En deux décennies, Blackmagic Design est devenu un poids lourd du segment de la vidéo professionnelle. Après avoir développé des cartes d’acquisition vidéo et des solutions logicielles de production vidéo, l’entreprise a renforcé son offre avec le logiciel de correction colorimétrique et de montage DaVinci Resolve.
Puis, en 2013, Blackmagic Design a passé la seconde en lançant sa première caméra, la Cinema Camera. Un gros engin carré (ci-dessus) qui préfigurait déjà des Pocket Cinema Camera dont nous allons vous parler : corps caméra simple à appréhender, capteur de qualité à monture optique grand public et vraies options vidéo professionnelles.
Capteur Super 35 : le rendu cinéma à prix plancher
Le « plein format » 24×36 mm du monde de la photographie n’est pas la norme dans le monde de la vidéo. Des films comme Titanic, Le loup de Wall Street, Matrix et tant d’autres ont été tournés avec des caméras cinéma au format Super 35. Issu du monde de la pellicule, le Super 35 mm mesure 24,89 mm x 18,66 mm, soit une surface un peu plus grande que l’APS-C du monde de la photo.
Avec son ratio 2,40:1, il offre un aspect encore plus large que le 16/9e qui est très apprécié des réalisateurs. Le souci avec les caméras Super 35mm, c’est qu’elles coûtent cher. Voire très cher : une Sony PXW-FS7 coûte ainsi aux alentours de 10.000 euros le corps caméra seul – pas d’écran, pas de viseur, pas de système de prise en main, pas d’optique, etc. Rien que le corps caméra.
La Pocket Cinema Camera 6K est donc une caméra Super 35 mm très accessible : théoriquement aux alentours de 2.300 euros en prix officiel (on la trouve en fait plus cher en boutique, environ 2.700 euros), elle coûte x4 fois moins cher que la plupart des caméras concurrentes. Un caractère « économique » qui va au-delà de la caméra puisqu’il s’étend à son écosystème.
Chaînon manquant appareil photo/caméra cinéma
Outre le prix des corps caméra, le problème des systèmes professionnels c’est le prix de tout le reste : les cartes mémoires CFast sont chères, les optiques PL sont chères, les batteries sont chères, etc. Et c’est là que les Pocket Cinema Camera de Blackmagic Design frappent fort. Côté optique, notre version 6K de test reçoit toutes les optiques en monture EF, qu’elles soient de chez Canon ou de chez Sigma, Tamron, Tokina, etc. Le parc optique photo est non seulement riche et varié, mais les volumes de ventes sont tellement supérieurs au monde de la vidéo que les objectifs sont largement moins chers, même si un peu moins bons.
Ensuite, les Pocket Cinema Camera reprennent la célèbre batterie des EOS 5D Mark II/Mark III/Mark IV et autres 7D/Mark II, 6D/Mark II, etc. la célèbre LP-E6. Une batterie dont il existe une horde de modèles « compatibles » de bonne qualité et à vil prix.
Finalement, parmi les deux emplacements pour carte mémoire on retrouve, à côté de l’emplacement CFast, un slot SDXC classique. Des cartes qui ne coûtent pas grand-chose et qui se dénichent dans n’importe quel magasin.
En clair : si vous avez commencé à tourner avec votre boîtier APS-C ou plein format Canon, vous pouvez vous contenter – au moins dans un premier temps – d’utiliser les optiques, batteries et cartes mémoire que vous possédez déjà.
Un conseil cependant : à moins de tourner un Blair Witch 5 qui remue à la limite du supportable, investissez dans un vrai trépied vidéo (plans fixes ou panoramiques) ou un stabilisateur d’image (gimball) afin de sortir des séquences stables et propres.
Fiche technique solide, options vidéo à gogo
La Pocket Cinema Camera 6K ne ressemble ni à un appareil photo, ni vraiment à une caméra : son écran grand format et son drôle de look de vaisseau spatial en font un appareil à part. Sa monture Canon EF est bien le seul élément qui a trait aux boîtiers photos, le reste a entièrement été pensé en vue de produire des vidéos.
Des prises en passant par les menus, l’appareil est bien une caméra et non un appareil photo qui a des capacités vidéo. Cela limite ses usages et a comme inconvénient d’imposer une phase d’adaptation aux photographes qui passent à la vidéo – les Lumix GH5/s et Lumix S1H sont plus adaptés à cette population – mais cela a comme vertu de permettre de s’habituer aux automatismes et au jargon du monde de l’image animée.
La fiche technique de la Pocket Cinema Camera 6K est en ce sens : tous les modes de compression, d’encapsulage, de débit de trame, etc. sont disponibles. On peut ainsi shooter avec une foultitude d’options de codecs (RAW, ProRes 422, etc.) selon le type de production.
Attention à ne pas être trop gourmand cela dit : dans la qualité maximale (Blackmagic RAW Q0 à 483 Mo/s), une carte CFast de 256 Go formatée (soit 238 Go utiles) ne peut stocker que… 8 minutes de contenu ! Ne soyez donc pas trop ambitieux, ce d’autant plus que le travail des fichiers 6K n’est pas une sinécure…
Fichiers RAW: du travail, de la puissance et du temps
Pour tirer pleinement parti de la Pocket Cinema Camera 6K, il vaut mieux shooter en RAW vidéo (sur les cartes CFast ou un SSD externe branché en USB-C). Le souci de ce format de fichier est que, comme pour le RAW photo, il demande du travail… et de la puissance !
Et c’est là que cela commence à faire mal : outre le fait que les fichiers soient énormes – même une compression à 8:1 mange 121 Mo/s de vidéo ! – ils demandent des logiciels spéciaux comme DaVinci Resolve, heureusement gratuit dans sa version de base (limitée à de la 4K). Mais surtout, ils requièrent un ordinateur capable de supporter cela.
En qualité RAW maximale, un fichier 6K (6144 x 3456 pixels) de 16 secondes que l’on stabilise et dont la couleur a été paramétrée (color grading) met 26 minutes et 56 secondes à être traité par un Macbook Pro 15 2018 embarquant un Core i9, 32 Go de RAM et une Radeon Vega 20 !
Si votre configuration informatique est un peu modeste, vous pouvez toujours shooter dans un mode moins riche en informations en tirant parti des tables de correspondance des couleurs ou LUT (Look Up Table). Mais sachez que la quintessence de la qualité ne s’obtient qu’en shootant en RAW.
Après la récup, prêt pour l’équipement pro
Une fois passé le cas du mode « récup » à base d’optiques, de batteries et cartes mémoire issues du monde de la photo, la caméra permet d’aller plus loin en termes de qualité d’image : les modes RAW les plus gourmands en bande passante ne fonctionnent pas avec les « banales » cartes SD, même les plus rapides, mais avec les cartes mémoire très rapides au format CFast. La Pocket Cinema Camera 6K dispose ainsi d’un emplacement de carte supplémentaire à ce format. On peut aussi aller plus loin dans l’endurance de la caméra grâce à un grip ou en branchant directement la carte sur secteur.
Viennent ensuite les accessoires de visée : l’écran LCD un peu pâlichon et non orientable peut recevoir un viseur optique ou bien être complété par un écran externe branché en HDMI, qu’il intègre de la mémoire ou pas (Atomos Ninja et consorts).
Finalement, la monture EF n’est pas riche que d’optiques photo : le succès du 5D Mark II a conduit Canon à développer des caméras pros (C100/MkII, C300/MkII, C500/MkII) et, incidemment, des optiques vidéo professionnelles. Après avoir fait vos armes avec votre 50 mm f/1.4 et votre bon vieux EF 24-105 mm f/4 L IS USM d’antan, vous pourrez monter des optiques vraiment dédiées à la vidéo – transmission optique garantie sur toute la surface, pas de breathing, flare caractérisé, etc, qu’il s’agisse d’un Samyang 35 mm T1.5 Cine DS EF à 500 euros au fabuleux zoom Canon CINE-SERVO 50-1000 mm T5.0-8.9 EF qui coûte pas moins de 70.000 euros (oui, vous avez bien lu).
Du matériel de récup à l’équipement professionnel haut de gamme, tout ou presque passe avec cette Pocket Cinema Camera 6K, ce qui en fait une caméra de choix pour les sérieux réalisateurs en herbe.
Forces et faiblesses d’une « vraie » caméra
On n’achète pas une Pocket Cinema Camera 6K pour shooter des plans de la vie de tous les jours à bout de bras ou pour s’amuser. Pourquoi ? Parce que cela n’est tout simplement pas possible. Quand vous pouvez compter sur les stabilisation 5 axes des boîtier photo Sony ou Panasonic (on pense notamment au S1H) pour compenser les mouvements et heurts, la Pocket Cinema Camera ne pardonne pas le moindre tremblement – la stabilisation logicielle imposant un recadrage et, une fois encore, du temps de traitement logiciel.
Ensuite, l’ergonomie générale est vraiment dédiée à la vidéo. Des options aux réglages, des formats à la structure des menus en passant par le jargon (l’angle d’obturateur remplace le temps d’exposition, etc.) tout est défi pour le néophyte du tournage, même pour qui est un photographe chevronné. Maîtriser une caméra est un défi encore plus grand que celui de maîtriser un appareil photo – ce n’est pas pour rien que sur un plateau on retrouve un directeur de la photo (créer la lumière), un cadreur (fait le cadre), un premier assistant caméra/opérateur (fait la mise au point), un second assistant caméra (gère les caméras, les cartes mémoire/films, les câbles, etc.), etc. sans parler des monteurs, étalonneurs, preneurs de son, etc. La technique vidéo est autrement plus riche et lourde que la photographie.
Finalement, pour un particulier, la Pocket Cinema Camera 6K est un investissement bien trop exclusif. Quand un boîtier photo fait tout, une telle caméra ne fait que de la vidéo (même s’il y a un mode photo, très limité). Il ne s’agit donc pas d’un couteau suisse électronique ou d’un énième joujou électronique pour briller en société. Mais tout simplement de la caméra la moins chère pour réaliser des productions d’un niveau professionnel. Et c’est déjà formidable.
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