Depuis quelques années, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pointe du doigt la gestion hasardeuse du fichier de police Stic, recensant les infractions constatées. Mais il n’y a pas qu’elle. Au mois de mars dernier, les députés Delphine Batho (PS) et Alain Bénisti (UMP) ont remis à l’Assemblée nationale un rapport d’information de 370 pages sur le sujet. Le constat n’est pas des plus flatteur.
Le document relève des dysfonctionnements connus, comme le non-effacement de certaines données du fichier Stic. A côté de l’incurie, déjà pointée par la Cnil, les deux députés parlent au contraire d’un excès de formalisme : « Les services de police sont en effet particulièrement réticents à tirer toutes les conséquences des décisions de classement sans suite formulées par téléphone ». Ils préfèrent avoir une trace écrite. Et donc, avant de l’obtenir du parquet, ils inscrivent la personne mise en cause dans le fichier… avant de, parfois, oublier de l’en retirer.
25 % des fichiers de police n’ont aucune base juridique
L’inscription au Stic a parfois des causes assez lâches : « Il apparaît malheureusement dans les faits que l’inscription dans ce fichier d’antécédents judiciaires est trop souvent pratiquement inéluctable dès qu’une personne est placée en garde à vue et figure sur un compte rendu d’enquête. » Plus grave, quand il est explicitement demandé, sur un dossier, qu’une personne ne soit pas inscrite au Stic, « les personnels chargés de saisir les données passent outre ».
Mais il n’y a pas que le Stic, loin de là. Les deux députés, qui ont passé six mois sur ce travail, reconnaissent n’avoir pas pu étudier la totalité des fichiers informatiques existants, en revanche, ils ont découvert qu’« un quart des fichiers de police n’ont aucune base juridique ». Dit autrement : ils sont illégaux.
Comme celui des personnes nées à l’étranger (FPNE) et qui existe depuis… 1975 ! Ou celui des objets trouvés de la gendarmerie nationale, celui du traitement des images de véhicules volés (gendarmerie également), celui des brigades spécialisées de la police nationale.
Un « empirisme qui préside à la création des fichiers »
Les 237 fiches (novembre 2008) d’Octopus sont également illégales. Ce fichier a été créé pour la recherche des auteurs de « tags » et prévoit une durée de dix ans de conservation des données, incluant des informations sur les mineurs sans limite d’âge. Le logiciel d’uniformisation des prélèvements et d’identification (Lupin), consacré à la lutte contre les cambriolages, est, lui, en phase d’expérimentation depuis décembre 2008. Mais là encore, sans aucun texte de référence.
En fait, le rapport révèle un « empirisme qui préside à la création des fichiers ». Ces bases de données sont créées au fur et à mesure des besoins. Ensuite, soit elles perdurent dans la clandestinité, soit on leur accorde une base juridique après coup, alors qu’elles ont déjà servi plusieurs années.
Preuve de ce grand laxisme, les deux rapporteurs ont mis la main sur un « fichier de la batellerie » (non informatique celui-là) créé en 1942 sans aucun texte. Un « fichier obsolète [qui] contient 52 000 fiches »… C’est presque pour l’anecdote, mais cette découverte en dit long sur la gestion de ces outils.
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