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De l’avenir de la croissance européenne

Les mauvaises nouvelles sont principalement imputées à des événements extérieurs, sur lesquels l’Europe est supposée ne pas avoir d’emprise.

Mes révisions successives à la baisse des prévisions de croissance affectent la confiance et mettent les éco-nomistes dans l’embarras. S’agit-il des conséquences retardées du minichoc pétrolier ? Du ralentissement américain ? De la décrue du commerce mondial ? De la faiblesse de l’euro ? De tout cela à la fois ? Bref, on scrute les cieux pour savoir d’où viennent les nuages. C’est ce que l’on pourrait appeler la conception météorologique de la politique économique, car vous aurez remarqué que les mauvaises nouvelles sont principalement imputées à des événements sur lesquels l’Europe est supposée ne pas avoir d’emprise.Les gouvernements européens se contenteront-ils d’enregistrer et de déplorer ce ralentissement, ou s’emploieront-ils à l’éviter ? Or, s’il est une raison pour laquelle l’euro ne s’est pas apprécié (ou le dollar déprécié) depuis l’annonce d’un ralentissement aux États-Unis, c’est que les marchés, comme les investisseurs, savent que les autorités américaines n’hésitent aucunement à utiliser de façon massive tous les instruments de la politique économique pour rétablir la croissance. En moins de cinq mois, la Réserve fédérale (Fed) a baissé ses taux d’intérêt de 2,5 points. Un demi-point par mois ! Quant au Congrès, il est sur le point de voter une baisse massive des impôts.Que se passerait-il en Europe si le ralentissement venait à se confirmer ? Certes la Banque centrale européenne (BCE) baisserait à nouveau ses taux, mais beaucoup plus timidement que ne le ferait la Fed, non pour des raisons dogmatiques, mais de statut. Son seul objectif est ” constitutionnellement ” la stabilité des prix, et il est quantifié : un taux d’inflation inférieur à 2 % l’an. La Fed, au contraire, doit à la fois rechercher la stabilité des prix et la croissance. Cette dualité rend évidemment impossible la quantification des objectifs. Ses marges de man?”uvre sont ainsi beaucoup plus grandes que celles de la BCE. Surtout, dans le présent contexte ou le taux d’inflation en Europe a nettement dépassé l’objectif fixé par la BCE, puisqu’il s’est établi à 2,9 % en avril.

La BCE peine à soutenir la croissance

Cette légère augmentation de l’inflation en Europe est la conséquence de chocs exogènes sur les prix (pétrole, alimentation et notamment viande, etc.) et ne doit donc pas inquiéter. Aujourd’hui, aux États-Unis, le taux d’inflation est supérieur à 3 % et, en deux décennies, il n’a été inférieur à 2 % qu’en 1998. Comment la Fed aurait-elle pu justifier la considérable baisse des taux à laquelle elle vient de procéder, si elle était engoncée dans un objectif quantifié d’inflation ? Même si la BCE, fort à propos, cherche à desserrer la contrainte, en soulignant que son objectif n’est que de moyen terme, elle a les coudées beaucoup moins franches pour lutter contre un éventuel ralentissement de la croissance. Cette limitation des marges de man?”uvre vaut aussi pour la “politique budgétaire européenne”. Le pacte de stabilité et de croissance, ainsi que les engagements budgétaires des nations, constituent autant de contraintes qui s’exercent sur les politiques nationales.On peut craindre, dès lors, qu’à force d’autolimitations, les politiques européennes ne puissent être suffisamment réactives en cas d’infléchissement ultérieur de la croissance. Cette crainte est vraisem- blablement l’une des explications de la ” faiblesse ” de l’euro. Les capitaux sont davantage attirés vers un pays, dont on sait que les autorités font ce qu’il faut pour maintenir la croissance. Je ne crois pas que la baisse actuelle de la croissance en Europe soit durable ?” il s’agit plutôt d’un moment transitoire de digestion des chocs passés. Mais si pareille chose devait advenir, la “constitution économique” de l’Europe ne permettrait pas vraiment d’y remédier.* Président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

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Jean-Paul Fitoussi*