Les opérateurs mobiles virtuels (MVNO) sont-ils concurrents ou partenaires des opérateurs mobiles traditionnels ? Certainement un peu les deux. Ces acteurs, encore très discrets sur le marché français malgré de récentes annonces (Genie, Tele2), ont la particularité de ne pas disposer de réseau radio. Ils sont donc contraints de recourir à l’un des titulaires d’une licence d’opérateur de réseau de téléphonie mobile pour acheminer leurs communications.Les sociétés de commercialisation de services (SCS) ont déjà appliqué cette stratégie lors du lancement du GSM. Ces entreprises distribuaient les packs des opérateurs en les enrichissant de services. Elles disposaient de leur propre système de facturation et de leur centre de gestion des clients. Cette stratégie s’est d’abord révélée payante et les SCS ont vite capté un nombre important d’abonnés. Victimes de leur succès, sous la pression des opérateurs, elles ont peu à peu disparu. Mieux armés, les opérateurs mobiles virtuels ne sont pas que de simples revendeurs de minutes achetées en gros et agrémentées de quelques services. Leur degré de liberté vis-à-vis de l’opérateur mobile partenaire peut être important, qu’il s’agisse de proposer de nouvelles prestations, d’appliquer une tarification spécifique ou de gérer en direct la relation avec les clients. De plus, les MVNO sont propriétaires des cartes SIM, condition sine qua non pour personnaliser et délivrer des services à leurs abonnés.
Névralgiques cartes SIM
En effet, dans la téléphonie mobile, ces cartes à puce sont le véritable lien entre l’opérateur et ses clients. Elles contiennent les informations sur le détenteur du téléphone et elles sont amenées à jouer un rôle croissant dans la personnalisation de l’offre. Elles deviennent aussi une clé de la sécurité du commerce sur mobile.Seulement, malgré cette plus grande liberté, les MVNO restent à la merci des opérateurs. “Bien que propriétaire des cartes SIM, ils ne détiennent pas les numéros de téléphone, toujours propriété de l’opérateur mobile qui les rétrocède à son partenaire. Ce dernier n’a donc que peu de poids dans la discussion surtout en cas de différend“, regrette Bruno Salgue, enseignant chercheur à l’Institut national des télécoms d’Evry. “Afin d’équilibrer les forces, il faudrait attribuer directement les numéros aux opérateurs mobiles virtuels, d’autant que la portabilité du numéro est loin d’être opérationnelle. Sans oublier que ce mécanisme aurait l’avantage de réguler le marché des MVNO“.Pour le moment, l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) joue les observateurs. “Logique. Cet organe a été créé pour s’occuper des opérateurs possédant une licence, pas pour gérer des accords commerciaux. Les MVNO, de ce point de vue, sont dans la même position que les SCS“, assure Bruno Salgue.Reste que les opérateurs mobiles virtuels peuvent s’affranchir au maximum de leur partenaire détenteur de licence. “Mettre en place un réseau de facturation et un système de “customer care” n’est pas insurmontable aujourd’hui. Les technologies sont parfaitement maîtrisées et éprouvées. Les SCS les utilisent depuis plusieurs années“, assure Laurent Zenou, consultant principal du cabinet Analysys, auteur d’une des rares études sur ce marché. “Mais le véritable nerf de la guerre ne se situe pas à ce niveau, poursuit-il. Pour être innovants, les MVNO doivent interfacer leur réseau avec celui de l’opérateur mobile par le biais d’un “Mobile Switching Center” afin de pouvoir au minimum localiser l’appelant et récupérer le ticket d’appel.“
En jeu, les données clients
L’opérateur mobile virtuel détient, en fait, sa propre Home Location Register, véritable base de données contenant les informations relatives aux profils des clients. Pour l’exploiter, les opérateurs virtuels doivent récupérer, au préalable, sur le réseau de l’opérateur partenaire un certain nombre d’informations techniques. Plus elles seront nombreuses, plus la personnalisation des services pourra être importante. “Les pourparlers s’annoncent serrés entre les MVNO et les opérateurs mobiles afin de récupérer les informations liées à la localisation géographique des abonnés. D’autant que cette fonction devrait permettre de proposer des services à très haute valeur ajoutée“, pronostique Laurent Zenou d’Analysys. Pourtant, les deux parties n’ont pas vraiment intérêt à se déchirer. Les MVNO s’adresseront majoritairement à des marchés de niche et devraient permettre aux opérateurs mobiles de rentabiliser plus rapidement leurs infrastructures.
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