Dans l’affaire des portes dérobées demandées à Apple au Royaume-Uni, la marque à la pomme a remporté un premier round. En février dernier, Apple refusait de créer, à la demande de Londres, des portes dérobées pour accéder aux contenus d’iCloud. Or, les autorités britanniques souhaitaient que le recours d’Apple reste totalement hors de portée des oreilles des médias et du grand public. C’est raté : un résumé de la décision de « l’Investigatory Powers Tribunal », une juridiction qui examine les plaintes déposées contre les services de renseignement britanniques, a été publié lundi 7 avril. Les deux juges ont estimé que certaines parties de cette affaire seront bien rendues publiques, malgré les objections du gouvernement britannique.
Pour Londres, révéler les détails de ce dossier serait « préjudiciable à l’intérêt public ou à la sécurité nationale » : « les faits essentiels de l’affaire doivent rester privés », plaidaient les autorités outre Manche. Un argument qui n’a pas convaincu le tribunal britannique. Pour les deux juges, maintenir cette affaire totalement et à 100 % confidentielle « constituerait une atteinte fondamentale au principe de la transparence de la justice ». « Il aurait été tout à fait extraordinaire de mener une audience entièrement secrète sans que le fait qu’une audience ait lieu ne soit révélé au public », écrivent-ils. Comprenez : l’affaire sera bien jugée à huis clos. Mais le public pourra avoir accès aux informations principales de la procédure et du jugement.
La toute première confirmation officielle du recours d’Apple
La décision constitue la toute première confirmation officielle qu’Apple conteste devant les tribunaux la demande de porte dérobée du gouvernement britannique. Bien que révélée deux mois plus tôt par le Washington Post, l’affaire n’avait jamais été confirmée par le gouvernement ou Apple. Selon nos confrères, le Royaume-Uni a ordonné à Apple d’accéder aux données chiffrées du cloud de tous ses clients, notamment via la mise en place de portes dérobées – les fameuses « back doors », sur la base de « l’Investigatory Powers Act », une loi de 2016.
À lire aussi : Apple sous pression : Londres veut une clé pour déverrouiller les sauvegardes chiffrées d’iCloud
Le gouvernement britannique, à l’image de certains membres du gouvernement français, estime qu’il est essentiel de percer le bouclier de chiffrement des messageries à des fins de lutte contre le terrorisme et la pédocriminalité.
À lire aussi : Des « portes dérobées » dans iCloud : Apple saisit la justice britannique
Quelques jours plus tard, Apple bottait en touche, en annonçant avoir désactivé une de ses fonctionnalités chiffrées au Royaume-Uni, pour éviter d’avoir à créer des « portes dérobées » dans ses systèmes de stockage en nuage les plus sécurisés (iCloud). Dans le détail, il s’agissait de « la fonction de protection avancée des données (ADP) d’iCloud pour les utilisateurs britanniques », une fonction qui permet à l’utilisateur de stocker la quasi-totalité de ses données dans le nuage d’iCloud, en les chiffrant de bout en bout.
Le chiffrement régulièrement attaqué en Europe
C’est la première fois que la juridiction britannique statue sur cette loi de 2016, qui permet aux autorités britanniques de s’attaquer au chiffrement. Apple a toujours déclaré qu’elle n’avait « jamais construit de porte dérobée ou de clé principale » pour l’un de ses produits ou services, et qu’elle ne le ferait « jamais ».
À lire aussi : Siri accusé d’écoutes abusives : Apple est visé par une plainte en France
La technologie de chiffrement, qui permet à des conversations ou des documents de n’être visibles que par les détenteurs d’une clé qui permet de les déchiffrer, est attaquée depuis des années par des gouvernements, y compris européens. Si les services chiffrés comme ceux d’Apple, de WhatsApp, de Telegram, de Signal ou encore d’Olvid sont très utilisés par des citoyens et des entreprises, ils le sont aussi par la grande criminalité. En France, une disposition similaire à la loi britannique a été âprement discutée et contestée, dans la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic. Elle a pour l’instant été annulée par l’Assemblée nationale.
À lire aussi : Pourra-t-on encore avoir des conversations privées, si la loi impose des « portes dérobées » à WhatsApp, Telegram ou Signal ?
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.