Passer au contenu

Des petits jeux qui cartonnent

Le casual gaming est en train de révolutionner le marché des jeux vidéo en séduisant un public de plus en plus large. Retour sur les raisons de ce succès.

Le casual gaming – littéralement traduit par “ jeu occasionnel ”, ce qui ne correspond pas au sens réel du terme – est une nouvelle tendance de jeu de type vidéoludique. Une tendance qui s’est développée dans les années 2000 sur le Web et a connu depuis un succès grandissant. Faciles d’accès, conçus sur des scénarios courts et des manipulations simples, ces jeux vidéo dits “ casual ” (on préférera garder le mot anglais, en l’associant à la notion de “ décontracté ”) rallient tout type de public, du plus jeune au plus âgé, et particulièrement les femmes. Ils sont plus abordés comme un passe-temps distrayant que comme une réelle passion. Tetris, Pacman ou encore Pong apparaissent comme les précurseurs de cette tendance. Avec l’arrivée de la technologie Flash et le développement de l’Internet à haut débit, le casual gaming a vu sa popularité croître, marquant le début d’une nouvelle façon de consommer le jeu vidéo. Face à cet engouement, les éditeurs de jeux et les fabricants de consoles ont saisi la balle au bond, Nintendo en tête. Ce succès s’est encore renforcé avec l’explosion du téléphone portable, notamment l’iPhone, support nomade privilégié de ces jeux simples et peu onéreux.

Un marché très féminin

“ Le casual gaming est avant tout un état d’esprit. Il consiste à utiliser son ordinateur ou sa console pour se divertir, en substitution des divertissements historiques qu’étaient les mots croisés, les dames ou les échecs. Ici, pas de partie de jeu à rallonge, pas de manuel à lire, le jeu doit permettre de s’amuser immédiatement, qu’on ait 15 ou 70 ans ”, observe David Mekersa, directeur du site Casual Games France. Les origines du casual gaming remontent au Solitaire, un jeu de patience basé sur des suites de cartes. Puis Nintendo obtient la licence de Tetris pour console Game Boy en 1989, contribuant ainsi à l’immense popularité de ce type de jeu. Tetris, imaginé par un programmeur russe, Alexei Pajitnov, en 1984, s’est écoulé à plus de 60 millions d’exemplaires depuis sa création. Dans les années 2000, de nombreux petits jeux font leur apparition sur Internet, via des sites tels que Big Fish Games ou des portails collaboratifs comme Newgrounds ou Kongregate. De conception très stéréotypée, articulés le plus souvent autour d’un même rituel simple de démarrage, ils ne nécessitent pas d’apprentissage particulier. Ces jeux sont créés en 2D et ne présentent pas de difficultés majeures, à l’opposé des jeux dits “ core ”, en 3D, qui demandent une installation et une expérience plus poussées. Parmi l’un des plus gros succès de ces dernières années, le jeu de puzzle Bejeweled, de la société PoCap, doit sa réussite à sa simplicité. Il a été téléchargé plus de 300 millions de fois entre 2001 et 2007. Avec le lancement de la Nintendo DS en 2004 et l’apparition de jeux comme Nintendogs ou le programme d’Entraînement cérébral du Dr Kawashima, le marché prend de l’ampleur et touche un public encore plus large.À partir de là, l’engouement pour les jeux casual ne fait que croître, particulièrement chez les femmes qui constituent plus de 75 % de ce marché. Nul besoin d’assimiler des mécanismes de jeu compliqués (ou gameplay), les casual games sont non violents, destinés à tout public – famille, enfants, seniors -, ne requièrent aucune compétence ni expertise particulière, et se trouvent maintenant sur toutes les plates-formes : consoles, ordinateurs, téléphones mobiles, PDA et Internet. Pour Laurent Michaud, en charge des études sur le loisir numérique à l’Idate, institut d’études et de conseils, “ le casual gaming a toujours existé. Il a trouvé une deuxième jeunesse à travers Internet, dans un contexte où le jeu se dématérialise ”.Les casual gamers n’ont pas le profil de joueurs chevronnés mais plutôt celui de néophytes qui veulent se distraire avec des jeux simples. Tout le contraire des hardcore gamers, ces joueurs experts et passionnés qui peuvent rester des heures devant une console ou un PC (pour la plupart des hommes de 18 à 35 ans). Pour les premiers, la facilité et l’accessibilité du jeu priment. Les seconds recherchent une qualité graphique très élaborée, privilégient des thèmes plus violents – science-fiction, combat -, et s’immergent dans des niveaux de difficultés croissants.

Détente et réflexion

Entre les deux, la frontière reste cependant ténue car la détente, l’évasion sont des dénominateurs communs à ces deux approches du jeu vidéo. Certains jeux casual présentent quelques subtilités qui en font des jeux recherchés par les hardcore gamers. Et il arrive aussi que des casual gamers deviennent des joueurs plus “ réguliers ”, qui peuvent alors passer dix à vingt heures par semaine sur un jeu.Les jeux casual se répartissent en quatre catégories. Le premier et le plus populaire en terme de succès, est le jeu d’aventure et/ou d’objets cachés : des univers magiques (type Jules Verne), des énigmes à résoudre (Agatha Christie, Sherlock Holmes), à l’instar de Mystery Case Files : Huntsville, le premier jeu d’objets cachés à avoir rencontré un succès mondial, ou Azada, l’une des grandes références françaises du genre. Viennent ensuite les jeux de gestion du temps tels que Cooking Mama ou Diner Dash, qui consistent à reproduire différents métiers ou situations diverses (à la ferme, à la cuisine, etc.) par un enchaînement rapide d’actions. Très addictifs, ces jeux de “ click management ” ou gestion des clics, connaissent un emballement qui ne se dément pas. La troisième catégorie englobe les jeux de puzzle du type Bejeweled, très téléchargés, qui comportent des parties courtes. En quatrième position se situent les jeux de plateau – cartes et mah-jong – caractéristiques de ces jeux casual. “ On est dans une mécanique de détente et de réflexion. Ce sont des jeux familiaux destinés à un public très large et décomplexé par rapport aux jeux vidéo traditionnels ”, analyse David Mekersa. Enfin, plus rares, sont les jeux d’action qui restent très marginaux car ils ne rencontrent pas la faveur de ce public.L’aspect multimédia de ces jeux, développés pour ordinateurs et consoles, s’est renforcé avec l’arrivée de la DS et de la Wii de Nintendo. “ C’est en constatant la montée en puissance des petits jeux sur Internet que l’idée de la Nintendo DS est venue ”, confie Mathieu Minel, directeur marketing chez Nintendo. Même si certains puristes classent les jeux comme Nintendogs ou le programme d’Entraînement cérébral du Dr Kawashima comme un genre à part, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas considérés comme des jeux vidéo traditionnels. Destinés à un public plus familial, ils ont littéralement fait exploser le marché en touchant une population jusque-là indifférente à ce type de loisir. L’envolée des ventes de la Wii de Nintendo n’a fait que confirmer le succès de cette nouvelle tendance. Mais depuis deux ans, une petite révolution s’est opérée.

Accessibles et conviviaux

Les jeux casual ont trouvé un nouveau support avec le téléphone portable, et plus particulièrement l’iPhone. À la fois téléphone et console de jeu, cet appareil révolutionnaire est devenu en quelque temps un objet incontournable pour les joueurs de tout bord. Les concepteurs ont très vite adapté les game-play à des déplacements tactiles, avec une mécanique simplifiée. Diner Dash, Louxor ou encore l’incontournable Bejeweled font partie de ces jeux repensés pour l’iPhone et accessibles instantanément par le biais de l’App Store.“ Le jeu occasionnel est en train de prendre de toute part. Plus que les jeux eux-mêmes, ce sont les pratiques des joueurs qui favorisent ce succès ”, constate Laurent Michaud. Des pratiques qui se retrouvent maintenant sur les réseaux sociaux, avec des jeux spécialement conçus pour ces plates-formes. Le succès de Bejeweled Blitz sur Facebook vient confirmer cette nouvelle piste de développement. Ces jeux casual intégrés au réseau, que l’on peut partager avec ses amis, sont synonymes de convivialité. “ Ils renforcent le sentiment de communauté. Les membres affichent leur score, se lancent des défis, il se crée un lien social à travers le jeu ”, remarque David Mekersa. Grâce à la multiplication des supports et au regard de l’engouement qu’ils suscitent, les jeux casual ne sont pas encore au bout de leur succès.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Frédérique Crépin