” Il y a dix ans, les profils d’ingénieur réseaux et d’ingénieur télécoms étaient très différents. Ces deux mondes étaient assez hermétiques et s’ignoraient superbement. Dans l’industrie, il y avait très peu de connexions. On choisissait un monde ou l’autre. Mais l’environnement a beaucoup changé, et les technologies s’interpénètrent. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde mixte télécoms et IP “, constate Eric Zahnd, directeur du cabinet de conseil Aubay Télécoms.Les ingénieurs réseaux et télécoms ont dû gérer simultanément deux grandes évolutions : la convergence voix-données, qui s’affirme de plus en plus comme une réalité, et l’ouverture du marché des télécoms à la concurrence, avec l’apparition d’une multitude de nouveaux acteurs et une complexification de l’offre.Conséquence : aujourd’hui, ” Les ingénieurs télécoms et réseaux doivent être forcément pluridisciplinaires “, estime Olivier Milles, directeur de projet de la société de conseil Siticom.En effet, le marché demande de moins en moins d’experts dans des domaines pointus. Il veut des ingénieurs dotés d’une vision large sur les différentes technologies. Un ingénieur doit être capable d’embrasser tout son secteur, car, “ même s’il ne travaille que sur une gamme de services ADSL, il devra connaître l’environnement de la voix, de l’ATM, du Frame Relay, d’IP, avoir des compétences réglementaires, etc. “, estime Olivier Milles.On pourra même lui demander de faire du marketing, de concevoir une ligne de produits de A à Z, et, pourquoi pas, d’aller la vendre chez les clients. Cette tendance ?” peut-être moins forte chez les équipementiers, où les besoins en R&D sont importants ?” est réelle chez les opérateurs, chez les utilisateurs et dans les sociétés de conseil. C’est pourquoi, “ devant la rapidité de l’évolution des technologies, il faut avoir un esprit de synthèse important “, constate Olivier Hanot, directeur technique chez l’intégrateur Infodis.Par ailleurs, les ingénieurs réseaux et télécoms assument de plus en plus de responsabilités, notamment chez les utilisateurs. Les directeurs informatiques étant devenus directeurs des systèmes d’information, les responsables réseaux et télécoms ont, eux aussi, gravi un échelon.” L’ingénieur télécoms ne doit plus se cantonner à la technique entre les transmissions et les multiplexeurs. La dimension économique et les relations humaines sont aujourd’hui incontournables dans ce métier “, note Pierre-Jean Périn, Consulting Director chez l’éditeur de logiciels Waidan.
” A lui de calculer les retours sur investissements et d’apporter tous les éléments budgétaires du projet. Même si c’est encore le DSI qui défend le dossier face à la direction générale. C’est souvent lui également qui prend la décision de sous-traiter ou non certaines tâches, ajoute Olivier Hanot. Il doit avoir une dimension politique, car c’est à lui de fédérer tous les utilisateurs des différentes directions du groupe. Au service de la communauté, il ne peut pas imposer ses choix. Il lui faut donc avoir un sens aigu de la communication. “Et comme les réseaux deviennent stratégiques pour les entreprises, l’ingénieur télécoms doit offrir une qualité de service optimale. Pour cela, ” il lui faut connaître le métier de ses utilisateurs (la banque, les assurances, etc.) pour trouver les bons indicateurs de qualité. C’était déjà le cas pour les informaticiens. Et, depuis un ou deux ans, cela devient également vrai dans les télécoms “, estime Pierre-Jean Périn.D’ailleurs, on lui demande de plus en plus ?” qu’il soit prestataire externe ou employé en interne ?” de s’engager sur un niveau de qualité de service. Il se doit de développer son sens du client, qu’il soit chez un utilisateur, chez un opérateur, ou dans un cabinet de conseil.
Tout savoir, sur chaque technologie, de plus en plus vite
Mais les ingénieurs télécoms et réseaux évoluent dans un cadre toujours plus complexe et de moins en moins balisé, alors que leur visibilité à moyen et long termes est de moins en moins nette face aux technologies et au marché de l’emploi. Ils se retrouvent même dans une situation paradoxale : “ On entre dans un modèle où il faut tout savoir sur toutes les technologies et être multitâche. Alors que, dans le même temps, les technologies se développent de plus en plus rapidement et qu’elles demandent de plus en plus de savoir-faire “, constate Olivier Milles.Cependant, les ingénieurs réseaux et télécoms doivent toujours être en mesure de justifier leurs choix. Aussi leur demande-t-on d’être toujours plus adaptables. ” Il leur faut être très ouverts, aller très vite et prendre des risques. Sinon, ils seront exclus. Mais, s’ils choisissent la mauvaise option, ils en payeront les conséquences “, remarque Dominique Baduel, DRH de Worldcom. Ils doivent aussi être de plus en plus mobiles.” La dimension géographique a aussi évolué. Aujourd’hui, la taille des acteurs qui sont nos clients nécessite le bilinguisme. On ne reste plus sur un territoire régional, mais on entre dans une dimension européenne avec la nécessité de se déplacer à l’étranger. Il faut donc être capable de comprendre des cultures différentes ?” et, par là même, savoir s’intégrer “, explique Eric Zahnd.En ces temps de crise, où les annonces de suppressions de postes se succèdent, “ nous recherchons des profils ouverts d’esprit et mobiles géographiquement, mais aussi en termes de carrière “, ajoute Dominique Baduel.C’est ainsi qu’au moins quatre ingénieurs télécoms de Worldcom sont devenus des commerciaux à part entière. En effet, face à la crise que connaît le secteur, l’opérateur procède à des redéploiements internes. Et comme il a besoin d’étoffer sa force de vente pour conserver ses clients et en conquérir de nouveaux, il incite ses ingénieurs télécoms à se diriger vers ce métier nouveau pour eux. ” Nous renouvelons un appel à candidatures. Et, sur la centaine d’ingénieurs dont nous disposons, nous espérons que trois ou quatre sauteront encore le pas “, conclut Dominique Baduel.La relation au temps a évolué. Les cycles sont beaucoup plus courts. Les technologies s’accélèrent, les marchés se repositionnent, et les acteurs aussi. L’époque où l’ingénieur télécoms ou réseaux restait dans le même laboratoire toute sa carrière, sans avoir réellement à se remettre en question est donc révolue. ” Les ingénieurs sont aujourd’hui dans un monde instable. Il leur faut avoir une vivacité d’esprit et de compréhension face aux évolutions de ce marché, alors que le phénomène d’instabilité s’accélère. Ils doivent apprendre à en jouer pour mener leur carrière “, conclut Eric Zahnd.
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