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De la coupe aux lèvres

La vision promotionnelle du concept de gestion de la relation client est encore loin de sa réalité. Et quand le nouveau paradigme du bonheur consumériste hoquette, le client tousse.

” Cette offre vous est personnellement destinée, et elle est l’occasion pour notre directeur des ventes, M. X., pour toute notre équipe commerciale et pour l’ensemble de notre entreprise de vous montrer combien vous êtes une personne privilégiée, vous, Madame Dupin. “Voici à peu près le courrier que j’ai reçu d’un vépéciste bien connu. Je suis célibataire, je vis seul et je n’ai pas encore, à ma connaissance, changé de sexe. Bref, la méprise de ce redoutable service marketing, flagrante et inoffensive, ne peut manquer de faire sourire. Cependant, au-delà de l’anecdote, cette confusion est symbolique des errements de la gestion de la relation client (en anglais : Customer Relationship Management, CRM)Dans l’univers de l’informatique, peu de sujets auront fait coulé autant d’encre que le CRM. Séminaires, publicités, livres : la machine marketing des éditeurs et des consultants de tout poil a tourné à plein. Les entreprises n’ont pas tardé à être convaincues et se sont lancées résolument dans la refonte de leur gestion commerciale. Mais quand il s’agit de passer de PowerPoint à la réalité, les chosent se corsent.Tout le monde a déjà eu l’occasion de tester ?” qui avec son fournisseur d’accès Internet, qui avec son opérateur de câble, de satellite ou de téléphone mobile, qui avec un service après-vente ?”, les méandres de services clientèles kafkaïens. Untel aura passé cinquante coups de téléphone pour finalement n’obtenir qu’une réponse évasive, tel autre se sera vu proposer une nouvelle offre d’abonnement alors même qu’il appelait pour résilier l’actuel, tel autre encore se sera entendu dire que les services sont débordés et que son problème ne pourra être réglé avant deux mois…Le problème est que le discours sur l’importance du service client ?” qui a si bien convaincu les entreprises ?” les consommateurs s’y sont également habitués. Ils s’attendent désormais à un niveau de service élevé, sentiment qu’accentue un environnement où, globalement, tout va mieux et plus vite. Très vite, pour le client, le niveau des meilleurs dans ce domaine devient la norme, et les lenteurs, méprises, confusions, rigidités ou complexités qui auraient pu être acceptées, il y a quelques années encore, sont devenues intolérables.En vendant une relation client radieuse et sans frictions, éditeurs et consultants sont dans leur rôle. Mais ce qu’ils occultent, ce sont les moyens d’y arriver. Il vaut mieux cacher au client les échafaudages et les pots de peinture. Si le site Web n’est pas prêt, si les équipes de service après-vente ne sont pas suffisamment formées ou dimensionnées, si les équipes marketing tentent de personnaliser leurs envois sans encore avoir les données pour le faire, mieux vaut s’abstenir. En production, mieux vaut être moins ambitieux, mais plus performant. Le service client ne peut se contenter de l’à peu près. Parce qu’un client à peu près content ira toujours voir ailleurs s’il ny le serait pas un peu plus.* Rédacteur à 01 InformatiqueProchaine chronique jeudi 30 mai

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Jean-Baptiste Dupin