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Des laboratoires express dans le creux de la main

Faire tenir les pipettes, les fioles, toute la verrerie d’un chimiste sur l’espace d’une puce. Les mini labos, en s’inspirant de l’électronique, vont permettre de réaliser synthèses et analyses à très grande vitesse.

Les évolutions des technologies des semi-conducteurs font des envieux dans bien des secteurs. En tête, les chercheurs des sciences du vivant, qui voient dans ces miniaturisations extrêmes la réponse à quelques-unes de leurs préoccupations. En effet, réaliser des analyses d’ADN, d’ARN ou de protéines nécessite extraction, purification, amplification… Autant d’étapes complexes et coûteuses. Effectuer ces opérations à des échelles beaucoup plus petites augmente énormément les performances : les mélanges de liquides, le contrôle de la température sont plus efficaces. Alors, pourquoi ne pas franchir le pas ?

Les échantillons au pouvoir

“Miniaturiser n’est pas une simple lubie du milieu. Ce choix est poussé par les contraintes de fond du travail sur les échantillons”, explique Armand Ajdari, chercheur au CNRS. Les puces à ADN, où des brins d’ADN sont greffés sur supports de silicium, envahissent déjà le marché mais la communauté compte bien aller plus loin. La pharmacie, l’environnement, l’agroalimentaire, la chimie… lorgnent déjà sur ces instruments d’analyse, totalement automatiques ?” pilotage informatique oblige ?” et tenant dans le creux de la main. Ce marché émergent est évalué par le cabinet d’analyse Frost & Sullivan à quelque 3,3 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) en 2004.Et pourquoi hésiter quand “les analyses ou synthèses réalisées sur de petits échantillons ont un bien meilleur rendement”, selon Simon Cowen, de LOC (Lab on Chips). Ce consortium britannique, qui rassemble 11 sociétés et 7 universités, a déposé en trois ans de recherche de nombreux brevets et présentera bientôt un prototype de puce permettant d’effectuer des synthèses chimiques ?” de quelques microgrammes à la fois ! Les doutes sur les quantités que l’on peut recueillir au final sont écartés d’emblée par le chercheur : “Des études estiment qu’un millier de ces réacteurs en parallèle permettrait d’obtenir 1 kg de produit par jour, ce qui est un bon début.”Quelques sociétés ont déjà sorti des produits. Il en est ainsi d’Agilent, associé à l’Américain Caliper Technologies. Leur bioanalyseur réalise des contrôles qualité d’ADN ou d’ARN. “Nous obtenons des résultats d’analyse en 90 secondes, contre parfois deux heures en laboratoire traditionnel”, annonce Yann Filaudeau, responsable des ventes dans le domaine biomédical d’Agilent. Cepheid, Aclara et autres Gyros ont également leurs systèmes sur puce. En France, le CEA planche sur un système d’amplification de l’ADN, cette opération qui permet de reproduire le brin d’ADN analysé en quantité suffisante. Leurs prototypes terminent la réaction “en trente minutes au lieu de deux heures”, indique Pierre Pujet, de la direction de la recherche technologique du CEA de Grenoble.Si les analyses sont différentes, le principe est le même pour tous les minilabs étudiés : un jeu de pompes, valves, pour injecter le liquide ou le gel dans la puce, et des canaux dans lesquels se font les réactions.

La maîtrise des canaux

C’est dans la gravure de ces canaux, pas plus épais qu’un cheveu, que toute la maîtrise développée pour les semi-conducteurs est requise… Pour déclencher les réactions, des électrodes placées à l’extrémité de ces réservoirs sont activées pour générer un courant électrique.Ce courant va déplacer sélectivement les produits étudiés à une vitesse approximative d’un millimètre par seconde. Des programmes informatiques permettent de générer des flux très complexes. “Et cela, d’autant plus que la simulation, là aussi venue des milieux des semi-conducteurs, permet désormais de prévoir ces mouvements avec une très grande précision”, se félicite Pierre Pujet.Si les technologies de microfluidique employées pour mettre au point ces produits avancent à grand pas, le débat fait encore rage sur le matériau de prédilection de ces microlabos. La puce du CEA est en silicium, choix a priori évident pour une transposition immédiate des technologies électroniques. “Mais ce qu’on oublie, c’est que les spécialistes du silicium pour l’électronique voient d’un mauvais ?”il l’idée de faire fonctionner leurs petits joyaux dans des milieux salés. Or c’est indispensable pour l’analyse des systèmes biologiques”, souligne Armand Ajdari. Les produits sur le marché, par contre, sont en verre ou en quartz, support “plus culturellement correct dans le milieu de la chimie, habitué aux pipettes et fioles en verre, mais difficile à travailler”, selon le chercheur. Il semblerait qu’une alternative envisagée soit le plastique. D’autant plus que le choix des polymères est grand et que les canaux pourront être obtenus par simple moulage.Peu intimidés par les difficultés qui restent à contourner, les chercheurs sont déjà loin qui concoctent des puces sur lesquelles pourraient être directement intégrées et disséquées… des cellules vivantes complètes.

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Agathe Remoué