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Daniel Bouton (président de la Société générale) : ” Banque tout-Internet = vente à perte “

Le président de la Société générale croit à la révolution industrielle née du Net. Mais dans le secteur bancaire, les nouveaux entrants ne lui font pas peur.



Le Nouvel Hebdo :
On assiste actuellement à un ralentissement de l’économie américaine. Cette situation vous inquiète-t-elle ? Craignez-vous des répercussions en France ?
Daniel Bouton : Personnellement, je fais partie des optimistes. Pour le moment, je ne vois pas venir de récession sérieuse outre-Atlantique. En réalité, la croissance américaine était montée à des niveaux probablement excessifs et incompatibles avec l’inflation. En Europe, la croissance est tout à fait robuste, et je ne vois vraiment pas de schéma dans lequel une communauté reposant sur l’euro souffrirait brutalement ou excessivement d’une récession.Comment jugez-vous l’attitude négative des marchés concernant les valeurs de croissance ? Les marchés sont tout simplement en train de faire le tri entre les illusions et les réalités. Un certain nombre de valeurs de l’ancienne ou de la nouvelle économie étaient montées à des sommets tels qu’ils supposaient des taux de croissance à l’infini, totalement extravagants. La valorisation d’Amazon, par exemple, supposait qu’il n’y ait plus un seul vendeur de livres ou de disques en dehors d’Internet.Cela signifie donc que les marchés ne condamnent pas le principe de la nouvelle économie ? Attention, je n’ai jamais aimé le terme de nouvelle économie. L’économie est quelque chose où, in fine, les valorisations des actions dépendent du cash. En revanche, je crois à la révolution industrielle liée à Internet.L’effondrement en Bourse des valeurs télécoms conjugué à leur endettement ne représente-t-il pas un risque majeur pour les banques ? Je ne pense pas. Les ” telco ” sont, en général, des entreprises qui génèrent des cash flow. Ce point est le seul critère d’évaluation sérieux. Certains opérateurs marginaux ou certaines entreprises liées à la troisième génération de mobiles disparaîtront, peut-être, mais les grands opérateurs tels que France Télécom feront face à leur endettement dans les années à venir.La banque sur Internet est-elle un enjeu majeur pour la Société générale ? En réalité, c’est un enjeu majeur pour toutes les banques. Elles se doivent de proposer une offre Internet de la meilleure qualité possible. La Société générale propose déjà à ses clients six canaux d’accès à leur banque, et elle disposera en 2002 d’un système multicanal totalement intégré, dans lequel chacun des canaux communiquera, en temps réel, et à tout instant, avec la même base de données. Le client pourra initier une opération par Internet, la négocier dans une agence, et vérifier par téléphone, sur un serveur automatique, qu’elle a bien été enregistrée. Aujourd’hui, 54 % des ordres bancaires des clients de la Société générale ne passent plus par les guichets d’une agence.Croyez-vous au concept de banque tout-Internet, comme Zebank ? Pour l’instant, je dirais que c’est une équation assez simple qui peut se résumer à “Banque tout-Internet = vente à perte”. Le modèle repose sur le recrutement du plus grand nombre de clients en surrémunérant des produits d’appel sur lesquels ces banques perdent de l’argent. Par la suite, elles espèrent pouvoir vendre d’autres produits avec des marges confortables, comme, par exemple, de l’assurance ou des Sicav. Aujourd’hui, je constate qu’aucune banque reposant sur ce modèle ne gagne d’argent, même celles qui ont des milliers de clients. Pour être clair : les offres de Zebank ou encore d’ING Direct ne nous perturbent guère. Cela signifie-t-il qu’Internet n’est pas le cheval de Troie espéré par certains pour prendre pied sur les marchés où ils ne disposent pas d’un réseau d’agences ? La réponse est non. L’e-banking généraliste n’est pas un modèle qui permet de s’implanter sur des marchés et de gagner de l’argent. En revanche, il existe sûrement des modèles d’affaires B-to-C, beaucoup plus segmentés, qui offrent une valeur ajoutée à certains types de clientèle et, par conséquent, sont viables à moyen terme. Nous lancerons, cet été, deux produits ciblés de ce type. Mais il est encore trop tôt pour en parler.Que pensez-vous de la dégringolade en Bourse de Fimatex, qui propose pourtant le type de service à valeur ajoutée auquel vous venez de faire allusion ? Je ne commente pas les variations de cours. Mais je pense que la valorisation de Fimatex ne reflète pas le cash flow dégagé par la société. Où en est le projet de place de marché financière internationale que vous devez lancer avec d’autres grands établissements européens ? La place de marché financière 5BA ?” c’est son nom de code actuel ?” devrait être opérationnelle cet été. Il s’agit de permettre à tout client de l’une des cinq banques partenaires de disposer de l’accès aux services du pool. Aux projets en cours, s’ajoutent les initiatives proposées par les salariés du groupe à la cellule SG Eprojects, qui a engagé 180 millions d’euros d’investissements Internet, depuis juin dernier. Au total, 200 offres et projets sont en cours, dont 22 ont donné naissance à de nouvelles entreprises.

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Propos recueillis par Jean-Jérôme Bertolus, Nathalie Brafman, Jean-Michel Cedro