A votre échelle d’utilisateur assidu d’Internet, vous brassez chaque jour des dizaines de photos, sur vos fils Twitter et Facebook, sur les forums que vous fréquentez, sur Pinterest, Flickr ou encore sur Snapchat et autres Instagram. En mai 2014, ce sont plus de 1,8 milliard de photos qui ont été mises en ligne et partagées chaque jour.
Demain, cette liberté pourrait être limitée, contrôlée, condamnée. En effet, si l’histoire suit son cours, ces photos pourraient être soumises à des DRM, des verrous numériques, qui vous empêcheraient de les copier, de les modifier ou de les transmettre. Des DRM qui réduiraient un peu plus encore la liberté des échanges entre les utilisateurs en ligne.
Sécurité et vie privée
C’est la voie que semble vouloir suivre le Joint Photographic Experts Group (JPEG) – le consortium derrière les fameuses images Jpeg, en septembre dernier, lorsqu’il a lancé un groupe de travail sur la vie privée et la sécurité. Les motivations de ces experts ? « La prolifération de l’utilisation d’images numériques soulève un nombre de problèmes en termes de communication non désirée de données privées », explique le JPEG, faisant référence aux métadonnées que contiennent les photos et qui peuvent donner des indications sur des emplacements géographiques, par exemple… Voilà pour l’aspect vie privée.
On notera juste que les services en ligne les plus populaires, comme Facebook ou encore Twitter, effacent automatiquement ces métadonnées pour éviter ce genre de problème.
L’aspect sécurité pourrait être renommé “respect de la propriété intellectuelle”. Car, pour le JPEG, il s’agit de faire respecter les droits des auteurs en « fournissant un degré de confiance tout en partageant le contenu d’une image et ses métadonnées », explique le Joint Photographic Experts Group. Les banques d’images en ligne en ne pas d’un très bon oeil l’utilisation non contrôlée des images soumises à des droits d’utilisation.
Une solution inadaptée
Le 13 octobre, le comité JPEG s’est réuni à Bruxelles pour discuter du sujet, avec pour objectif de trouver une solution globale qui pourrait donc bien prendre la forme de verrous numériques.
De fait, le JPEG 2000, utilisé notamment pour les images médicales, recourent déjà à des DRM. Mais l’adoption d’un format universel soumis à ses verrous posent des questions d’une autre ampleur. Des extensions contenant la description des droits pourraient ainsi faire en sorte qu’une image puisse seulement être affichée sur une page Web, mais qu’un professionnel de l’image puisse la modifier… S’il en a les droits et s’il possède un logiciel compatible…
Selon l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui s’émeut de cette initiative et a participé à la réunion du groupe de travail, le danger est potentiellement conséquent.
L’association de défenses des droits des internautes avance plusieurs arguments pour démontrer que la solution des DRM n’est pas la bonne. D’une part, elle ne garantit pas la « protection » des données – la clé qui contrôle le verrou numérique sera tôt ou tard extraite et détournée. D’autre part, les DRM ne couvrent pas parfaitement les droits. Ils ne prennent pas en compte les limitations de copyright comme le fair use ou le droit de citation, par exemple.
Pire, les DRM pourraient aboutir à des pratiques anti-compétitives ou qui nuiraient à la liberté de circulation des images, qui pourraient n’être accessibles que dans certaines régions du globe. Sans même parler des problèmes que les verrous numériques posent en termes de standardisation, d’interopérabilité, de risques légaux pour les développeurs et les chercheurs, etc. Une succession de points dangereux et rédhibitoires que l’EFF résume en une formule : « Les DRM sont considérés l’antithèse de l’intérêt public ».
Une autre voie à trouver
Toutefois consciente de la nécessité de satisfaire certains besoins et usages, l’EFF propose d’autres solutions techniques, comme la signature numérique des fichiers, qui permettrait de protéger l’intégrité de la version originelle et de suivre les modifications éventuelles.
En définitive, l’Electronic Frontier Foundation recommande au groupe de travail du JPEG de ne pas créer de système de protection des images par DRM mais plutôt de développer des standards ouverts reposant sur des PKI (Public Key Infrastructure). Car rien de bon ne sortira de ce qui a été commencé…
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