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Des logiciels pour gérer sa campagne comme un produit commercial

Ils s’appellent Nation Builder, 50+1 ou Corto. Ces programmes permettent aux politiques de mieux qualifier leurs bases de données et cibler davantage leurs actions sur le terrain comme sur le web. Revue de détails.

Il va falloir s’y faire. A l’avenir, nous ne serons plus considérés comme des électeurs, mais des consommateurs. Et les candidats ne raisonneront plus en termes de bureaux de vote… mais de segments de marché !

Après l’expérience de Barack Obama aux Etats-Unis, les hommes politiques français ne s’autorisent plus la moindre improvisation dans leur campagne. Place à des méthodes commerciales et marketing qui ont fait leurs preuves en entreprise. Et cela passe par le recours à de nouveaux logiciels, dont voici un panel.

NationBuilder : une plateforme pour éditer son site et gérer ses contacts

Véritable boîte à outils de coordination militante, la plateforme américaine NationBuilder est un système de gestion de contenu à mi-chemin entre WordPress et Facebook. Nous avons pu le tester et nous pouvons témoigner de son utilisation simplissime. Le tableau de bord fonctionne comme un réseau social et récapitule dans un journal l’activité en ligne de l’équipe de campagne, l’accroissement du nombre de militants ou les nouveaux dons des sympathisants.

Les abonnés peuvent, en outre, accéder à tout un pack de services comme la création d’un site de campagne à partir de modèles prédéfinis, l’ouverture de comptes sur les réseaux sociaux, le dépôt d’un nom de domaine, la création d’évènements en ligne, l’envoi coordonné de mails, de newsletters et de SMS.

« C’est un outil efficace, qui ne nécessite pas de formation préalable et qui est peu coûteux. L’abonnement est de 49 dollars par mois pour une base de données de 15 000 contacts », nous précise Matthieu Lerondeau, le directeur associé de l’agence de communication La Netscouade, qui propose ce logiciel à ses clients politiques en France. Une douzaine de candidats utiliseraient actuellement le logiciel en France, selon NationBuilder. A l’image de Patrick Mennucci à Marseille.

Comme son concurrent Blue State Digital -utilisé par Barack Obama et Anne Hidalgo- NationBuilder s’exporte à l’international. « Nous avons des clients en Amérique du Nord, du Sud, en Europe, en Asie et en Afrique. Et notre logiciel n’est pas utilisé que dans le domaine de la politique : nous avons aussi des entreprises non lucratives, créatives ou commerciales », nous a confié une porte-parole de la société.

Voir l’un des tutoriels vidéo de NationBuilder :

50+1 : le logiciel officiel du Parti socialiste dédié au porte à porte

Ils sont trois associés : Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons. Ils ont fait leurs armes pendant la campagne présidentielle de Barack Obama. Convaincus par l’efficacité du porte à porte pour faire basculer les résultats des élections, ils sont revenus en France avec la ferme intention d’y importer les méthodes américaines. Au service de François Hollande en 2012, ils étrennent avec les municipales leur nouveau logiciel 50+1 et sont devenus les fournisseurs officiels du Parti socialiste grâce à contrat cadre. Ils compteraient 60 candidats dans leurs clients, dont Anne Hidalgo.  

L’intérêt principal de 50+1 est de pouvoir coordonner finement le porte à porte. « En croisant les derniers résultats aux municipales, la tendance du taux de chômage et la notoriété des candidats sur le web, nous avons élaboré un modèle prédictif qui permet d’évaluer les prochains résultats des élections municipales par bureau de vote », nous explique Guillaume Liégey.

« Nous avons ensuite classé ces bureaux de vote par priorité pour le porte à porte en leur attribuant une couleur sur la carte de la ville. L’idée est de cibler les indécis et les abstentionnistes. On évite passer du temps à convaincre les électeurs acquis au candidat adverse car on obtient rarement des résultats de cette manière. », poursuit-il. Reste ensuite à transmettre des listes d’adresses aux volontaires pour les envoyer sur le terrain convaincre les électeurs. A la fin de chaque tournée, un reporting rappelle le nombre de portes ouvertes et les nouveaux contacts qui ont acceptés d’être ajoutés à la base. Il faudra ensuite les qualifier avec un tag pour les solliciter ensuite de façon adéquate.

« 50+1 permet le ciblage très précis des quartiers immeuble par immeuble et aussi d’établir des itinéraires. C’est un vrai confort », témoigne Clémence Pène, la responsable de la campagne web d’Anne Hidalgo.

Corto : un outil de cartographie pour localiser les militants et cibler les électeurs

Il s’agit d’une solution de cartographie intelligente conçue par la société française Spallian. Corto permet de visualiser ce qui se passe dans une ville suivant les moments de la journée dans le but d’aider les pouvoirs publics à prendre des décisions. Son petit frère, le logiciel Memento, sert à saisir les données.

Les campagnes électorales, ce n’est pas du tout le cœur de cible de Spallian. « Nous faisons surtout du conseil en stratégie pour les politiques publiques. En l’utilisant, certains de nos clients ont eu l’idée naturellement de l’utiliser dans le cadre de leur campagne », nous a expliqué Thibaud Prouveur, directeur associé de Spallian. C’est une première : une vingtaine de candidats de gauche, du centre et de la droite ont utilisé Corto et Memento durant ces municipales dont Nathalie Kosciusko-Morizet.

« Nous utilisons Corto pour quadriller Paris : par arrondissement, par quartier et par bureau de vote. Cela nous permet de géolocaliser en temps réel les militants sur le terrain. Et on sait où les envoyer en priorité pour faire du porte à porte en croisant Corto avec des données publiques », nous a expliqué Laura Polet, qui dirige la campagne web de NKM. Dans le programme de la candidate UMP, il est ainsi prévu que 95% des Parisiens auront accès à un espace vert à moins de 250 mètres de chez eux. En quelques clics, l’équipe de campagne sélectionne donc les zones de la ville à plus de 250 mètres d’un espace vert où les sympathisants pourront trouver un écho favorable à cette thématique.

Voir la vidéo de démonstration du logiciel Corto :

Efficaces parce qu’ils professionnalisent les actions militantes, ces nouveaux outils logiciels permettent également de lutter contre l’abstentionnisme. Leur utilisation pose cependant question. Contrairement aux Etats-Unis, il n’est pas autorisé en France de renseigner, par exemple, l’orientation sexuelle ou la pratique religieuse de ses contacts dans les bases de données. Mais qu’en sera-t-il du respect effectif de ces règles à l’avenir ?

Déjà, aujourd’hui, les partis se précipitent tous après les résultats des premiers tours pour consulter les listes d’émargement des votants. En théorie, ils ne regardent que les adresses et pas les noms. Il est cependant tout à fait envisageable que des listes officieuses aient déjà pu être constituées avec les identités des abstentionnistes. Par ailleurs, les candidats seront-ils tentés de qualifier toujours plus finement leur base de sympathisants ? On peut le craindre. Ces pratiques mériteraient donc probalement d’être contrôlées par la CNIL à l’avenir.

Voir notre dossier spécial sur les municipales 2014.

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Amélie Charnay