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Débat sur ” L’Imposture informatique “
23 février 2001 à 00:00
01 Informatique a critiqué, dans un éditorial intitulé ” L’imposture de l’imposture ” (n?’ 1612, page 13), le livre écrit par Bruno Lussato et François de Closets. Nous publions ci-dessous les arguments de Bruno Lussato, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de théories et systèmes d’organisation, en réaction à cet éditorial. Et nous répondons à chaque fois à ses arguments.
Bruno Lussato : Qu’il y ait un débat, c’est le but du livre L’Imposture informatique, qui soulève des interrogations graves et complexes, telles que le problème de la surinformation ou la vulnérabilité de systèmes sophistiqués et hypercentralisés. Je suis persuadé que de nombreux lecteurs de 01 Informatique partagent ces doutes, comme les informaticiens que je côtoie journellement. Et je remercie la revue de me permettre d’exercer mon droit de réponse en reprenant point par point les critiques émises. Bien que François de Closets et moi ayons signé séparément nos textes respectifs, un travail intense de préparation commune de répartition des sujets afin d’éviter la redondance a, bien entendu, précédé la rédaction du manuscrit. Les précédents de tels ouvrages ” binoculaires ” sont nombreux et illustres. A commencer par le texte fondateur de la théorie de l’information. Shannon, le spécialiste, et Weaver, le communicateur, ont signé séparément les deux ” demi-livres ” qui constituent la théorie de l’information. Le premier est orienté vers le grand public, et l’autre vers l’entreprise. En nous inspirant de cet ouvrage célèbre, nous ne pensions pas être taxés d’imposture. Nous avons d’ailleurs reçu tellement d’encouragements que je pense récidiver !
Réponse de la rédaction : Nous continuons à penser que la présentation du livre peut faire croire au lecteur qu’il a été écrit à quatre mains. Bien que ce soit en fait deux ouvrages séparés, réunis sous une même couverture, cela n’est indiqué clairement nulle part. Le lecteur doit en faire la vérification lui-même si, par hasard, il a été attiré par un renvoi en bas de page 9, qui signale sobrement : ” François de Closets est l’auteur de ce prologue, ainsi que des chapitres 1 à 4 “ , et par un autre renvoi en page 163. Par ailleurs, la réalité des angles complémentaires invoquée par Bruno Lussato est très discutable. Elle pourrait s’appliquer à n’importe quels types de textes accolés l’un à l’autre sur un sujet commun très général. Notamment, cet assem- blage conduit à lire deux fois une vision à chaque fois très personnelle de l’histoire informatique. Ce qui nous paraît beaucoup pour un seul lecteur.
Bruno Lussato : Je partage l’avis de l’auteur de l’éditorial : Eco, c’est plus ” amusant “. Comment voyager avec un saumon, d’Umberto Eco, dont des sketches parodient l’informatique, est, en effet, destiné à amuser le public. Même si on le fait réfléchir. Ce n’est pas l’ambition de notre essai, dont le but est uniquement d’ouvrir les yeux du lecteur. En revanche, que l’auteur de l’éditorial plaigne Eco d’être le dédicataire de notre livre relève d’une opinion personnelle n’ayant aucun rapport avec le sujet. La mienne est qu’elle n’apporte rien à un débat technique, sinon l’indication d’une certaine animosité.
Réponse de la rédaction : Le débat est loin d’être seulement technique. A la façon dont il est alimenté par les deux auteurs, il nous paraît aussi passionnel et subjectif. Comme est subjectif par essence tout point de vue sur un écrivain. Par contre, loin de nous la moindre animosité vis-à-vis de qui que ce soit !
Bruno Lussato : On reproche à de Closets la banalité de l’expression ” Qui peut le plus peut le moins “. Elle est en effet tout à fait triviale. Mais elle reflète une croyance très répandue, qui est à l’origine de la bulle inflationniste des ordinateurs à tout faire. Je suppose que vos lecteurs auront compris que nous nous élevons contre cette croyance qui tend à justifier la gadgétisation et la course à la puissance.
Réponse de la rédaction : La phrase exacte du livre est : ” Mais, me dira-t-on : “Qui peut le plus peut le moins”. “ Pour le lecteur, il est difficile d’imaginer que le ” on ” en question représente seulement les défenseurs du PC, et pas le public en général. Si telle était l’intention, il aurait mieux valu le dire clairement. Cela aurait évité les mauvaises interprétations. Quant à la thèse centrale de l’ouvrage, compte tenu de la façon dont il a été rédigé, le but de l’éditorial était bien de dire qu’elle est difficile à cerner à cause de la juxtaposition de deux points de vue personnels.
Bruno Lussato : C’est David Potter qui a été qualifié de pionnier de la nouvelle informatique, et non Bruno Lussato, comme l’auteur de l’article croit l’avoir lu. Je me suis contenté de défendre le premier micro-ordinateur et de définir le concept de ” micro-informatique “, dont j’ai forgé le nom. On peut en contester la pertinence, mais non l’importance ni la popularité.
Réponse de la rédaction : Dont acte. Il s’agit effectivement d’une erreur, et nous nous en excusons. La phrase exacte de François de Closets est : ” Bruno Lussato, le pionnier des micro-ordinateurs… “
Bruno Lussato : Je ne comprends pas où l’auteur de l’article a lu que j’ai reconstruit l’informatique du BHV, alors que j’ai écrit en long et en large le contraire. Je suis organisateur et titulaire d’une chaire de systémique, et non pas informaticien. C’est là un peu la différence qui existe entre un médecin et un pharmacien. Les deux sont utiles, mais il ne faut pas les confondre.
Réponse de la rédaction : Bruno Lussato écrit, page 166 : ” Je perds tous mes clients, à l’exception de L’Oréal, de Gloria et du BHV. “ Il écrit également, page 184 : ” D’autant que ma fonction au plus près des réalités, lorsque je travaillais pour le Bazar de l’Hôtel de Ville… “ Comme le sujet essentiel du livre, malgré ses digressions, semble être l’informatique, qu’il veuille bien nous excuser si nous avons cru que son travail auprès du BHV concernait l’informatique. Par ailleurs, c’est toute l’ambiguïté du rôle de consultant qu’exprime ici Bruno Lussato.
Bruno Lussato : Ce n’est pas IBM ni Microsoft en tant que sociétés que je critique, mais l’abus de position dominante. En quoi cela gêne-t-il l’auteur de l’éditorial ? IBM est d’ailleurs sur la sellette, et Microsoft a été condamné. En revanche, j’ai expliqué que le danger ne vient plus de ces puissantes entreprises, mais d’un lobby formé par ceux qui vivent du parasitisme informatique. Nommer les membres de ce lobby serait indélicat. Mais nombre d’informaticiens professionnels ont compris les allusions sans qu’on leur fasse un dessin.
Réponse de la rédaction : La phrase exacte de notre article est : ” Là où enfin ces deux livres se rejoignent, c’est sur deux découvertes étourdissantes : premièrement, tout ça c’est la faute d’IBM et de Microsoft… “ Nous attribuons donc conjointement aux deux auteurs la paternité d’une telle pensée, et non pas à Bruno Lussato seul. Par ailleurs, le lecteur aura remarqué de lui-même que les deux parties du livre fourmillent d’allusions négatives à la puissance et à la domination d’IBM et de Microsoft. Quant à Madame Arthur (nom donné par Bruno Lussato au fameux lobby), vu sa définition très générale, il serait difficile de ne pas lui en vouloir…
Bruno Lussato : L’informatique nomade serait parée, d’après moi (NDLR : selon l’éditorial de 01 ), de toutes les vertus. Mais le terme nomade prête à confusion si l’on ne distingue pas l’usage qui en est fait. Je suis en effet partisan des nomades ” thick “ (NDLR : ” épais “), dotés d’une grande autonomie locale, comme les PC, et branchés au réseau quand c’est nécessaire. En revanche les nomades ” thin “ (NDLR : ” minces ” ), vidés de leur puissance et de leur mémoire, et tributaires d’un serveur lointain me semblent présenter des dangers et des vulnérabilités. L’équilibre entre les deux formes complémentaires dépendra de la mode et des intérêts corporatistes des ma”tres du réseau, qui soutiennent le nomade entièrement dépendant, et des avatars de l’internet grande vitesse et des progrès des mémoires locales, qui jouent en fonction d’une décentralisation des traitements et du stockage. Il y a donc nomade et nomade.
Réponse de la rédaction : Nous avons effectivement cru comprendre, à la lecture du livre, que Bruno Lussato se passionnait pour l’informatique nomade en général. Page 168, à propos du netBook : ” C’est le précurseur, l’annonciateur d’une nouvelle informatique, qui permettra aux entreprises d’économiser des milliards en rendant à chaque salarié ce dont il n’aurait jamais dû être dépossédé : la maîtrise de sa propre information. “ . Page 180 : ” Le nouveau champion s’appelle David Potter. . . “ (NDLR : créateur de Psion). Ou, page 294 : ” Nous aurons donc à notre disposition de multiples appareils nomades, dont les performances s’amélioreront de façon spectaculaire. “ Ou encore, page 290 : ” Pour un travail intensif, les ordinateurs de type netBook possèdent le format et l’ergonomie idéale. “ Le dernier chapitre du livre est d’ailleurs une interview du même David Potter, salué par Bruno Lussato comme ” l’artisan de la nouvelle évolution informatique “ .
Bruno Lussato : On se rend compte avec tristesse que personne n’a jamais reconnu les grands mérites du grand penseur que je suis, ironise l’auteur de l’éditorial. Il est vrai que, jusqu’en 1978, les prévisions que Bruno France Lanord, Jean-Pierre Bouhot et moi-même avons émises sur le futur de la micro-informatique ont été raillées par l’establishment français. Ce qui m’a conduit à devenir le conseil d’entreprises informatiques américaines aujourd’hui dominantes. Mais, par la suite, les faits nous ont donné raison. Ce qui m’a valu, outre la distinction la plus éminente de l’État français, une chaire à la Wharton School et la confiance de dirigeants de grandes firmes multinationales, dont HP et. . . Microsoft. Que l’auteur de l’éditorial se rassure donc, je ne suis pas à plaindre.
Réponse de la rédaction : Bruno Lussato reconnaît lui-même que ses prises de position successives ont déclenché de nombreuses controverses depuis plus de vingt ans. Quant aux multinationales dont il s’honore d’être le conseil, il en parle aussi, page 170, en termes peu flatteurs : ” Tout ce que le siège d’une multinationale compte de technocrates et de bureaucrates boulimiques de pouvoir… “ .
Bruno Lussato : Pour terminer, l’auteur de l’éditorial estime que ” nos deux demi-livres ” ne brillent pas par leur bon goût. Je suis désolé de son opinion. Me sera-t-il permis, en retour, d’exprimer la mienne? Il me semble que, dans notre livre, il y a peut-être matière à un débat plus constructif que celui qui porte sur son goût bon ou mauvais et sur sa division en deux parties rédigées par deux auteurs différents.
Réponse de la rédaction :Effectivement, nos lecteurs l’auront compris, ce débat sur l’informatique n’est pas quune affaire de goût !
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