Les fous du graphisme et les allumés du mégahertz seront déçus, la PainStation ne brille ni par le foisonnement des polygones, ni par la qualité des représentations 3D. A vrai dire, elle reprend l’interface austère et le mode de fonctionnement limité de
Pong, l’ancêtre des jeux vidéo.La vraie nouveauté, c’est l’ajout de la douleur dans le jeu. La PainStation se présente comme une station d’arcade où les deux joueurs se font face. Chaque protagoniste dispose d’une molette à main droite, pour déplacer sa raquette, et doit placer sa main gauche sur une surface métallique grillagée.Cette dernière est reliée à l’unité d’amplification de douleur (UAD). Lorsqu’un des joueurs laisse passer une balle, il reçoit une décharge électrique plus ou moins intense dans la main. Le jeu se pratique sur le mode du duel : le premier qui retire sa main perd.Si vous avez déjà pratiqué de furieuses parties de Quake Like en réseau avec vos collègues, vous imaginez déjà tous les avantages de la PainStation : non seulement je te bats, mais en plus, je te fais mal. Le défoulement pour de vrai, pas juste avec des flots de sang numériques qui jaillissent répétitivement, mais n’ont ni l’odeur ni la saveur du vrai. Ici, ça sent bon la chair grillée.Et comme l’expliquent ses créateurs, Volker Morawe et Tilman Reiff, la PainStation “n’est pas seulement une construction, une machine, un automate. Non. C’est plutôt le prophète d’une civilisation future, pas forcément pacifique, mais plus efficace “.Hum… Canular ? Bien entendu. Volker Morawe et Tilman Reiff sont étudiants à l’académie supérieure des arts et médias de Cologne. Une très officielle institution active depuis 1991 dans les différents domaines de la création numérique. La PainStation et le site qui lui est associé, sur lequel on trouvera une riche série de photos de mains de joueur salement amochées, constituent leur travail de fin d’étude.C’est une jolie mise en scène qui vient nous questionner sur l’avenir. On peut l’interpréter de bien des manières. Par exemple, à mesure que les interfaces homme-machine évoluent, il faut enrichir le signal.De la carte perforée à l’écran monochrome en mode texte, puis à l’interface graphique, puis à l’interface 3D, puis aux systèmes de réalité immersive, on constate que communiquer avec la machine demande de mettre de plus en plus de notre peau en jeu.De notre peau, entendez par là de cette enveloppe sensible qui nous limite et nous fait toucher le monde, que ce soit par la vue, par le nez ou par les doigts.Notre peau-système-perceptif s’interface toujours plus avec le numérique, et les sensations s’enrichissent, se précisent. L’efficacité de cette représentation demandera de plus en plus de feedback, ce qui est déjà expérimenté avec les gants à pression qui impriment des mouvements sur la main de l’utilisateur pour lui permettre d’apprécier la résistance d’un objet ou d’un matériau. L’étape suivante, ce sera peut être la douleur. Alors on y mettra vraiment notre peau, au sens propre, quitte à en laisser un peu.Mais la PainStation fait aussi métaphore. Je vous propose celle-ci : les humains, assimilés à un grand nombre de joueurs, sont devant la machine. Ils jouent. Les règles leur sont peut-être moins claires que celles de Pong.Mais comme dans la PainStation, ce que l’un fait à un endroit pour gagner, plus de pouvoir, plus d’argent, plus d’existence, se répercute chez l’autre sous forme de douleur. Regardez Enron, jeu de stratégie basé sur les échanges électroniques.Regardez la crise boursière, jeu d’argent appuyé sur les réseaux de cotation. Regardez la guerre en cours, et la place quy prennent les machines, jeux… jeux de quoi ? Tous producteurs de douleur.
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