Tout s’achète, tout se vend, pour peu que vendeurs et acheteurs soient mis en relation. C’est à partir de cette évidence qu’eBay, l’incontournable plate-forme d’enchères en ligne, a révolutionné le commerce sur Internet. Quinze ans ont passé depuis la mise aux enchères du premier objet sur le site, un pointeur laser défectueux vendu au prix de 14,83 dollars. Depuis s’y accumulent bibelots, DVD, vêtements, matériel en tout genre, voitures ou villas… Une liste non exhaustive qui flirte parfois avec l’insolite, comme cette parcelle de terrain lunaire mise en vente par un Français, cette poignée de cheveux de la chanteuse Britney Spears proposée par un coiffeur, ou encore ce village entier du nord de la Californie acquis pour 1,8 million de dollars ! Le joyeux bazar décontracté des premières années a laissé la place à une entreprise commerciale qui dénombre 276 millions d’adeptes dans le monde et quelque 200 millions d’articles en vente renouvelés à hauteur de 7 millions par jour. Pionnier du e-commerce, eBay a initié un modèle économique rentable, centré sur la communauté et la convivialité.Avec l’arrivée du Web et des navigateurs dans les années quatre-vingt-dix, une nouvelle race d’entrepreneurs passionnés d’informatique commence à s’intéresser aux surprenantes potentialités de ce média. De leurs réflexions émerge un modèle économique révolutionnaire, le shopping en ligne. Aux États-Unis, deux plates-formes d’achat voient le jour en 1995 : Amazon, pour la vente de livres, et eBay, un site de vente aux enchères directes né de l’imagination d’un informaticien, Pierre Omidyar. Le jeune homme de 28 ans d’origine française installé en Californie a l’idée d’un logiciel d’enchères interactives sur le Web. Il lance son site Auction Web, une plate-forme informatique destinée à mettre en contact des vendeurs et des acheteurs potentiels d’objets hétéroclites, une sorte de vide-greniers virtuel dans lequel chacun peut dénicher la bonne affaire. Rebaptisé eBay (pour Electronic Bay) l’année suivante et porté par le bouche-à-oreille, le site connaît immédiatement le succès. En quelques mois, 10 000 articles sont vendus entre particuliers. À raison d’une commission de 5 % prélevée sur chaque transaction, la petite start-up prend de l’ampleur et engrange les bénéfices. En 1996, 41 000 utilisateurs sont inscrits sur eBay, séduits par la nouveauté du concept et sa simplicité de fonctionnement : un compte ouvert en quelques clics, un objet mis en ligne et une vente aux enchères suivie en temps réel. Sur cette place de marché d’occasion qui ne nécessite pas de stockage de marchandises, le processus d’achat est entièrement dématérialisé. Un accès Internet suffit pour effectuer une transaction sécurisée avec une carte de crédit, grâce au protocole de chiffrement et de cryptage SSL récemment mis en place par Netscape. Dès son lancement, le site intègre des outils collaboratifs novateurs qui seront repris par le Web 2.0 : les avis d’utilisateurs, la notation des vendeurs et des acheteurs, les pages personnelles…
Le jackpot Paypal
La société prend de l’ampleur et nécessite de plus en plus d’investissements en matériel et en infrastructures. En 1998, eBay compte une trentaine d’employés et n’est implanté que sur le territoire des États-Unis. Pierre Omidyar en confie alors les rênes à Meg Whitman, une femme rompue aux affaires qui se charge d’introduire l’entreprise en Bourse. Forte de ce succès (la valeur de l’action est multipliée par 25 en six mois), la nouvelle présidente s’emploie à développer le site à l’international : Europe, Amérique du Sud, Australie, Chine, Inde, ou encore Corée sont la cible d’un business plan élaboré à grande échelle. En parallèle, les rachats se multiplient, tant aux États-Unis qu’à l’étranger. Premier sur la liste, le service de paiement en ligne Billpoint en 1999, qui vient renforcer ce nouveau concept d’achat en ligne. En 1998, en France, les internautes découvrent le site de vente aux enchères iBazar. En 2000, la plate-forme revendique 300 000 membres. La même année, eBay décide d’ouvrir une filiale française… et, dans la foulée, rachète iBazar. Une tactique efficace qui va se répéter dans plusieurs pays et permettre au géant des enchères d’assurer son assise sur les marchés internationaux (rachat de Bazee.com en Inde en 2004, de Gumtree en Grande-Bretagne en 2005…).Nouveau coup d’éclat en 2002 avec l’acquisition de la solution de paiement électronique Paypal pour 1,5 milliard de dollars qui viendra définitivement remplacer Billpoint. La plate-forme passe alors la vitesse supérieure en s’offrant le service de paiement sécurisé déjà utilisé par plus de la moitié de ses membres. Avec Paypal, les transactions s’effectuent à partir d’une simple adresse électronique et d’un mot de passe, sans avoir à donner son numéro de carte de crédit à chaque paiement, les coordonnées bancaires de l’utilisateur ayant été préalablement transmises au service. Paypal se rémunère en prélevant une commission sur chaque transaction. De plus, le service garantit les achats passés sur le site. Il représente à l’heure actuelle un tiers du chiffre d’affaires de l’entreprise, c’est dire si son impact est majeur dans son développement. Moins heureux aura été le rachat de Skype, en 2005, pour la somme de 3,3 milliards d’euros. Destinée à créer des synergies entre l’activité en ligne d’eBay et le service de voix sur IP (de la téléphonie, sur Internet, dont la plupart des appels sont gratuits ou à prix cassés), cette acquisition n’a pas trouvé une issue favorable. eBay revendra Skype quatre ans plus tard.Campagnes de publicité offensives, amélioration et sécurisation des outils (forum, étoiles pour les utilisateurs, commentaires, boutiques), l’entreprise joue la carte de la proximité et devient une référence dans le commerce en ligne.
En route pour l’achat d’impulsion
Mais eBay n’est pas seul sur le créneau. Le site Amazon qui avait démarré avec la vente de livres se diversifie vers des produits culturels et matériels. Une ouverture rentable, renforcée en 2004 par sa plate-forme MarketPlace, qui permet aux particuliers et aux vendeurs spécialisés de vendre leurs propres objets. Amazon est en outre à l’origine du célèbre “ achat en un clic ” (one-click shopping), dont il dépose le brevet en 1999. Ce système rend enfin possible l’achat d’impulsion et contourne ce qui a toujours pénalisé le e-commerce : la nécessité de saisir son numéro de carte bancaire, un acte qui terrorisera longtemps les internautes… Le one-click participe donc de manière forte à l’essor du e-commerce.En France, les premiers marchands “ pure player ” (qui ne vendent que sur Internet) font leur apparition en 1998 avec Cdiscount, Rue du commerce en 1999, PriceMinister en 2000, Vente-privée.com en 2001. Avec la même stratégie : proposer en ligne des articles à des prix moins élevés que dans les magasins physiques. À sa création, sur le modèle du site américain Half.com (racheté par eBay !), PriceMinister propose des biens culturels moitié moins chers que dans le commerce traditionnel. Le site élargit rapidement son offre vers la vente de produits neufs ou d’occasion et s’invite en Europe. En 2010, fort de 11 millions de membres, il prend une longueur d’avance sur eBay en France et devient leader chez nous en audience ! À côté des pure players, ce sont tous les commerces que l’on retrouve sur le Web (La Fnac, Carrefour, Sncf, etc.). Quel que soit le modèle économique adopté, le commerce électronique progresse à un rythme soutenu depuis une dizaine d’années. Selon la Fevad, au premier semestre 2010, le nombre de sites marchands a dépassé la barre des 70 000 contre 54 000 il y a un an, pour 26,4 millions de cyberacheteurs.Poursuivant sa logique d’ouverture en multipliant les services et les expériences d’achat qui pourraient booster Paypal, eBay instaure dès 2002 l’achat immédiat. Une aubaine pour les vendeurs professionnels qui en profitent pour écouler leurs stocks de marchandises sans passer par les circuits de distribution traditionnels. La frontière devenant poreuse entre vendeurs particuliers et professionnels, il devient urgent de valider concrètement ce qui existe dans les faits. eBay accorde donc aux pros un statut officiel en 2004. Comme toute activité professionnelle, ce statut est réglementé par des obligations légales très strictes et ses revenus sont soumis aux taxes. Il vient vite détrôner les traditionnelles ventes aux enchères qui ont fait la réputation du site. Les effets de la crise mondiale que va subir le groupe en 2008 le conforteront dans cette nouvelle orientation. Après une réduction d’effectifs de 1 000 personnes, eBay se recentre sur ses activités les plus rentables. Le site s’ouvre de manière significative aux vendeurs professionnels en les plaçant au cœur de sa stratégie. Il met à leur disposition des outils spécifiques et des conditions de développement particulières (boutiques, analyse d’annonces, conseil, nouvelle tarification et disparition des frais d’insertion). En 2010, 80 000 vendeurs professionnels sont dénombrés sur le site, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2009.Autre effet de son succès grandissant, eBay est en butte à la fraude et aux malversations. Des articles contrefaits en provenance d’Asie, des parfums de luxe dont la vente est très réglementée se retrouvent en ligne. Les grandes marques ? LVMH, L’Oréal ? portent plainte. eBay vient d’être condamné par la cour d’appel de Paris et se voit dans l’obligation d’accentuer sa vigilance à l’égard de la contrefaçon dans ses annonces. “ Nous avons mis en place un système de surveillance qui réunit 31 000 marques sous le programme VeRO. Celles-ci peuvent signaler tous les articles potentiellement illicites qui circulent sur le site. Par ailleurs 2 000 agents sont affectés à la lutte contre la cybercriminalité dans le monde, en partenariat avec les douanes ”, souligne Yohan Ruso, directeur général d’eBay France.
Le gros coup d’eBay mobile
Les ventes sur eBay se répartissent dorénavant pour 50 % en achats immédiats, 25 % d’enchères et 25 % de petites annonces. En 2009, un service de petites annonces gratuites est proposé aux particuliers et, en moins d’un an, 1,3 million d’annonces ont été publiées ! Anticipant la vague de la mobilité, eBay a joué un autre gros coup avec le lancement fin 2008 de son application gratuite eBay mobile, qui a été téléchargée 13 millions de fois. Selon le Financial Times et, pour l’anecdote, l’appli plaît beaucoup aux riches eBayeurs : l’un d’eux s’en est servi pour s’acheter une Lamborghini à 350 000 dollars, un autre une Bentley, et un troisième s’est payé un bateau… en pianotant sur son téléphone portable. eBay déclare qu’aux États-Unis un achat est réalisé toutes les secondes via cette application, et compte dégager 1,5 milliard de dollars de transactions mobiles cette année dans le monde.L’appli est accessible sur iPhone, Blackberry, iPad, Android et Windows Phone 7. En quinze ans, la petite entreprise aux accents communautaires s’est muée en une solide machine commerciale, fleuron du e-commerce mondial.
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