Pourtant, les trois grands industriels de l’aérospatiale de Toulouse trouvent presque sans problèmes la main-d’oeuvre dont ils ont besoin. EADS (European Aeronautic Defence and Space Company) Airbus, Alcatel Space et Astrium se portent bien.Un autre gros industriel de la région, Motorola, a recruté presque cent cinquante ingénieurs et cadres sur Toulouse l’année dernière. Il prévoit tout de même un ralentissement de son activité pour 2001. Et ce, en raison des mauvais résultats des opérateurs télécoms. Quant au dernier géant, Siemens Automotive, pour l’heure, il s’est écarté de la bataille. Il retient son souffle en attendant son rapprochement avec un équipementier automobile allemand.
Des juniors, anciens stagiaires, remplacent les anciens
Pour autant, les perspectives d’emploi sont au beau fixe, soutenues par l’activité aéronautique. “D’ici à 2010, l’A380 engendrera entre trois mille et cinq mille emplois, soutient Bernard Lecussan, professeur du département informatique de l’école SupAero et chercheur à l’Onera. Sans compter les emplois indirects. Aujourd’hui, peu de choses sont récupérables d’une génération à l’autre : chaque satellite est issu d’une nouvelle chaîne de développement. Pour l’A380, on repart presque de zéro.”Pierre Ginestel, responsable du service emploi d’EADS Airbus, le concède : “Le marché de l’emploi est tendu, mais nous avons fait évoluer notre politique de recrutement depuis deux ans : forums, stages, site de groupes et d’emploi nous ont permis d’embaucher huit cents personnes ?” dont 40 % d’ingénieurs ?” l’année dernière sur Toulouse.”EADS recrute en majorité des juniors (60 %). Ce sont souvent d’anciens stagiaires formés dès leur arrivée pour remplacer les anciens. Ces derniers délaissant leurs fonctions pour passer sur l’A380. EADS reconnaît rencontrer des difficultés pour le développement temps réel, le génie logiciel et la conception électronique. Quant aux rares seniors ayant de cinq à huit ans d’expérience, la société affirme les recruter aujourd’hui au plan national, voire international depuis l’année dernière.“Nous ne voulons pas affaiblir nos sous-traitants. Même si les flux de personnel sont logiques”, tempère Pierre Ginestel. Au grand dam d’un patron de PME. Préfèrant rester anonyme, celui-ci estime que les cinq industriels se comportent comme des rois. “Surtout EADS. Il se sent tellement supérieur qu’il laisse sa notoriété et son assise agir pour lui. Que les autres se débrouillent !”Pour Alcatel Space, qui compte embaucher deux cents personnes, tous métiers confondus, l’emploi est moins tendu qu’à Paris. La qualité de vie toulousaine, l’activité spatiale et le bouillonnement high-tech de la région font en effet rêver de nombreuses personnes.
Un taux de rotation faible entre 1 et 2 %
Ces compétences dominantes touchent aux hyperfréquences antennes et télécoms. “Notre taux de rotation de personnel est très faible, affirme Jacques Lafon, responsable de la coordination emplois-compétences d’Alcatel Space. Nous l’évaluons entre 1 et 2 %.”Là encore, le recrutement des juniors confirmés, ayant de deux ou trois ans d’expérience, est exponentiel. Ils représentent 80 % des embauches. “Mais nous avons dû réduire au minimum notre temps de réactivité. Même pour les jeunes diplômés. Les candidatures sont à présent obsolètes au bout d’un mois. Sur dix personnes contactées, cinq seulement se présentent à l’entretien.”Alcatel a donc beaucoup communiqué ses besoins via la presse, les sites Web, et directement auprès des écoles. Sa campagne institutionnelle interne a obtenu de bons résultats. Il a aussi revu sa politique salariale et créé une plate-forme de centralisation des curriculum vitæ qui diffuse rapidement les candidatures vers les équipes opérationnelles.Aujourd’hui, l’A380 occupe les chercheurs et les bureaux d’études. Un aspect confirmé par les résultats de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) Midi-Pyrénées. Elle chiffre à 43 % les offres d’emploi pour cadres concentrées en 2000 sur l’informatique, notamment la recherche et développement au lieu de 36 % sur la France entière.Dans deux ans, la sortie du premier Airbus permettra cependant d’embaucher les opérateurs et les bac +2. “Jusqu’à la cadence huit, soit huit avions par mois, espérée pour 2010”, signale Alain Garès, directeur de la société d’économie mixte de Blagnac Constellation.
Des embauches très progressives
” Ce sera difficile, admet Jacques Lafon, d’Alcatel Space. Mais si nous recrutons les techniciens régionaux, nous sommes de plus en plus sollicités par les pays de l’Est, les Indiens et les Maghrébins sur les postes d’ingénieurs. Sans oublier l’UE, bien sûr. “Le directeur de Blagnac Constellation affirme lui que ” la course contre la montre n’en est qu’à ses débuts. Et l’on commence déjà à tout faire en même temps ! Ça porte un nom en aéronautique : le ” concurrent engineering ” [NDLR : ingénierie simultanée] “.Placé sur un créneau un peu différent, ?” celui de la conception des composants électroniques et des télécoms ?”, sans être coupé de l’aérospatiale, Motorola exprime d’autres tracas d’embauche.
“Le plus ardu, affirme Laurent Bonhomme, responsable du recrutement, c’est le design en électronique analogique. Les analogiciens sont devenus extrêmement rares, car les écoles ont tout misé sur le numérique. Or, on aura toujours besoin d’analogique, à la fois dans les télécoms et dans l’électronique embarquée sur les automobiles.”
Seul point négatif : l’absence de sièges sociaux
Motorola embauche 50 % de juniors et recrute dans le vivier de ses concurrents directs des ingénieurs expérimentés. Ils viennent du Sud-Est de la France et du Grand Ouest. “Et l’on n’a aucun mal à parler de la douceur du climat toulousain aux Caennais, dit en souriant le responsable. Quant au personnel de la région Paca, il est heureux de fuir la cherté de la vie, les bouchons et les touristes !” Pourtant, il y a vingt ans, les premières délocalisations, comme celle de Thomson, avaient été très mal vécues. Aujourd’hui, les listes d’attente s’allongent.Toujours selon l’Apec Midi-Pyrénées, deux raisons majeures conduisent les ” Nordistes ” à descendre sur Toulouse : suivre leur conjoint et rechercher le soleil. “C’est l’héliotropisme, s’amuse Alain Weiss, responsable du centre de Toulouse. Malheureusement, peu de sièges sociaux sont installés ici. On trouve surtout des emplois liés à la production.” Pour limiter ses coûts logistiques, EADS demande en effet à ses sous-traitants de s’installer près de lui. D’importantes unités ont été délocalisées sur Toulouse, suivies de leurs familles, qui cherchent à leur tour du travail.” Certains métiers typiquement parisiens, comme la communication, ne trouvent pas chaussure à leur pied ici “, explique Catherine Bortolotti, consultante en recrutement chez RH Partners. Un sentiment étayé par les chiffres de l’Apec. Ceux-ci révèlent que les candidatures dans ce secteur sont largement supérieures à la moyenne nationale. Pour une offre en communication issue de Midi-Pyrénées, 82 candidatures ont été enregistrées, contre 73 dans le reste de la France. Et la situation est encore plus préoccupante pour l’administration (79 candidatures, contre 63) et le personnel (80 candidatures, contre 58).Le seul point négatif pour la région toulousaine est bien l’absence de sièges sociaux. Tout est fondé sur la production. Ainsi les informaticiens de gestion, par exemple, sont-ils naturellement écartés des offres d’emploi de la région.
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