01net. : Vous avez mené une
mission de réflexion sur la lutte contre le piratage dont les conclusions pourraient être reprises prochainement dans un cadre
législatif. Où en est ce projet ? Denis Olivennes : Les pouvoirs publics sont en train de préparer le projet de loi et procèdent aux consultations juridiques et techniques qui permettent de mettre en ?”uvre ce projet comme la ministre, Christine
Albanel, s’y était engagée.Ce texte va-t-il remplacer la loi Dadvsi (sur le Droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information) votée en 2006 ?Il viendra compléter la loi Dadvsi. En fait les sanctions pénales qui étaient prévues par la loi de 2006 seront réservées aux très gros contrefacteurs, notamment à ceux qui font de la contrefaçon à des fins vénales, pour revendre de la
musique ou des DVD. A l’opposé, le texte en préparation permettra de mettre en place un dispositif, non pas répressif, mais dissuasif, sans prison ni amende, pour lutter contre le piratage de masse, c’est-à-dire celui de nos enfants.Vous parlez tout de même d’un dispositif qui prévoit une suspension de l’abonnement Internet… Oui. Au bout de deux avertissements. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, pour les acteurs qui pratiquent cette méthode, le piratage cesse dans 70 % des cas au premier avertissement. Et 90 % des pirates ont arrêté au
deuxième avertissement avant même la sanction. Pour le reste, on parle donc de 10 % des cas qui pourraient déboucher sur une suspension dont la commission préconisait qu’elle soit de l’ordre de 15 jours. On ne jette donc personne en
prison. Une fois encore c’est un dispositif qui vise à dissuader, et non à réprimer.Mais que se passera-t-il, par exemple, pour les internautes qui téléchargent des ?”uvres qui ne sont plus disponibles ni en catalogue ni dans le commerce ? Seront-ils concernés par ce dispositif ? Non. Car dans le dispositif tel que l’accord l’a prévu, ce sont les ayants droit qui recueillent les éléments de l’infraction. Par conséquent, je pense que quand les sociétés d’auteurs verront qu’il s’agit de téléchargement de titres
inconnus, elles n’iront pas porter l’affaire devant la commission [la future Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, NDLR]. Personnellement, je pense que l’on doit avoir le droit de
s’échanger des titres qui ne sont pas disponibles sur le marché. Après tout, si j’ai dans ma discothèque un titre de Zappa qui n’est plus réédité et que l’on ne trouve nulle part, ni en numérique ni en physique, je trouve légitime de pouvoir
l’offrir à ceux qui veulent l’écouter. Mais c’est mon point de vue à moi.On retrouve la licence globale, un concept auquel vous êtes fermement opposé, au nombre des décisions contenues dans le récent
rapport Attali. Qu’en pensez-vous ? Je crois que la différence fondamentale entre la mission, que j’ai présidée, et le travail de la commission Attali – pour lequel j’ai le plus grand respect – c’est que c’est un travail d’experts. Jacques Attali lui-même l’a
dit : ce sont des décisions qui sont à prendre ou à laisser. Nous, nous n’avons pas du tout fait ça.Nous avons fait un accord interprofessionnel. C’est un accord qui n’exprime donc pas ma position à moi, ce n’est pas le reflet d’une position d’experts, c’est le reflet d’un accord entre tout le monde de la musique, du cinéma, et de
l’audiovisuel d’un côté, dont tous les détenteurs de droits, et de l’autre côté, tous les fournisseurs d’accès Internet. Ce qui n’est pas du tout, du tout, la démarche de la commission Attali. Et c’est d’ailleurs la spécificité de cet accord qui
fait qu’il est salué au niveau international dans la presse aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.Pensez-vous que si les mesures de votre mission pour lutter contre le piratage sont reprises au niveau législatif, cela puisse améliorer la situation de l’industrie musicale ?J’ai toujours dit que je pensais que la lutte contre le piratage n’était qu’une toute petite partie du problème. Et que, de toute façon, on ne pourrait pas totalement l’endiguer. Il faudra vivre, en partie avec, car c’est une des
réalités très importantes d’Internet. L’objectif est donc de dissuader autant qu’on le peut ce piratage mais sans espoir de l’interdire.Mais au-delà de la lutte contre le piratage, comment assurer un avenir aux industries culturelles ?C’est toute la seconde partie de ce travail qui n’a pas encore été faite. il va nous falloir réfléchir au financement futur des industries culturelles (par le biais des subventions, de la rémunération copie privée, etc). Je pense que la
tâche de Christine Albanel, qui a démontré beaucoup de talent dans cette affaire – et dont je souhaite qu’elle continue et prospère dans sa fonction -, sera, dans les quatre ans qui viennent, de remettre à plat le système de
financement des industries culturelles en France pour trouver des mécanismes ayant une certaine pérennité. Car, de toute façon, on vivra avec un certain niveau de piratage qui affectera les niveaux de revenus de ces industries.
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