Depuis plusieurs semaines, une dizaine d’affiches sont placardées sur les murs et les portes des bâtiments d’un quartier de Bordeaux. Sur ces imprimés est écrit en grand « Prenez les dealers du quartier en photo et postez-les sur Facebook », juste en dessous d’un slogan choc : « Dealers, souriez, on connaît vos clients », explique le quotidien Sud-Ouest dans son édition du 8 avril 2013.
Cette campagne est signée par l’association Les Voisins des quartiers Saint-Eloi et Saint-Paul qui, selon la page Facebook consacrée à l’opération, sont « fâchés mais pas fachos ». L’origine du concept revient au bar L’Ours Marin, situé dans la rue des Boucheries.
« Tout est parti d’un ras-le-bol partagé avec les habitants des rues du quartier. Les dealers et leurs clients squattent le secteur en permanence. C’est devenu insupportable », explique le patron du bar au quotidien régional.
Ce quartier est-il devenu une zone de non-droit pour avoir suscité une telle réaction ? Les avis divergent. « Régulièrement, ils urinent dans mon entrée », témoigne une riveraine. « On n’est pas tranquille en rentrant le soir. » Le patron de l’épicerie de la rue estime que c’est une bonne chose. « Je crois que le but est un peu de leur faire peur, de manière originale. Il est impossible de raisonner avec ces gens, ils sont souvent dans des états seconds et ne comprennent pas ce qu’on leur dit. »
Laura, étudiante et habitante du quartier, relativise. « On se croirait en zone de guerre, c’est ridicule. On ne ressent pas une telle insécurité lorsque l’on déambule ici, même le soir. » « Je n’ai pour ainsi dire jamais vu de deal se produire devant moi, ajoute un autre habitant. Et puis, la méthode me laisse pantois. » Et un troisième de poursuivre « c’est ignoble, c’est un appel à la délation pure et simple ».
Le buzz fera-t-il fuir les dealers ?
L’avis d’un avocat que nous avons interrogé est plus nuancé. Il rappelle déjà que la délation est une dénonciation pratiquée pour des motifs intéressés et méprisables. Ce qui se faisait pendant la Deuxième Guerre mondiale. Là il s’agit d’un témoignage, d’une dénonciation d’un acte répréhensible, comme la loi incite tout citoyen à le faire. Poster la photo d’un deal est « une participation citoyenne ». Après, mieux vaut dénoncer les bonnes personnes pour éviter toute poursuite en retour.
Ce procédé n’est pas une nouveauté, ajoute cet avocat. L’Etat lui-même appelle les citoyens à dénoncer des infractions, crimes et délit commis sur Internet. La plate-forme mise en place début 2009 permet de signaler de façon anonyme ou non des contenus ou comportements illicites.
Pour l’instant la page Facebook du « Deal Safari » ne comporte qu’une seule photo, assez peu révélatrice. Pour notre avocat, toute cette opération ne fera sans doute pas disparaître définitivement les dealers du ce quartier mais elle aura eu le mérite de créer la discussion, d’alerter les autorités locales et qui sait cela apportera un peu de paix, comme le souhaitent les riverains.
Source : Sud-Ouest
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