Le 27 octobre prochain, votre connexion haut débit ou très haut débit pourrait bien devenir une ligne à très haut… dépit ! Finis les mégaoctets par seconde pour télécharger certains fichiers ou vous connecter en VPN, c’est un monde bridé qui pourrait s’offrir à vous.
Alors qu’on croyait la neutralité du Net préservée depuis le vote du 3 avril 2014 au Parlement européen, ce principe essentiel à nos libertés de citoyens numériques et de consommateurs est à nouveau ébranlé par un nouveau vote de ce même parlement dans le cadre des règlementations du marché unique européen des télécoms…
Le danger d’un accord de compromis
Comment est-ce possible ? La faute à qui ? Aux fournisseurs d’accès à Internet ? Non, à un texte validé en juin dernier par les institutions européennes et qui devrait être adopté en séance plénière par le Parlement européen. Cet accord du 30 juin, né de trop de compromis, est qualifié de « peu ambitieux », par le Bureau européen des Unions de Consommateurs (BEUC), voire « d’incohérent et peu clair » par le groupement d’activistes européens Save the Internet. Dans un communiqué, daté le juin dernier, le BEUC écrivait « une loi forte en matière de neutralité du net implique des protections contre la gestion injustifiée du trafic et des pratiques commerciales discriminatoires. […] Nous nous réjouissons de la nouvelle obligation des fournisseurs d’accès internet (FAI) de gérer le trafic de manière équitable, mais les protections contre l’impact de services spécialisés ne sont pas assez fortes ». Save the Internet va plus loin dans son analyse et expose des craintes importantes. Le texte qui sera soumis au Parlement le 27 octobre prochain « laisse une marge de manœuvre non négligeable aux régulateurs et à la Commission européenne pour décider si la neutralité du Net doit être protégée ou non. Ils pourraient ainsi interpréter le texte en autorisant un Internet à deux vitesses, avec des voies rapides payantes ».
Des exceptions à l’Internet ouvert
L’accord qui sera soumis au Parlement européen mardi prochain laisse en effet de nombreuses portes ouvertes à des contournements de la neutralité du Net. Il permet ainsi aux fournisseurs d’accès à Internet de proposer des abonnements plus ou moins chers selon la quantité de données disponibles, ce qui existe déjà en France sur le mobile, ou la taille de la bande passante mise à disposition…
De manière plus inquiétante, ce texte prévoit des exceptions à la neutralité du Net pour la gestion du trafic. Ainsi, « le blocage, la limitation, la dégradation ou la discrimination du trafic internet par les FAI sont interdits » sauf quand ils permettent de prévenir ou « minimiser une congestion réseau temporaire ou exceptionnelle » surtout quand il n’y a pas « d’obligations techniques objectives » de service ou quand il s’agit de respecter la législation nationale ou européenne liée aux « contenus illégaux ».
Pour ces deux raisons, cette restriction pourrait aboutir à la réduction de la bande passante pour des services comme BitTorrent. Interrogée par TorrentFreak, Barbara van Schewick, directrice de l’école de droit de Stanford, déclare : « C’est un vrai problème pour les applications P2P. Les FAI brident régulièrement ou interfèrent d’autres manières avec les applications de partage de fichiers en pair à pair pour gérer les congestions de réseaux si aucune règle de neutralité du Net ne les en empêche ».
Un scénario d’autant plus probable que les échanges sur BitTorrent étaient toujours les plus gros consommateurs de bande passante montante en Europe en septembre dernier, selon la dernière étude de Sandvine. Que les torrents soient principalement utilisés pour des échanges de fichiers illégaux n’est pas la question ici, c’est celle de la neutralité du Net qui est remise en cause.
D’autant que BitTorrent pourrait ne pas être le seul à souffrir. Les VPN aussi pourraient se trouver visés, selon la professeur de Stanford. « Le chiffrement fait qu’il est impossible d’identifier le type d’application, donc les FAI qui implémentent ce genre de gestion du trafic classent généralement ce type de trafic dans les débits lents », explique-t-elle.
Des amendements et un besoin de mobilisation
Plusieurs parlementaires européens ont conscience des dangers introduits par ce texte s’il devait devenir loi. Des amendements ont donc été proposés et seront également soumis au vote le 27 octobre prochain.
Dans un article très intéressant, publié sur Medium, Barbara van Schewick dresse d’ailleurs une liste des quatre points problématiques et décrit ce que les amendements devraient corriger pour que le texte sur le marché unique des télécoms ne nuisent pas au développement d’Internet et à nos libertés.
Mais pour que ces amendements soient pris en compte, il faudra que 376 des 751 parlementaires européens votent en leur faveur. Une majorité qu’il n’est pas impossible d’atteindre mais qui pourrait nécessiter une mobilisation. Voilà pourquoi il pourrait être utile de contacter votre député européen par téléphone, tweet ou même email. Le site de Save the Internet vous facilite la tâche en vous permettant de retrouver votre eurodéputé pour le contacter facilement. Un mail automatique (en anglais, hélas) est même pré-rempli, prêt à être envoyé. Si vous avez quelques minutes pour préserver vos libertés futures, n’hésitez pas…
Sources :
Questions/Réponses de la Commission européenne
Communiqué du BEUC (PDF)
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.