Depuis hier matin, le serveur Altern.org est inaccessible. Son propriétaire, Valentin Lacambre, a décidé de le fermer suite au vote dans la nuit du 28 juin de l’amendement de la Loi sur la communication audiovisuelle. L’hébergeur craint de se mettre hors-la-loi et d’engager sa responsabilité, en maintenant son serveur actif.Le texte amendé prévoit, en effet, une nouvelle obligation pour les hébergeurs : ils devront permettre l’identification des éditeurs de pages personnelles. C’est donc par précaution que Valentin Lacambre a désactivé son serveur : “Chez moi, les gens ne sont pas fichés. Avec ce texte, tous les contenus passent donc sous ma responsabilité.”De nombreux acteurs d’Internet ont critiqué cet amendement, parce qu’il porte, selon eux, atteinte à la liberté d’expression à la base du succès de ce nouveau média. “Il est surprenant que pour permettre aux gens de communiquer il faille leur demander leurs coordonnées. En plus, un tel fichage comporte des risques évidents : ces données ne seront pas protégées contre une exploitation commerciale.”La fermeture du serveur est pour l’instant temporaire, mais son propriétaire ne sait pas s’il pourra le rouvrir. “Je vais sans doute devoir désactiver tous les comptes des pages hébergées et les réactiver au fur et à mesure que les éditeurs me communiqueront leur identité. Comme il ne coûtera rien d’envoyer un e-mail pour porter plainte contre un site, je risque de me voir assailli de réclamations, le coût des procédures sera beaucoup trop élevé.”
Les associations redoutent une dérive policière
L’amendement prévoit en effet que l’hébergeur saisisse la justice lorsque lui-même a été saisi d’une plainte. Le gouvernement, tempère Catherine Tasca, ministre de la Culture, donne avant tout à cet amendement un rôle de responsabilisation :“Il est important de faire comprendre aux internautes, et notamment aux mineurs, que leurs pages personnelles peuvent être illicites et sanctionnées à ce titre. En les forçant à déclarer leur identité, nous souhaitons que les plus jeunes, notamment, prennent conscience de leurs actes, et évitent, par exemple, d’engager la responsabilité de leurs parents. De plus, l’obligation d’identification pèse sur l’auteur du site, et non pas sur l’hébergeur. Ce dernier ne se voit imposé qu’une nouvelle obligation : il doit pouvoir être identifiable sur le site qu’il héberge, tout comme un imprimeur est contraint de laisser ses coordonnées sur les affiches qu’il imprime.”Pour le gouvernement, les craintes de dérive policière du texte ne sont pas fondées. Des associations craignent en effet une multiplication des fermetures de sites, l’hébergeur pouvant voir sa responsabilité engagée si, suite à une plainte, il ne clôturait pas le compte du site prétendu illicite.Sur ce point, Catherine Tasca a tenu à préciser à quoi correspondait la” diligence appropriée “ à laquelle est soumis l’hébergeur : ” Dès qu’il reçoit une plainte, l’hébergeur devra vérifier le contenu du site en question. Il devra prévenir l’auteur et le mettre en relation avec le plaignant (cette rencontre permet en général de résoudre 80 % à 90 % des litiges), tout en l’informant du recours judiciaire qu’il risque de se voir intenter (une action en référé). Bien évidemment, l’identité de l’auteur ne sera pas communiquée, l’anonymat ne sera pas levé. Si le litige persiste, que le plaignant souhaite aller en justice, et que le contenu semble effectivement illicite, l’hébergeur devra alors saisir la justice (un simple fax suffisant). Tout a donc été fait pour empêcher l’hébergeur de fermer arbitrairement un site, comme c’est le cas actuellement. Evidemment, dans des cas extrêmes (pédophilie, racisme…), l’hébergeur devra agir de son propre chef.”Le texte, qui doit encore passer devant le Conseil constitutionnel, devrait être bientôt promulgué. En attendant, le gouvernement devrait se réunir avec les principaux acteurs de lInternet français et leur présenter le nouveau texte, sous forme de FAQ.
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