Le 16 août 2001, cinq multinationales du cinéma annoncent une superproduction commune baptisée ” Movie Fly “. Derrière ce nom de code, un projet stratégique visant à diffuser leurs films en vidéo à la demande sur Internet…” dans un futur proche “.Le casting est prestigieux ?” Sony, Paramount, Universal Studios, Warner Bros et MGM détiennent chacun 20 % du capital ?” et le budget pharaonique ?” 150 millions de dollars (172 millions d’euros) pour développer la technologie.” Avec 10 millions de foyers américains connectés à haut débit et la menace croissante de la piraterie, nous pensons que le moment est venu de promouvoir un service de vidéo à la demande à domicile “, proclament les ” Big Five “.L’objectif est clair : ne pas laisser prospérer un nouveau Napster pour cinéphiles.En effet, les vrais fans n’hésitent plus à télécharger une copie pirate du premier opus du Seigneur des Anneaux (400 000 fichiers vidéo transiteraient chaque jour sur le web).L’opération prend huit à neuf heures avec les formats de compression actuels, mais la technologie progresse à grands pas (notamment grâce à DivX).Or les studios n’ont pas envie de vivre ce qu’a vécu l’industrie du disque avec le MP3. Avec Movie Fly, ils promettent un système qui permettra de télécharger un film en ” moins de 40 minutes “.
Un système payant
Bien sûr, il faudra payer : chaque film sera ” loué “aux internautes 3 à 4 dollars puis s’autodétruira. De quoi générer un chiffre d’affaires supérieur au milliard de dollars dès l’année prochaine, selon le Yankee Group.Mais ce scénario idéal connaît quelques ratés. La société Movie Fly, basée à Los Angeles, a certes trouvé son nom définitif, Movie Link. Un PDG a été nommé le 29 janvier en la personne de James Ramo, vétéran d’Hollywood.Mais, en fait de caverne d’Ali Baba pour cinéphiles, le site Movielink.com se résume aujourd’hui à un simple slogan : ” Your favorite Hollywood movies coming soon directly to you.”Bientôt chez vous ? Les coproducteurs ne disent pas quand. Et pour cause : la technologie est encore loin d’être au point.Plus grave, l’existence même du projet est potentiellement remise en cause. Le 20 décembre, le département américain de la Justice (DOJ) a en effet ouvert une enquête antitrust visant Movie Link. Ses actionnaires sont soupçonnés de vouloir former un cartel sur Internet.C’est du moins l’avis de Disney et de la 20th Century Fox, qui défendent un projet concurrent baptisé Movies.com, mais aussi des pionniers du cinéma en ligne, comme Atom Films, à qui les majors refusent d’ouvrir leur catalogue.Le gendarme US de la concurrence doit rendre son verdict avant l’été. Un veto n’est pas à exclure, le DOJ s’étant opposé dans les années 1980 à un projet de chaîne à péage piloté par les mêmes majors…Déjà associés dans la musique en ligne, Vivendi Universal et Sony ont, malgré tout, décidé d’avancer. Les deux groupes viennent de lancer des sites expérimentaux pour promouvoir la diffusion de films online.
Vivendi et Sony testeurs
Malin, le groupe de Jean-Marie Messier s’est offert le nom de domaine MP4.com : sur ce site, les internautes peuvent visionner gratuitement des courts métrages, des films d’animation ou des clips, sans toutefois pouvoir les télécharger.” MP4.com a été conçu pour permettre aux jeunes réalisateurs indépendants de faire connaître leurs ?”uvres à un large public, ce qui est difficile dans le circuit de salles traditionnel. Ils peuvent ensuite signer un contrat chez nous s’ils le souhaitent “, explique-t-on chez Universal. De son côté, Sony Pictures a lancé Screenblast.com, qui fonctionne sur le même principe.Si le concept prend, ces expériences pourraient servir de bases à de futures plates-formes de téléchargement payantes.Mais attention : ” Ces services ne toucheront pas un large public tant que les films ne seront pas disponibles en quelques minutes et qu’ils ne pourront pas être regardés confortablement sur grand écran dans un canapé “, prévient Adam Sarner, analyste du Gartner Group, qui entrevoit cette possibilité à l’horizon 2004. En attendant, l’heure est plutôt aux économies : Sony vient de licencier un tiers des salariés de Screenblast…
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