C’est un premier coup assené au Digital Services Act (DSA), le futur règlement européen sur les services numériques. Et contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il n’est pas venu des géants américains du numérique comme Google. Non, il provient de Zalando, la plateforme de e-commerce allemande. L’entreprise vient d’attaquer devant la Cour de justice de l’Union européenne (UE) la décision de la Commission européenne, prise en avril dernier, de l’avoir listée comme une « very large online plateform », une « très grande plate-forme en ligne » ou VLOP. Cette catégorie désigne, selon le DSA, les entreprises de plus de 45 millions d’utilisateurs européens, un chiffre correspondant à 10 % de la population totale de l’UE.
À partir du moment où des sociétés dépassent ce niveau d’utilisateurs, le législateur européen a considéré qu’elles pouvaient avoir un impact important sur les citoyens et sur la démocratie. De par leur puissance, leur force de frappe et leur capacité à influencer les opinions et les élections, l’Union européenne estime que ces plate-formes géantes présentent « un risque systémique pour l’ensemble de la société ». Elle a donc choisi de contraindre ces dernières à de nouvelles obligations, bien plus strictes que celles qui pèsent actuellement sur ces sociétés, et bien plus lourdes que celles qui pèseront sur les plus petites structures : c’est tout l’objet du DSA.
Zalando est la première à essayer d’échapper à la qualification de VLOP
Entrer ou pas dans la catégorie des VLOP a donc des conséquences très importantes pour les plate-formes. Et on s’attendait à ce que ces dernières tentent par tout moyen d’échapper à cette qualification. Zalando est la première à essayer de le faire. Pour la société de e-commerce, être une VLOP signifie qu’elle aurait notamment à mieux surveiller le contenu affiché par les vendeurs du site, y compris les produits potentiellement illégaux, comme les sacs de luxe contrefaits ou les jouets dangereux. Elle devrait supprimer tout contenu illégal et vérifier l’identité des vendeurs sur les places de marché, en plus de nombreuses autres obligations.
En avril dernier, l’entreprise allemande apprenait qu’elle était désignée comme une VLOP, et qu’elle devait donc se mettre en conformité avec le DSA dès le 25 août prochain. Un mois et demi plus tard, l’entreprise avait déjà, dans les colonnes de Politico le 13 juin dernier, exprimé son « incompréhension » face à cette décision. Elle avait indiqué à nos confrères envisager un recours : c’est désormais chose faite. Concrètement, l’entreprise estime que l’exécutif européen a mal compris son modèle économique. La plate-forme vend elle-même des produits, mais elle est aussi un intermédiaire, elle propose également des produits venant d’autres vendeurs.
« Nous ne voulons pas être associés à cette catégorie »
« Le DSA est la bonne chose à faire, mais nous sommes perplexes quant au fait que nous ayons été désignés comme une très grande plate-forme en ligne aux côtés de 18 autres entreprises », explique Robert Gentz, directeur général et cofondateur de Zalando, à nos confrères du Financial Times. « En tant que marque, nous ne voulons pas être associés à cette catégorie », a ajouté le dirigeant, car « ces entreprises sont considérées comme de mauvais acteurs et, tout à coup, nous nous retrouvons sur la même liste. C’est un mauvais point pour notre image ».
L’entreprise conteste la prise en compte du nombre de visiteurs, et non du nombre d’acheteurs
Dans son communiqué, publié ce mardi 27 juin, qui annonce ce recours, l’entreprise allemande dénonce une « inégalité de traitement ». Mais c’est auprès de nos confrères du Financial Times qu’elle explique sa ligne d’attaque. Alors que pour les autres sociétés désignées, la Commission européenne aurait pris en compte le nombre d’utilisateurs mensuels – ce qui est le cas des réseaux sociaux désignés comme TikTok, par exemple – l’exécutif européen aurait regardé pour Zalando le nombre de ses visiteurs mensuels. Avec ses 83 millions, ce niveau dépasse largement les 45 millions requis pour être désigné comme une VLOP. Mais pour la société, cette façon de voir les choses est un non-sens. L’entreprise de e-commerce estime que le chiffre à prendre en compte aurait dû être celui des acheteurs, bien moins important. Ce dernier est (seulement) de 31 millions d’acheteurs mensuels – il ne dépasse donc pas cette barre au-delà de laquelle une société entre dans la catégorie des VLOPS.
Conséquence : l’entreprise ne présente « aucun risque systémique » de diffusion de contenus préjudiciables ou illégaux provenant de tiers, écrit-elle dans son communiqué. Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, avait rencontré, le 20 juin dernier, le PDG de Zalando. Il écrivait déjà, sur son compte Twitter, « qu’avec le succès viennent les responsabilités ».
With its millions of users, @Zalando is a European success story.
And with success comes responsibility.
Constructive meeting with CEO Robert Gentz on #DSA preparedness 🇪🇺 pic.twitter.com/oAkduJHKpn— Thierry Breton (@ThierryBreton) June 20, 2023
Comprenez : avec ses millions d’utilisateurs, il semble normal que l’entreprise fasse partie des VLOP, et que cette dernière respecte ses nouvelles obligations qui protègeront davantage les consommateurs – et les citoyens européens. Désormais, ce sera à la CJUE de trancher. Nul doute que la décision sera particulièrement suivie par les autres très grandes plateformes, qui pourraient lui emboîter le pas.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
sauf erreur un visiteur va lire le contenu, non ?
donc utilsateur ou visiteur (et pas acheteur), c’est la meme chose
Donc si tu vas par exemple sur le site de facebook (sans créer de compter ou sans être connecté), tu serais donc un “utilisateur” de Facebook ? Ça n’a pas de sens. Je pourrais très bien visiter leur site pour récupérer des infos sur les pages accessibles sans compte afin de rédiger un article, sans pour autant en être un utilisateur.