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Dehors elle est froide…

… mais dedans elle est bonne. Et même des investisseurs ne l’ont pas compris et ressortent de l’eau à peine entrés.

Scène de plage. Euh, vous vous rappelez la plage ? L’espèce de grande cabine à UV avec du sable au bord où vous avez passé une semaine début août sur les conseils de votre psy. “Après deux ans de travail sans week-end, vous êtes devenu monomaniaque. Vous voyez de la Net-économie partout. Descendez à Saint-Trop’, ça va vous faire du bien”, qu’elle disait.C’est clair que ça vous a fait du bien, de vous battre pour un mètre carré où poser votre serviette parce que le loueur de chaises longues n’acceptait pas d’être payé en Beenz. Ça y est, vous vous rappelez ? Bon, et bien là, si vous aviez été attentif, vous auriez remarqué une scène très courante au bord des plages.Mais si ! la scène du type qui a peur de rentrer dans l’eau. D’un pas mal assuré, il se dirige vers le bord de la grande piscine à vagues. Seulement, contrairement à l’Aquaboulevard, cette piscine-là n’est pas chauffée et le type redoute déjà d’y plonger son premier orteil.Tout le monde le regarde, alors ce serait franchement humiliant de faire demi-tour, donc il s’y jette. Enfin, quand je dis il s’y jette, il y met directement les deux pieds. Jusqu’aux mollets et la scène devient comique. Déjà, il n’était pas bronzé, mais là, il devient tout blanc, il se met à frissonner et son visage est encore plus crispé que celui de votre capital-risqueur lorsque vous lui avez présenté vos résultats du deuxième trimestre.Courageux, notre type avance lentement jusqu’aux genoux. Dix minutes ?” le temps de la réflexion ?” passent. Et quel que soit le type, ses pensées sont toujours les mêmes. ” Ce serait bête de pas y aller, ma femme et mes enfants y sont déjà, alors je peux le faire aussi. Oui mais si j’y vais, je suis sûr que je vais attraper froid. En fait, ce serait bête de pas y aller… “Je vous épargne le reste jusqu’au moment savoureux où notre brave gaillard s’immerge d’un trait… avant de ressortir de la flotte en courant, et en cinq secondes, parce qu’elle est vraiment trop froide.C’est là que vous êtes habituellement plié de rire. Le type a fait des efforts incroyables pour aller dans l’eau, mais il n’y est pas resté suffisamment longtemps pour l’apprécier. Et il suffit qu’il y ait un peu de vent pour que son jeu stupide lui rapporte en plus une belle bronchite carabinée.Conclusion : il a tout perdu, sauf votre admiration parce que des comiques comme ça, c’est très rare. Au fait, vous l’avez bien regardé ce type ? Vous êtes sûr ? Ça y est, vous commencez à vous en souvenir… Oui, oui c’était lui. Bernard Arnault. Il voulait pas y aller dans la Net-économie, mais tous ses copains avaient déjà plongé, alors il s’est décidé à y rentrer directement, à coups de centaines de millions de francs.Mais il avait oublié que la mer, on en profite seulement quand on reste dedans. Dès qu’il a eu un peu froid, il a préféré ressortir, quitte à couper les crédits à toutes les start-up qu’il avait incubées. Il a pas eu de chance, en plus, y’avait du vent. D’ouest : de Wall Street. Il a eu bien froid sur la plage : ses start-up sans moyens se sont toutes écroulées.Et aujourd’hui, vu l’ampleur de sa crève, le seul remède que peut lui prescrire son médecin c’est du ” paraphage “. De dépôts de bilan. Vous voyez que lorsque votre psy vous disait que vous étiez obnubilé par la Net-économie, elle n’avait pas tort. Vous devriez la consulter plus souvent. Mais prenez du liquide : elle non plus naccepte pas les Beenz.Prochaine chronique le vendredi 28 septembre 2001

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Alain Steinmann, grand reporter