Beaucoup ont cru à une blague, lorsque BBH New York, une agence de création, a annoncé le projet Homeless Hotspots à l’occasion de la conférence SxSWi. Et pourtant, cette « initiative de charité innovante » selon BBH, est bien réelle : elle a consisté à employer des SDF comme hot spots 4G disséminés dans Austin, à la disposition des conférenciers en mal de connexion…
Chaque SDF participant portait un T-shirt personnalisé. Sur celui de Clarence (vidéo ci-dessous) on pouvait lire « Je suis Clarence, un hot spot 4G. Envoyez HH Clarence au 25827 par SMS pour avoir accès ». Sur le site du projet, on peut voir, sur Google Maps, la position de chaque sans-abri.
Avec un cynisme incroyable, BBH décrit ainsi son projet : « Cette année à Austin, alors que vous vous déplacerez en vous plaignant de la mauvaise connexion et que vous ne pourrez pas télécharger/streamer/tweeter/utiliser Instagram/faire un check-in, vous tomberez sur des individus positionnés de façon stratégique portant des tee-shirts “hot spot sans-abri”. Ce sont des SDF […] qui portent des appareils MiFi (1). Présentez-vous, puis connectez-vous à leur réseau 4G avec votre tablette ou votre téléphone pour une connexion rapide et de qualité. »
Le prix conseillé : deux dollars pour quinze minutes de connexion, même si le tarif est libre. La somme est intégralement transmise au sans-abri dans un second temps, après un passage par Paypal. « Nous pensons que fournir un service numérique permettra à ces gens de gagner plus d’argent que s’ils vendaient des journaux. »
En proposant ce service, BBH estime en effet qu’il modernise une activité déjà pratiquée par les sans-abri de nos jours : la vente de journaux (comme L’Itinérant en France par exemple). « Un modèle qui a prouvé son succès mais qui a un problème : comme toutes les publications imprimées, ces journaux subissent la menace de la prolifération des médias numériques. »
Une campagne fortement critiquée aux Etats-Unis
Vous avez dit choquant ? Aux Etats-Unis pourtant, l’idée de BBH trouve quelques défenseurs, prônant « l’engagement social » que permet une telle campagne, qui rend les sans-abri « visibles en créant l’opportunité d’une conversation ».
Mais de quelle conversation parle-t-on, dès lors qu’elle engage un utilisateur hyperconnecté qui discute pour passer une forme de contrat avec un sans-abri, dans un but purement utilitaire : tweeter, streamer, aller consulter un site ? Impossible de mieux résumer cette effrayante opération que David Gallagher du New York Times : « C’est une idée un petit peu dystopique : quand l’infrastructure manque, nous transformons les humains en infrastructure ».
Que l’on se rassure cependant : une majorité d’Américains et de nombreux conférenciers ont été scandalisés comme nous par Homeless Hotspots. A tel point que BBH a été obligé de s’expliquer pour rappeler qu’elle ne se faisait pas d’argent sur cette opération – encore heureux, serait-on tenté de dire – et que ce test (en fait, une bêta d’un programme que l’entreprise voudrait plus large) n’a duré que quinze jours. Il n’en demeure pas moins que cette firme a clairement souhaité créer le buzz à l’occasion du SxSW pour se faire connaître. C’est réussi. Mais pas forcément comme les drôles de créatifs de cette agence l’entendaient.
(1) Ces petits boîtiers convertissent un signal cellulaire en Wi-Fi, permettant ainsi de créer un hot spot mobile.
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