dans l’accélération de la Net économie…
” Débuter dans l’informatique “ ” Tous les diplômes mènent à l’informatique ” titrait, le 4 février dernier, un dossier de 01 Informatique ! Sous la pression de la pénurie de spécialistes, les SSII ont retrouvé leur vocation formatrice des années 70, lorsque les diplômes d’informaticien n’existaient pas encore. ” A la vue de l’expérience de la promotion sortie une année avant la mienne, ceux qui avaient trouvé le plus rapidement une situation intéressante étaient dans l’informatique “ , déclare Christèle Arles, 26 ans, ingénieur chimiste. Avant d’envoyer quinze candidatures spontanées à des SSII conseillées par l’Apec, elle s’est assurée d’avoir bien fait le deuil de sa formation d’origine. ” Deux semaines après l’envoi, je recevais déjà dix propositions d’entretien. Jamais je n’avais connu cela avec les industriels de la chimie ! “, s’exclame-t-elle. Son choix se porte alors sur Origin, SSII filiale du Néerlandais Philips. La formation proposée – de quatre semaines au lieu de deux chez les autres – a gagné sa faveur. ” De plus, j’allais travailler sur l’installation du progiciel Baan chez des industriels, et non sur le développement d’applications grands systèmes pour la banque ou l’assurance. “ En dix-huit mois, elle a déjà participé à l’adaptation du progiciel chez deux clients avec des collègues ingénieurs informaticiens. Observation : ” J’ai un regard différent. Par exemple, je vais spontanément m’attacher à modifier l’organisation plutôt qu’à développer un nouveau programme pour résoudre un problème. “
Monter en grade rapidement Briser les structures hiérarchiques, favoriser l’évolution rapide et l’autonomie sont des principes faciles à appliquer dans des petites structures. C’est beaucoup moins évident dans les plus grandes. Pourtant, pris dans l’engrenage du turnover de leurs salariés, certains ténors du marché des services informatiques font aussi des efforts pour répondre à l’ambition de leurs jeunes collaborateurs. Franck Chartier, 28 ans, en est l’un des exemples. Il aura fallu tout juste trois ans à cet ingénieur issu de l’Université technologique de Compiègne (UTC) pour passer du statut de simple stagiaire de fin d’études à celui de directeur de projet chez Unilog, huitième sociétés de services informatiques sur le marché français. ” Bien sûr, au moment de l’embauche, j’ai eu droit au discours banal sur le thème de la prise de responsabilité rapide. Mais il s’est confirmé dans les faits. Et mon cas n’est pas exceptionnel ici “ , reconna”t-il. La méthode de gestion de carrière dont il a bénéficié consiste à déléguer progressivement, de projet en projet, de plus en plus de fonctions d’encadrement. ” L’organisation est fondée sur le coaching des expérimentés vers les débutants. Sur le terrain, il n’y a pas de rupture entre le rôle de manager et d’exécutant, détaille-t-il. Chaque membre des équipes est très autonome et devient rapidement acteur du projet. Aujourd’hui, c’est moi qui applique ces principes à mon équipe de dix ingénieurs. Je dois prendre en charge leur carrière individuellement. “
” Un tremplin pour rejoindre une entreprise utilisatrice “ Intégrer l’équipe informatique d’une grande entreprise nationale est un souhait souvent exprimé par les informaticiens. Mais les recrutements des utilisateurs sont diffus et privilégient les profils expérimentés. Le passage par plusieurs années dans une SSII est un atout majeur. Le profil de carrière de Mireille Deligné représente le portrait-robot idéal du nouvel embauché à la direction informatique du courrier de La Poste : approche de la quarantaine et dix-sept ans de fidélité chez Cap Gemini ! Une expérience au cours de laquelle elle a participé à des projets dans des domaines technologiques et des secteurs d’entreprise très variés. ” Je voulais me fixer, car on n’a jamais un sentiment réel d’appartenance à son employeur lorsqu’on est en mission, explique-t-elle. J’avais besoin de conna”tre, enfin, le sens de l’achèvement en menant un projet de bout en bout en relation directe avec la ma”trise d’ouvrage. “ Elle décroche donc en décembre 1999, suite à une petite annonce (dans 01 Informatique !), un poste de chef de projet à la direction informatique du courrier de La Poste : ” Ma rémunération annuelle est sensiblement inférieure à mon salaire précédent, avoue-t-elle. Mais je gagne sur d’autres plans. La mobilité, par exemple, ne m’est plus imposée. Et, surtout, je vais pouvoir me détacher de la technique pour occuper un poste d’encadrement. “
Changer de région ou de pays “ De par la variété des missions et des types de clients, la mobilité est inscrite dans les gènes des métiers du service informatique. De plus, il est possible de profiter de cet état intrinsèque pour se déplacer géographiquement. Christophe Castel, 33 ans, a, depuis le début de sa carrière, concilié ses désirs professionnels et son besoin de bouger. D’abord en France. De Lille, puis de Compiègne, où il a fait ses études, il rejoint une SSII de Grenoble pour monter des sites Internet. Un détour de deux ans à Paris. Puis il entre dans l’agence de Nantes de Logica en 1998, pour étendre son expérience à l’administration de systèmes et aborder de nouvelles facettes du développement Internet. Quelques projets plus tard, lui vient le désir d’une expérience, internationale cette fois. ” J’ai traduit mon CV en anglais, puis je l’ai envoyé dans la base de données mobilité internationale de Logica “ , explique-t-il. Très vite, la filiale de Londres lui propose une mission de deux mois. Mais c’est l’intérêt professionnel du contrat de deux ans de l’agence de Logica à Dublin qui l’enthousiasmera le plus. ” Je n’ai pas hésité longtemps. En Irlande, je suis entré dans les équipes de développement du logiciel SMSC (Short Message Service Center). Aujourd’hui, j’écris des interfaces du produit pour Internet avec des collègues canadiens, américains, anglais et irlandais. “ Son salaire ? Il a été négocié en euros selon le coût de la vie locale. Seul avantage lié à son statut d’expatrié : deux voyages offerts dans l’année pour revenir en vacances au pays…
Se former pour évoluer D’après le Syntec Informatique, les SSII consacrent, selon leur taille, de 3,5 à 10 % de leur masse salariale à la formation continue. Pour les plus petites, cette enveloppe sert surtout à financer en priorité des stages techniques, dont les acquis seront directement exploitables sur un projet en cours ou à venir. En revanche, dans les sociétés de plus de cinq cents personnes, une part de 40 % est dépensée dans des cursus à caractère managérial. Myriam de Durand, 32 ans, a bénéficié à la fois de ces passages obligés et d’une formation diplômante, qui a favorisé son évolution de carrière et son changement de fonction. Dès son entrée, en 1988, dans le groupe IBS, elle a été formée à l’ensemble des progiciels installés par la filiale AGI. Elle a d’ailleurs inauguré une série de ” cuvées “, baptisées pour l’occasion ” Beaujolais “, ” Millénium “, ou ” Coupe du monde “… Suivront sept ans de projets d’intégration, où elle interviendra sur le terrain : ” Au fil du temps, j’évoluais vers le métier de consultant avant-vente. J’ai eu envie de me rapprocher plus clairement du commercial “ , dit-elle. IBS lui finance alors un troisième cycle de gestion à l’Essec, organisé sur quatre trimestres durant deux ans, puis un séminaire sur les techniques de vente. Aujourd’hui, elle est ingénieur d’affaires : ” La culture générale apportée par la formation et mon expérience technique de terrain me permettent d’être crédible pour gérer un portefeuille de clients. “
” Décrocher un premier emploi “ Depuis 1998, l’informatique est le premier débouché des jeunes diplômés. Selon l’Apec, un quart des jeunes cadres débutants ont démarré dans une SSII. Pour leur premier emploi, les candidats se tournent en priorité vers les grosses entreprises, quitte, deux ou trois ans plus tard, à participer à l’aventure d’une start up… La proportion de recrutement de débutants augmente (selon le Syntec) en fonction de la taille de l’entreprise. Elle passe en effet de 15 % pour les plus petites à 25 % pour les structures moyennes, et de 50 à 60 % pour les ténors du marché dépassant les cinq cents employés. Franck Emsallem, 23 ans, promotion 1999 de l’Ecole centrale de Lyon, n’a pas dérogé à la règle en répondant au chant des sirènes du numéro trois du marché des services informatiques français : ” Atos me proposait un stage de fin d’études de cinq mois dans le domaine des annuaires d’entreprise. Ma formation étant très généraliste, je n’avais pas abordé ce sujet à l’école. “ La fin de stage a très vite été suivie d’une proposition d’embauche. Depuis octobre 1999, Franck Emsallem développe les interfaces Internet d’un progiciel de communication au sein de la branche intégration d’Atos. ” J’ai été très agréablement surpris de la confiance accordée aux débutants. L’ambiance de travail reste proche de l’esprit étudiant, observe-t-il. En six mois, j’ai déjà acquis des compétences sur les normes et les protocoles. J’ai aussi suivi plusieurs formations aux méthodes et technologies de l’entreprise, ainsi que sur le commerce électronique “
” Amorcer une carrière dans le consulting “ La tendance est enclenchée. Le métier des sociétés de services informatiques est de moins en moins lié au seul développement d’applications. Déjà, l’intégration de progiciels a entra”né depuis quelques années une offre croissante de services de conseil en organisation et en gestion du changement. Des grands noms du marché sont allés encore plus loin en rachetant des sociétés de conseil. Parmi elles, Computer Sciences Corporation a illustré ce rapprochement en accueillant Peat Marwick en France. Le 1er mars dernier, Cap Gemini a annoncé son projet de fusion avec Ernst &Young après avoir déjà précédemment absorbé le Français Bossard Consultants. Ce lien interne offre des opportunités de carrière, notamment aux personnes expérimentées. José Bréval, 52 ans et ingénieur électronicien d’origine, a franchi la frontière qui sépare l’expertise technique du monde du consulting. Depuis son arrivée chez Cap Gemini en 1985, il n’a eu de cesse de mener des projets à la pointe dans le domaine des systèmes de communication jusqu’à la création d’une filiale dédiée à l’innovation. ” Après sept ans à mettre en ?”uvre les technologies, j’ai voulu enfin mesurer leur impact sur le métier des entreprises “ , explique-t-il. C’est désormais sur la rive du conseil, aux rênes de la direction nouvelles technologies chez Gemini Consulting, qu’il poursuit sa passion. ” Le passage n’est pas si naturel, avoue-t-il. Les règles sont différentes dans le conseil. La part de l’individu y est plus forte. Le travail en équipe, les process et les méthodes ne suffisent plus. Pour réussir dans ce métier, il faut apporter sa vision et savoir y associer des compétences. “
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