Visionnaires dans l’âme, les directeurs e-business ont, dans les faits, très peu de visibilité sur l’avenir de leur fonction. À terme, l’e-business ne devrait-il pas, en effet, intégrer tous les métiers de l’entreprise ? À quoi bon, alors, en faire une direction à part entière, ou même lui dédier une filiale ? Convaincus de n’être que des ” passeurs de savoirs “, les directeurs e-business vivent avec l’idée que, une fois leur mission accomplie, leur poste disparaîtra.Mais comme l’explique Pierre Cannet, PDG fondateur de Blue Search, un cabinet de conseil en recrutement, “il est encore tôt pour arriver à un éclatement constructif de la fonction e-business” et bon nombre des intéressés s’accordent à dire qu’une fonction de coordination sera toujours nécessaire dans l’entreprise pour piloter les différents projets internet.
Autodétruits
Nicolas Lefevre, le directeur du développement des nouveaux services de La Poste, admet tout à fait l’idée que sa fonction s’arrête un jour, “même s’il est difficile de dire à quel moment”, explique-t-il. Et d’ajouter : “Le groupe disposait il y a quelques années d’une direction transversale, dédiée au développement international, qui bénéficiait d’une équipe pro-pre, aujourd’hui disparue. C’est pareil pour l’e-business.”Déjà, certaines divisions e-business entament leur restructuration. Au Crédit lyonnais, par exemple, ce département créé au milieu de l’année 2000 ?” et directement rattaché à la direction générale ?” a été supprimé en octobre dernier. “Je me suis autodétruit, s’amuse Oliver de Conihout, en charge de l’e-business. Les différentes lignes de métiers se sont dotées d’équipes en interne, elles ont intégré l’e-business dans leur stratégie et tout le “top management” de l’entreprise est sensibilisé à ses nouvelles problématiques. Une étape a été franchie et il n’y a donc plus lieu d’avoir une véritable direction dédiée .”Résultat : la banque a fusionné la direction de la stratégie et celle de l’e-business en une entité rebaptisée ” Stratégie et développement “. Rattachée au directeur général, Dominique Ferrero, et dirigée par Jérôme Grivet, elle comprend un peu plus d’une vingtaine de personnes. Quant à Olivier de Conihout, s’il doit toujours ?”uvrer pour faciliter la propagation de l’e-business dans l’ensemble de l’entreprise, il se concentre davantage sur la veille stratégique…Qu’advient-il alors des pers-pectives de carrière de ces experts de l’e-business ? Leur fonction est-elle un bon tremplin pour accéder à des postes clés de l’entreprise ? Le sujet embarrasse les acteurs du recrutement, cabinets ou chasseurs de tête.
Promus
Ils n’ont, bien sûr, pas assez de recul pour juger de l’avenir de la profession. Pour Noëlle Dujour cependant, directrice d’Alpha CDI, un cabinet de recrutement spécialisé dans les NTIC, “d’anciens directeurs e-business peuvent intervenir au niveau stratégique de l’entreprise et prendre, tout naturellement, la tête d’une direction opérationnelle grâce à la maîtrise de la stratégie globale du business et à l’expérience de management qu’ils ont acquises.” Tout récemment encore, l’ancien directeur e-commerce de Renault, Thierry Sybord, a ainsi accédé au poste de directeur marketing France.
Solistes
Christophe Delassalle, du cabinet de recrutement Batenborch International, spécialisé dans la vente et le marketing, n’exclut pas cette hypothèse. Pour lui, l’expérience des spécialistes e-business se revend très bien. “Ils ont acquis de réelles compétences en conduite de projet, une excellente compréhension des rouages de l’entreprise et une vision globale qu’ils n’avaient pas avant. Ils ont aussi une sacrée plus-value en termes de comportement : une véritable pratique du leadership et une grande force de proposition et de conviction.”Rien d’étonnant alors à ce que certains soient tentés par la création d’entreprise. C’est le cas de cet ancien directeur e-business qui a préféré quitter son groupe devant la mauvaise tournure des événements : “Le ralentissement du marché a obligé l’entreprise à faire des choix d’investissement et tous les projets à long terme de CRM ou KM [gestion de la relation client et gestion des connaissances, ndlr] ont été revus à la baisse, déplore-t-il. Or, ce sont précisément ceux-là qui m’intéressaient. J’ai pensé alors qu’il valait mieux valoriser l’expérience que j’avais acquise à ce poste et j’ai décidé de monter ma propre société.”
Chassés
Mais le conseil pourrait bien recruter aussi quelques patrons. “Certains cabinets se sont en effet aperçus qu’ils étaient très loin de bien connaître et de bien maîtriser l’univers de l’e-business, confie Noëlle Dujour. Ils pourraient bien aller courtiser les directeurs e-business soucieux d’acquérir une vraie méthodologie de travail, de percevoir un salaire hors norme et d’accéder à un poste de “partner” confirmé.”Pour l’heure, il paraît bien prématuré de demander à ces ” Messieurs e-biz ” de se projeter dans l’avenir. Et, quand l’un d’eux glisse “je suis trop dans le bain pour y penser, tous ces projets sont mes bébés, j’ai envie de les voir grandir, et de les faire vivre, après on verra”, on mesure l’attachement de ces hommes à leur fonction.
Mission accomplie
Quoiqu’il arrive, même si les missions ont changé de nature, la route est encore longue avant que l’e-business ne pénètre complètement l’entreprise. Comme le résume Maurizio Arrigo, cofondateur de l’incubateur Kangaroo Village, “la phase d’expérimentation est terminée, le travail d’évangélisation est fait en grande partie. Aujourd’hui, les directeurs e-business se focalisent sur la mise en ?”uvre d’un nombre limité de projets phares et sur leur retour sur investissement”.Ils ont beau venir d’horizons très différents, demain, ils et elles seront confrontés aux mêmes défis : continuer dans un climat économique incertain, à piloter la mutation de leur entreprise vers le-business… doucement mais sûrement.
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