Vendre des produits de marque 30 % moins cher qu’en magasin, c’est une promesse commerciale séduisante ! Les premiers sites de vente spécialisés dans les produits déstockés et déclassés ont trouvé le moyen de la tenir. On découvre un téléphone emballé dans un carton abîmé, une machine à laver légèrement rayée lors du transport ou simplement les invendus du dernier modèle de VTT…Tous ces produits ne sont considérés ni comme des produits neufs ni comme des produits d’occasion… Ce sont des produits déclassés, qui sortent la plupart du temps des circuits de distribution traditionnels, même s’ils n’ont jamais été utilisés. Soit parce qu’ils ont été remplacés par une nouvelle gamme, soit parce qu’il serait trop coûteux pour le fabricant ou le distributeur de gérer leur commercialisation.
La vente de ces produits “invendables” constitue un vrai filon sur le net. C’est du moins l’avis des premiers sites de déstockage à destination du grand public.Pionnier en France, Mistergooddeal a ouvert le marché en mars 2000. Le site propose, en moyenne, 800 références en électroménager, informatique, téléphonie, vidéo et son, maison et jardin, bijouterie, etc., le tout provenant d’une centaine de fournisseurs. Les trois quarts des articles sont directement issus des fabricants, le reste venant des distributeurs.” Nous fixons, avec nos fournisseurs, le prix du produit, en sachant que, si le discount est inférieur à 30 % du prix de vente, nous ne l’acceptons pas “, explique Pierre de Roüalle, président de Mistergooddeal et ancien PDG de Wunderman Cato Johnson. Le site enregistre une centaine de ventes par jour pour un panier moyen de 1300 francs.À l’heure où les investisseurs fuient les projets d’e-commerce à destination des particuliers, la start-up a réussi à convaincre sans trop de peine des capital-risqueurs. Après une première levée de fonds, au lancement du site de quelque 20 millions de francs, Mistergooddeal a bouclé son second tour, en février 2001.Les actionnaires de départ, FD5 et le Club de développement ?” structure d’investissement commune au groupe PPR (Pinault-Printemps-Redoute) et au CIC ?” se sont associés à Turenne Capital Partenaires pour insuffler au total 25 millions de francs (3,85 millions d’euros).” Nous avons investi dans la société, car le modèle de Mistergooddeal répond parfaitement aux attentes des acheteurs de l’internet : faire de meilleures affaires qu’ailleurs, note Aymard de Lasteyrie, le président du fonds Turenne Capital. Mais aussi parce que les fournisseurs du site sont assurés d’écouler l’ensemble de leurs produits. “La start-up fonctionne, en effet, de concert avec une salle des ventes spécialisée dans les produits déclassés, Parisud Enchères, où elle entrepose les produits destinés au site sur 600 m2. Une fois les lots de produits déclassés reçus, ils sont triés et proposés, en fonction de leur état, en ligne ou aux enchères.” Le volume des produits défectueux ou issus des services après-vente semble marginal pour un fabricant mais, sur l’ensemble des marchés, ils représentent un vrai volume financier, remarque Denis Martin du Nord, commissaire-priseur de Parisud Enchères et actionnaire fondateur de Mistergooddeal. On ne peut pas vendre de produits neufs aux enchères. Avec la création de Mistergooddeal, nous disposons d’un double débouché pour nos fournisseurs, selon les types de produit. “
Réduire les étapes intermédiaires
Depuis la fin de l’an 2000, deux autres compétiteurs ont vu le jour sur le marché du discount de marques multirayons. Il s’agit dans les deux cas de deux pure players, des jeunes pousses 100 % internet. Declasser.com a été ouvert en janvier 2001 par Thierry Pocachard, qui a revendu son ancienne entreprise Riviera Bar, fabricant de machines à expresso, pour créer le site. Destocktoo.com, créé par huit associés en octobre 2000, ne vend que des produits neufs issus de surstocks et travaille avec une quinzaine de fournisseurs, grossistes et importateurs principalement.Ces trois nouveaux acteurs profitent en fait de l’opacité du marché du déstockage. Hormis quelques secteurs d’activité bien organisés tels que les filières du textile ou du voyage, les circuits d’écoulement des produits déclassés ou invendus comptent des acteurs divers et de toutes tailles, du soldeur en gros aux marchés d’exportation. Ainsi, il arrive souvent que les produits passent par deux ou trois intermédiaires avant de réapparaître dans des points de vente spécialisés ou dans des braderies.Les sites de déstockage espèrent ainsi se faire une place en réduisant les étapes entre le fabricant ou le distributeur et le consommateur final. Pour les fournisseurs, le compte est rapide à faire. ” Les prix des soldeurs sont de l’ordre de 20 % du prix public, explique Pierre de Roüalle. En vendant un produit sur notre site, les fabricants doublent leurs revenus, car ils touchent 80 % de la vente du produit discounté. ” Les sites se rémunèrent, en effet, grâce à une commission d’environ 20 % prélevée sur le prix du produit lors de la vente.Tous les sites se positionnent ainsi comme des prestataires de services et non comme des revendeurs. Au regard des très faibles quantités écoulées pour l’instant par le biais du net, l’intérêt financier pour les fournisseurs est minime. Mais ces sites leur permettent de maîtriser leurs circuits d’écoulement. Un argument de poids pour les marques soucieuses de leur image auprès du consommateur.C’est pourquoi le prix du produit et sa fiche descriptive sont systématiquement établis en accord avec le fournisseur. Le fabricant de matériel informatique Tally propose des imprimantes sur le site Declasser.com. Les produits de cette société allemande s’adressent surtout aux marchés professionnels, 20 % seulement de la gamme d’imprimantes étant destinés au grand public.” En acceptant l’offre de Declasser.com, nous n’avons pas cherché à faire des profits supplémentaires, explique Rémy Belain, directeur logistique à Tally France. Cela peut représenter, à terme, un canal supplémentaire d’écoulement de nos stocks d’invendus. Mais c’est surtout une manière d’être présents sur internet, d’avoir un point de vente virtuel en rapport direct avec le consommateur. ” Destocktoo.com envisage même d’ouvrir le capital de la société sous forme de stock-options, afin d’impliquer ses fournisseurs dans le site.
Regrouper une offre composite
L’éclatement du marché du déstockage offre un autre avantage aux acteurs du net. En France, il n’existe quasiment aucune boutique de marques discountées multiproduit. Seules les braderies proposent une offre composite de qualités et de natures différentes. Les points de vente de marques sont spécialisés par types de produit (électroménager, literie, produits high-tech…).” Monter un magasin généraliste de produits déclassés serait impossible dans le réel, assure Thierry Pocachard, de Declasser.com. Les stocks seraient trop lourds à financer. Nous pouvons le faire sur internet, car ce sont les fabricants qui apportent les stocks. ” Chez Mistergooddeal, qui est le seul à disposer de son propre entrepôt, l’écoulement des produits est assuré grâce à l’association avec Parisud Enchères. Et le renouvellement de l’offre s’effectue toutes les semaines.Le modèle réel le plus proche du déstockage en ligne est celui des centres commerciaux de magasins d’usine, même s’ils sont essentiellement basés sur la vente de produits textiles. Ces centres regroupent des boutiques ouvertes directement par les marques pour écouler leurs invendus. Le groupe Concepts & Distribution réalise un chiffre d’affaires de plus d’un milliard de francs. La société contrôle, en France, le réseau Marques Avenue, composé de quatre centres de magasins de marques discountées, et, en Espagne, deux sites Factory.” Nous sélectionnons les enseignes qui ont la capacité de vendre des surstocks. Chaque enseigne signe un bail dans lequel elle s’engage à proposer des prix 30 % moins élevés que le prix de départ, explique Alain Salzman, PDG de Concepts & Distribution. Nous assurons de notre côté l’animation et la promotion du centre. “
Retrait direct à l’entrepôt
Trois millions de consommateurs visitent chaque année le centre de Troyes, le premier du réseau, ouvert en 1993 et qui regroupe 103 magasins. Si ces centres commerciaux accueillent quelques dépôts d’usine de marques d’électroménager, la grande majorité de l’offre concerne le textile.Une situation qui explique l’avis tranché d’Alain Salzman sur l’apport d’internet pour le déstockage des produits grand public : ” Je pensais, il y a un an, prolonger nos activités sur le net. Mais nous sommes sur des marchés jeunes et complexes, les premiers magasins d’usine ont vu le jour au début des années 1980. Et la mise en “désirabilité” du produit, et surtout du textile, n’est pas adaptée aux réflexes du consommateur. La fermeture du site Eoutlets.com, lancé par Prime Retail, le leader du magasin d’usine aux États-Unis, a fait réfléchir plus d’un spécialiste du secteur. “Les sites de déstockage, eux, ne misent pas sur le textile, leur offre étant particulièrement pauvre en ce domaine. Mais le fait que, sur le net, le client n’a pas de contact direct avec le produit reste un handicap. Les consommateurs continuent d’être méfiants, surtout pour des produits déclassés. On observe ainsi que 20 % des acheteurs de Mistergooddeal se rendent eux-mêmes à l’entrepôt afin de retirer leurs marchandises. En revanche, l’avantage principal du net est l’abolition de la distance. Les consommateurs qui se rendent au centre Quai des marques, de Troyes, parcourent parfois plus de 200 km.D’une manière générale, les dépôts d’usine, seuls ou regroupés en enseigne, se situent aux abords des grandes villes. Et les sites de déstockage enregistrent, eux, une fréquentation majoritaire d’internautes de province. Aucune des premières commandes de Declasser.com n’a eu lieu sur Paris. Le chiffre d’affaires de Mistergooddeal est réalisé à 50 % par des achats de clients basés en province.La réussite du modèle de la vente de produits déstockés aux particuliers dépend, aujourd’hui, de la capacité des acteurs à développer leur propre marque. Pour Mistergooddeal, les premiers pas sont faits. En novembre 2000, d’après l’institut d’études Netvalue, la couverture du site en termes de visites uniques dans la catégorie centres commerciaux équivalait à celle du supermarché Houra. Et la société affiche, sur sept mois d’activité, un chiffre d’affaires de 7 millions de francs, en 2000. Mais le plus difficile reste maintenant à faire : inspirer confiance au consommateur.
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