La vitesse est désormais une valeur reine, qu’il s’agisse d’innovation produit ou de service aux clients. Chaque entreprise veut être la première : la première à lancer un service, la première à lever des fonds, la première sur son marché… Comme s’il n’y avait d’avenir que pour les premiers arrivés. Dans une course où chacun sait que la ligne d’arrivée n’existe pas… Le temps est aujourd’hui l’une des ressources essentielles à maîtriser dans l’entreprise, d’autant plus qu’elle se révèle de plus en plus être ” non renouvelable “.La pérennité de certaines ” grown-up ” (l’après-start-up) confirme que le temps a été le facteur clé d’une survie réussie, depuis leurs premiers jours comme jeune pousse jusqu’à l’affirmation de leur statut de multinationale.
L’effet blocage
Une question se pose dès lors à elles comme à toute entreprise arrivée à maturité : comment mener les transformations internes qui accompagnent obligatoirement les évolutions de l’entreprise face à ses marchés, tout en préservant l’adhésion et la capacité de mobilisation de l’ensemble des collaborateurs ? Car ?” elles le découvrent assez tôt ?” le rythme que dictent les marchés a parfois des effets contre-productifs au sein d’une communauté de salariés. Et la vitesse peut devenir source de plus de problèmes que d’avantages. En interne, la vitesse se révèle être une source importante de tensions, voire de conflits ou de démotivation passive. Car elle engendre souvent la frustration et l’incompréhension des personnes qui ont le sentiment d’être mises devant le fait accompli. Il peut s’y mêler des soupçons d’iniquité ou d’injustice dès lors que les décisions prises ont des conséquences sur les enjeux personnels des uns ou des autres. Ainsi, certaines décisions annoncées sans préalable peuvent être vécues comme de véritables agressions. La passion s’en mêle alors, entraînant une perte de lucidité de la part de certains salariés que plus rien ne peut parvenir à convaincre. C’est le fameux ” effet de blocage ” dont on sait qu’il ne se résout que dans le rapport de forces, généralement aux dépens de tous. Les stress cumulés de la vitesse, de la surprise, des tensions constituent un mélange explosif qui peut stopper net une entreprise en pleine course.Comment y échapper ? Nous proposons de renoncer à une conception linéaire du temps. Chacun a l’expérience de décisions prises très vite, dont l’application a été confrontée à de multiples réticences et à une incompréhension générale… quitte à n’être jamais complètement appliquées ! Chacun se souvient, à l’inverse, de décisions accouchées dans la douleur, impliquant des débats longs et lourds, mais mises en ?”uvre de manière presque immédiate du fait du consensus qui, finalement, a entouré leur avènement. Là où on a cru ou su perdre du temps (en apparence), on en a gagné au final.
Le plus en amont possible
Quand faut-il savoir perdre du temps ? Le plus en amont possible. C’est le problème de départ qui doit faire l’objet d’une publicité la plus large. Toute la communication interne, si elle se veut anticipatrice du changement, doit s’étendre sur les problèmes rencontrés au moins autant que sur les réussites enregistrées.
Entretenir la lucidité
Comment légitimer la fermeture d’une usine ou la réforme d’une force de vente si on n’a jamais mis en valeur que les qualités du site et les performances de l’équipe ? Faciliter le changement futur suppose de faire vivre l’ensemble du personnel dans une lucidité permanente sur les forces et les faiblesses d’une organisation donnée face à un contexte mouvant dont le moindre retournement de cycle peut remettre en cause les équilibres acquis. Les récents événements sociaux ont montré à quel point l’insupportable réside dans l’effet de surprise. Gouverner une entreprise, c’est plus que jamais préparer les accélérations avant quelles ne révèlent inéluctablement nécessaires.
*Président de sustainable, cabinet de conseil aux équipes dirigeantes
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