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Découvrez qui se cache derrière vos applications grâce à cette websérie sur les « travailleurs du clic »

Quatre mini documentaires mettent à l’écran « les invisibles » qui travaillent pour les plates-formes qu’on utilise tous les jours. 

Qui sont ces « travailleurs du clic » ? En ligne depuis le 12 février, la websérie Les Invisibles met en image le quotidien de celles et ceux qui travaillent de l’autre côté de nos écrans. Avant chacun des quatre épisodes, un spot publicitaire acide pour la promotion d’une start-up nommée Bullshit introduit le propos. « Faire du bien en se faisant du bien, c’est bien », ironisent, tout sourire, les deux jeunes cadres dynamiques. Mais, derrière l’apparente légèreté, la critique est féroce.

Montrer « les invisibles »

Les deux auteurs de la chaîne YouTube DataGueule, Julien Goetz et Henri Poulain signent un documentaire aussi léché à l’image qu’acerbe dans le propos. L’objectif est de montrer « ceux dont on ignore trop souvent l’existence ». Ces mots sont ceux d’Antonio Casilli, professeur à l’université Télécoms de Paris. Auteur du livre En attendant les robots, publié en 2019, il a prêté son expertise pour les quatre films d’une vingtaine de minutes financés par France TV Slash.

Le premier, Roulez jeunesse, traite essentiellement des livreurs Uber Eats. Alors qu’ils attendent le chaland, les livreurs à vélo, en scooter ou en voiture nourrissent l’entreprise de données en temps réel. Et déjà, le propos de toute la série documentaire est posé : ces jeunes autoentrepreneurs précaires et éjectables à l’envi participent malgré eux à l’élaboration des machines qui les remplaceront. Le bénéfice ? Selon Antonio Casilli, ne pas les rémunérer à la hauteur du travail fourni et des heures mobilisées, et surtout ne pas respecter le droit du travail.

Prophètes de la disparition du travail

« Le plus grand tour de passe-passe de ces plates-formes c’est d’abord de faire croire aux consommateurs […] qu’il y a des algorithmes partout […] de l’autre de faire croire aux travailleurs que ce qu’ils réalisent n’est pas un vrai travail […]. Ils arrivent à prophétiser la disparition du travail humain alors qu’il est partout », expliquera ensuite Antonio Casilli face caméra dans le dernier épisode qui s’intéresse aux nouvelles résistances.

« Automatique, vraiment ? »

Dans les deux autres épisodes, la caméra filme les hommes et les femmes derrière les algorithmes. L’épisode intitulé Microtravailler plus pour microgagner moins décrypte la précarisation de ces travailleurs. Dans le troisième épisode, il est question de modération ou comment les réseaux sociaux filtrent grâce à des humains les contenus les plus inhumains. Pour rappel, Facebook n’emploie, par exemple, que dix ingénieurs dédiés à l’élaboration de leurs algorithmes de filtrage contre 15 000 prestataires humains pour trier les contenus. « Automatique, vraiment ? », interroge le webdocumentaire.

Au-delà du clic, le quatrième épisode généralise le propos : tous les utilisateurs travaillent à leur insu pour ces plates-formes. Mais, le court-métrage a le mérite de chercher les alternatives face à un système écrasant et globalisé.

Retour en 1984

La parole d’anciens sous-traitants se libère. D’abord à visage découvert, un ancien prestataire français qui travaillait chez Cork en Irlande pour le compte d’Apple témoigne : « Ça me fout les chocottes […] On est inconscients du degré d’interférence des grandes entreprises dans nos vies », Inquiet, le lanceur d’alerte a décidé avant de démissionner de prendre des captures d’écran à propos « de millions et de millions d’enregistrements » stockés pour améliorer Siri. 

Ce témoignage qui évoque « un volume phénoménal » de données scrutées restent flou quant aux applications et appareils concernés.  « Je me sens dépassé par la taille de ces entreprises-là et par les enjeux économiques et politiques qui vont avec », lâche le trentenaire le visage découvert, finalement. Dénouement d’une interview qui agit comme un appel à la résistance. Les images suivantes montrent l’organisation collective des livreurs pour avoir à minima des « conditions de travail normales », explique la section lyonnaise de la CGT. Au vu des représailles de la part des plates-formes de livraison de repas citées dans le documentaire, comme Deliveroo, sur leurs coursiers, apparaître dans à l’écran est déjà, en soi, un acte de résistance. 

L’ensemble de la série est disponible en exclusivité sur le site replay de France TV. Pour l’instant, le premier seulement est publié sur YouTube et, plus étonnant, sur PeerTube, l’équivalent libriste du mastodonte américain. Un canal qui sert le propos des films. Dont le métamessage est peut-être d’inviter les utilisateurs à se tourner vers des plates-formes plus respectueuses de leur vie privée.  

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Marion SIMON-RAINAUD