Plus d’un an après l’euphorie de l’ouverture, en France, de places de marché, ce concept de “carrefour d’affaires sur internet” cherche encore ses marques. “Il reste beaucoup de chemin à parcourir”, reconnaît Gilles Serpry, directeur du marketing chez IndustrySuppliers. com. Et pour cause ! Cette place de marché est en état de cessation de paiements depuis le 16 mars dernier, faute d’une activité suffisamment lucrative.On le voit bien, acheteurs et fournisseurs hésitent, expérimentent, testent, tout en pensant à moderniser leurs méthodes d’achat et de vente. En clair : les espoirs de gains restent pour l’heure à l’état de promesses. Cela n’empêche pas certaines entreprises d’économiser ponctuellement sur certains achats, y compris des PME, comme le montre l’exemple de la société nantaise de communication QuestLink. A la recherche d’un imprimeur pour son papier à en-tête et ses cartes de visite, elle lance un appel d’offres sur la place de marché Marketo… et réalise “une économie de 5 000 francs par rapport à l’imprimeur attitré”, affirme Emmanuel Devys, directeur associé de QuestLink.
Des études et des tests pour valider le concept
Attention toutefois, car, ainsi que le rappelle David Divialle, responsable adjoint du département achats chez Alstom, “les économies sur les achats généraux exigent un véritable savoir-faire que peu d’entreprises intègrent”. D’où son conseil : “Sous-traiter les achats généraux à des spécialistes et garder la maîtrise sur les achats liés à la production.”Une chose est sûre : l’exemple de QuestLink est loin de valider l’ambitieux modèle des places de marché. “Il masque la complexité de la fonction achat dans l’entreprise et ses différentes étapes”, rétorque Jérôme Kuehn, président de TradeMatch, place spécialisée dans les appels d’offres. Le site se veut avant tout un outil ” d’aide à la décision “. Ses missions : aider à la rédaction du cahier des charges, qualifier les fournisseurs, apporter des outils d’information et de réponse (Request for Information, Request for Quotation), ainsi que des outils d’enchères. Jérôme Kuehn croit à l’expertise en matière d’achats. Cela a amené TradeMatch à s’associer avec le cabinet européen Masï, spécialisé dans l’achat industriel. Pechiney, Renault, Thomson ou encore La Poste fréquenteraient le site afin de bénéficier de cette assistance pour certains achats stratégiques.Grandes ou petites, les entreprises sont interpellées par ces carrefours, à l’heure où beaucoup d’entre elles envisagent une refonte de leurs achats. Elles lancent ainsi des études et des projets pilotes. C’est le cas du groupe Carbone Lorraine, “la phase de réflexion s’achève”, précise Bruno Baudelet, vice-président des achats (voir l’encadré). Deux choix sont envisagés au terme de cette longue étape de réflexion, car l’industriel veut être certain que les bénéfices seront bien au rendez-vous.
Les appels d’offres sont suivis en direct
Pour sa part, Alstom arrive au bout de la phase de test avec SourcingParts. com, place dédiée à la recherche de sous-traitants dans le domaine de l’usinage mécanique. Le test, réalisé sur le site industriel de La Courneuve, a duré deux mois. Les gains escomptés ? Pour David Divialle, ils découlent de “la mise en concurrence d’un nombre accru de fournisseurs”, mais surtout “de la diminution du temps administratif consacré aux achats de produits nécessitant un usinage à façon”. Pendant un mois, l’industriel a analysé sur cinquante pièces les réponses aux appels d’offres des fournisseurs. Cette étape a permis d’identifier un problème, résolu depuis : l’impossibilité de grouper les appels d’offres de différentes pièces d’un même ensemble. La phase de test étant concluante, la mise en exploitation réelle intervient ces jours-ci.L’objectif est de basculer les achats d’une famille de produits (représentant 10 millions de francs de commandes par an) du système traditionnel vers la place de marché sous quinze jours. Dernier bénéfice induit par cette démarche : “Une plus grande rigueur dans les procédures d’achat et une information immédiate pour les fournisseurs”. Le gagnant et les perdants savent en temps réel qui a remporté l’appel d’offres ! Si, au terme de cette étape, les bénéfices sont confirmés, Alstom étendra le modèle à plusieurs familles de produits (200 millions de francs d’achats par an). Ces deux exemples confirment un point capital : les bénéfices n’ont aucun caractère systématique. Pour nombre d’entreprises, une large part des économies viendra, à terme, du niveau d’intégration des outils de la place de marché avec les outils de gestion de l’entreprise. A commencer par les PGI (progiciels de gestion intégrés). “Chez Alstom, reconna”t David Divialle, l’intégration est la grande étape du projet. Elle est prévue fin 2001.”Décisive pour les bénéfices liés à la place de marché, cette phase d’intégration ne sera pas dénuée d’embûches. “Des incertitudes subsistent quant au fonctionnement sans bugs de l’interface vers le progiciel de gestion intégré de Baan”, confie-t-il.Beaucoup d’entreprises s’interrogent sur ce chapitre de l’intégration. Car certaines places imposent un type de PGI, du moins si l’entreprise veut dématérialiser ses transactions en profitant d’un niveau d’intégration très poussé. C’est le cas de Hubwoo qui fonctionne autour de l’outil mySAP. IndustrySuppliers, qui utilise Oracle Exchange, a contourné cette difficulté en concevant sa place autour du moteur d’intégration applicative WebMethods, d’où une forte interopérabilité possible avec tous les PGI du marché.On le voit, la pratique des places de marché n’est pas un long fleuve tranquille. Loin des discours de façade, les faits montrent que les acheteurs apprennent. Les opérateurs aussi. A l’issue de ce petit bout de chemin parcouru à deux, il y aura probablement une clarification et un recentrage des offres, et probablement une politique plus juste en termes de facturation des services des places de marché. Aujourd’hui, toutes pratiquent encore le ” prix d’appel ” !
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