Qu’on l’ait adoré ou abhorré, qu’on pense qu’il est un logiciel essentiel ou un « bloatware », il reste toutefois difficile de nier ce qu’a représenté iTunes pour la dématérialisation de la musique. Alors qu’Apple vient d’annoncer son futur démantèlement au sein de macOS Catalina, force est de constater que les réactions sont très contrastées.
Une génération entière a pourtant passé des heures et des heures à classer méticuleusement ses chansons au sein d’iTunes. Récupérés illégalement sur Napster ou encore Limewire, les fichiers MP3 avaient souvent des « tags » remplis à la va-vite. On précisait alors les bons titres, on partait à la recherche de la bonne pochette pour qu’elle orne nos iPod en lieu et place de cette note de musique affichée par défaut.
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Pas d’iPod sans iTunes
Car iTunes, c’est d’abord le compagnon parfait du baladeur d’Apple lancé en 2001. Quand Steve Jobs décide de se lancer sur ce marché encore balbutiant, il est dominé par des appareils à l’interface approximative pour lesquels il est compliqué de se procurer des fichiers musicaux de manière légale. On se souvient par exemple de l’offre pionnière en France de VirginMega.fr qui vendait des chansons au format… WMA protégé par DRM.
Avant d’ouvrir sa propre boutique en ligne, Apple mise donc sur un logiciel capable de gérer ses fichiers personnels, obtenus à partir de l’encodage de nos propres CD. Plutôt que de coder sa propre solution, la société choisit d’en racheter une : SoundJam MP de l’éditeur Casady & Greene. Il faut dire que Steve Jobs n’est revenu chez Apple qu’en 1998 et que ses équipes ne semblent pas encore suffisamment armées pour concevoir un logiciel équivalent de fond en comble.
À sa sortie le 9 janvier 2001, iTunes intègre donc la suite logicielle iLife, le « hub de sa vie numérique » intégré aux nouveaux iMac de la marque. Le logiciel sert donc essentiellement à gérer sa bibliothèque musicale, « ripper » ses CD et en graver des personnalisés ; une manière de moderniser le vieil usage de la compilation sur cassette qui régnait jusqu’alors.
Mais ce premier pas vers la dématérialisation de la musique prend tout son sens quelques mois plus tard, quand en octobre 2001, Steve Jobs dégaine l’iPod de sa poche devant un public ébahi. Ce baladeur numérique bénéficiera quelques mois plus tard d’une compatibilité Windows et popularisera définitivement iTunes. Au point que le patron d’Apple ironisera face au journaliste américain Walt Mosberg. Pour le dirigeant, cette version PC est « comme donner un verre d’eau glacée à quelqu’un en enfer ».
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L’iTunes Store contre le téléchargement illégal
Mais cet enfer, certains trouveront qu’il s’incarne surtout parfaitement dans les évolutions successives du logiciel, quelle que soit la plateforme sur laquelle on l’utilise. Apple profite en effet du lancement de la version Windows en 2003 pour ouvrir son « iTunes Music Store ». Cette boutique en ligne fait le pari d’être le concurrent numéro 1 des solutions illégales.
Steve Jobs a réussi à convaincre les maisons de disques d’y vendre leurs chansons à l’unité pour 99 centimes. Malheureusement, il échoue à leur faire entendre raison sur les DRM, mais obtient une petite latitude : chaque fichier pourra être joué sur cinq appareils différents et non pas un seul, comme c’était leur souhait.
En 2003, l’iTunes Music Store apparaît dans le logiciel.
Le succès sera toutefois au rendez-vous, imposant auprès des majors le couple iPod + iTunes comme la solution principale face au piratage. En avril 2008, le Store deviendra le plus important vendeur de musique (physique et dématérialisée) aux Etats-Unis, puis dans le monde en 2010. En 2014, on estimait qu’Apple avait ainsi vendu plus de 35 milliards de chansons.
Une diversification à outrance
L’occasion est alors trop belle : pourquoi ne pas profiter de ce succès pour décliner le contenu disponible ? En mai 2005, la lecture vidéo fait alors son apparition dans ce lecteur jusqu’à présent cantonné seulement à l’audio. On peut y visionner des clips, mais aussi acheter des films ou des épisodes de série. Pour l’occasion, le nom de la boutique perd sa caractéristique musicale pour être raccourcie en simple « iTunes Store ».
L’offre de podcasts dans iTunes est désormais pléthorique.
À partir de là, la diversification sera totale. Un mois plus tard, en juin 2005, les podcasts font leur apparition sur la plateforme avec le succès qu’on leur connaît. Apple invente même un terme qui sera généralisé depuis pour tous les contenus audio à la demande, quel que soit l’appareil sur lequel il est lu.
Aujourd’hui, le podcast est un secteur florissant dans lequel on retrouve des acteurs indépendants aussi bien que des grands groupes audiovisuels. Les livres numériques arriveront quant à eux en 2010, juste avant la présentation de l’iPad, la tablette dont Steve Jobs voulait qu’elle révolutionne la lecture et la distribution de la presse, en vain.
La révolution iPhone ne s’est pas faite sans iTunes
Mais entre temps, une révolution, bien réelle celle-ci, est apparue dans la gamme de produits d’Apple : l’iPhone. Si à son lancement en 2007, Steve Jobs ne veut pas entendre parler que de « web app », il change finalement son fusil d’épaule et consent à ouvrir son App Store en juillet 2008. S’il est accessible directement depuis son smartphone, Apple décide toutefois de le rendre disponible également sur ses Mac. Et devinez quel logiciel hérite de la nouvelle boutique ? iTunes évidemment.
Il faut dire que depuis plus d’un an, le lecteur musical est indispensable à l’activation d’un iPhone et à sa synchronisation de contenus, qu’il s’agisse de musique, de vidéos, mais aussi… de ses photos. Celles-ci sont pourtant stockées dans iPhoto, mais encore une fois, c’est iTunes qui se charge de les synchroniser depuis l’apparition de l’iPod Photo en 2004.
À toutes ces fonctionnalités, on peut en ajouter quelques-unes apparues au fil des années : iTunes U qui propose depuis 2007 les cours de plusieurs universités, iTunes in the Cloud et iTunes Match pour conserver dans le cloud d’Apple la musique achetée sur le Store et celle importée manuellement dans iTunes ; ou encore une sélection de radios Internet.
La tentation du social
N’oublions pas qu’iTunes a également servi à imprimer ses propres pochettes (par exemple pour des compilations faites maison) ou s’est pris pour un DJ avec la playlist automatique Party Shuffle. Celle-ci jouait les titres de sa bibliothèque pas tout à fait de manière aléatoire, mais en les enchaînant en fonction de leur style et de leur ambiance. La fonctionnalité sera ensuite renommée iTunes DJ et permettra même à des amis d’entrer leur propre requête, comme si on demandait à un vrai DJ : « Eh, passe mon disque ! ».
Apple a également tenté l’aventure des réseaux sociaux avec Ping. Lancé en septembre 2010, le système permettait de suivre des profils d’artiste pour avoir de leurs nouvelles plus ou moins régulièrement. Nos amis pouvaient également publier leurs chansons favorites agrémentées d’un commentaire. Face au peu de succès rencontré, Apple se décide finalement à le fermer deux ans plus tard.
L’indispensable streaming
Enfin, la dernière évolution en date d’iTunes sera l’arrivée en son sein d’Apple Music. Face à l’apparition du streaming et d’un concurrent tel que Spotify, Apple n’avait pas d’autre choix que de lancer en 2015, après le rachat de Beats Music, son propre service équivalent. Et bien entendu, c’est encore une fois iTunes qui a hérité de cette offre supplémentaire,
L’évolution du logo acte la disparition progressive du CD.
Face à cette inflation progressive de fonctionnalités et l’indépendance de plus en plus importante des iPhone et iPod touch, Apple a donc fait le choix de diviser les usages d’iTunes ; comme cela est finalement déjà le cas sur iOS. Les applications Musique, Podcasts et TV vont donc prendre le relais dans macOS Catalina dès l’automne prochain, tandis que c’est logiquement le Finder qui centralisera la synchronisation des appareils.
L’iTunes Store sera quant à lui bel et bien toujours présent, malgré son impressionnante chute de popularité. Celui qui aura été la transition entre le CD et le streaming ne représente désormais plus que 12 % des revenus du secteur musical dans le monde. Il ne faudrait pas être étonné que la boutique en ligne ferme un jour, faisant ainsi disparaître définitivement la marque iTunes apparue avec panache il y a désormais plus de dix-huit ans.
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