Deux semaines après Zalando, Amazon a décidé d’assener un second coup au Digital Services Act (DSA), le Règlement européen sur les services numériques. Le géant de l’e-commerce américain attaque à son tour la décision de la Commission européenne prise en avril dernier, de l’avoir listée comme une « very large online plateform », une « très grande plate-forme en ligne » ou VLOP. Cette catégorie désigne les entreprises de plus de 45 millions d’utilisateurs européens, un chiffre correspondant à 10 % de la population totale de l’Union européenne (UE).
Une fois que ces plate-formes géantes ont atteint ce seuil, le législateur européen estime qu’elles présentent « un risque systémique pour l’ensemble de la société », puisque leur force de frappe leur permet d’influencer les opinions et les élections. Le DSA leur imposera de nouvelles obligations, bien plus strictes que celles qui pèsent actuellement sur ces sociétés, et bien plus lourdes que celles qui pèseront sur les plus petites structures. Et dès le 25 août prochain, les VLOPs devront appliquer les premières ce nouveau texte. Or selon la requête déposée le 5 juillet devant le Tribunal de l’UE, Amazon estime être « injustement » visée par cette loi.
Le DSA pas applicable aux sites de e-commerce ?
Pour expliquer cette « injustice », Amazon s’appuie sur un argumentaire différent de celui soutenu par Zalando. La plate-forme de e-commerce allemande avait avancé, au mois de juin, qu’elle n’atteignait pas les 45 millions d’utilisateurs européens mensuels. Car par « utilisateur », il ne fallait pas retenir le nombre de visiteurs mensuels du site – qui dépassait ce seuil – mais le nombre d’acheteurs mensuels – qui était en deçà de cette limite. Pour échapper au DSA, Amazon avance de son côté une autre explication.
L’entreprise, interrogée par 01net, a répondu par écrit qu’elle « ne répondait pas aux critères d’une “très grande plateforme en ligne” », suggérant que les modèles économiques visés par le DSA n’incluaient pas celui des sites de e-commerce. D’abord parce que « la grande majorité de (son) chiffre d’affaires est issue de (ses) activités de distribution de biens de consommation ». Le géant de Seattle sous-entend donc le DSA vise surtout les très grandes entreprises dont la publicité est le principal revenu – ce qui n’est pas son cas – à l’image des réseaux sociaux ou des moteurs de recherche comme Google, TikTok ou Meta, bien visés par la Commission européenne. Elle s’appuie aussi sur le fait que son site de e-commerce propose uniquement des produits de consommation à vendre, sans le moindre contenu de désinformation diffusé – l’entreprise suggérant que l’objectif principal de cette réglementation serait de combattre la diffusion de fake news. Résultat : cette réglementation ne s’appliquerait pas à la vente de biens de consommation, selon le groupe américain.
Amazon souligne enfin qu’elle « serait injustement singularisée (…) », selon un porte-parole cité dans sa réponse, expliquant ne pas être « le distributeur le plus important dans aucun des pays de l’UE où nous opérons », et soulignant qu’ « aucun des distributeurs majeurs de ces pays n’a été désigné comme “très grande plateforme en ligne” ». Elle serait donc une des seules à être « contrainte de se conformer à des obligations administratives onéreuses qui ne bénéficient en aucun cas aux consommateurs de l’Union européenne ».
Parmi ces nouvelles obligations, le géant de l’e-commerce américain devra, à compter du 25 août prochain, mieux surveiller le contenu affiché par les vendeurs du site. Les produits potentiellement illégaux, comme les sacs de luxe contrefaits ou les jouets dangereux, devront être supprimés. L’identité des vendeurs sur les places de marché devra être vérifiée, en plus de nombreuses autres obligations. Amazon soutient également le fait qu’elle œuvre déjà pour la protection des consommateurs, avançant le chiffre de 1,2 milliard de dollars investis l’année dernière contre les produits illicites. Elle estime aussi que le règlement européen relatif à la sécurité générale des produits couvre déjà le commerce de biens.
Pour la Commission européenne, la vente de produits et services n’est pas exclue du DSA
Interrogée par nos confrères du Financial Times, la Commission a déclaré de son côté qu’elle n’avait aucun commentaire à faire sur ce nouveau recours. Elle a cependant rappelé que :
« Le champ d’application du DSA est très clair et couvre toutes les plateformes qui exposent leurs utilisateurs à des contenus, y compris la vente de produits ou de services, qui peuvent être illégaux. Pour les places de marché comme pour les réseaux sociaux, la très grande portée des utilisateurs augmente les risques et les responsabilités des plateformes pour y faire face. »
Comprenez : les places de marché comme Amazon sont bien incluses dans le texte. La Commission a ajouté qu’elle défendrait sa position devant le tribunal de l’UE. Ce second recours contre le DSA, à un peu plus d’un mois du 25 août, n’est pas surprenant. Les experts s’attendent à ce que les entreprises désignées comme SVLOP essaient d’échapper coûte que coûte au DSA. Parmi les 19 entreprises désignées, d’autres sociétés pourraient rejoindre le camp de Zalando et d’Amazon, en s’appuyant peut-être sur d’autres stratégies. Les notions utilisées dans le DSA vont donc être particulièrement étudiées. Ce recours ne permettra cependant pas à Amazon de se soustraire à ses nouvelles obligations : l’entreprise devra bien appliquer le DSA à compter du 25 août, en attendant une décision du Tribunal de l’UE, qui pourrait tomber dans plusieurs mois.
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