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D. Mathus (PS) : ‘ Le projet de loi sur le droit d’auteur est le plus répressif d’Europe ‘

Le député socialiste de Saône-et-Loire, membre de la commission des Affaires culturelles, a participé au début du débat sur le projet de loi Droits d’auteur.

01net.com : Le débat parlementaire sur le projet de loi Droits d’auteur a démarré mardi soir à l’Assemblée nationale. Quelle est la position des socialistes ?


Didier Mathus : Le groupe PS en tant que tel est résolument contre le projet de loi, qui est considéré comme liberticide, et a proposé une licence globale pour la musique. Mais c’est une philosophie tout à fait contraire
au projet.Le gouvernement a prévu de nouveaux amendements. Les plus emblématiques sont celui instaurant la ‘ réponse graduée ‘ contre la contrefaçon (d’abord des messages d’avertissement, ensuite des sanctions) et
celui sur la responsabilité des éditeurs de peer to peer. Qu’est-ce que cela vous inspire ?



Pour la réponse graduée, il s’agit d’un amendement déposé hier en catastrophe par le gouvernement. Nous pensons qu’il ne tient pas la route juridiquement et qu’il sert, c’est grave, à contourner
l’avis rendu par la Cnil en octobre, pour donner un coup de main aux sociétés de gestion de droits.


Quant à la responsabilité des éditeurs de peer to peer, ce n’est absolument pas opérationnel. Il suffit que ces éditeurs aillent s’installer ailleurs qu’en France pour que cela devienne une plaisanterie.Quels amendements le PS va-t-il présenter ?


Il y en a toute une série. Je peux vous citer deux choses.


La première est un amendement de principe qui revient sur une disposition de la loi d’août 2004. Elle transfère la fonction régalienne de l’Etat d’engager des poursuites à des sociétés privées. Nous contestons le principe même du
droit d’établir des fichiers de présumés coupables.


Les autres amendements tournent autour d’un forfait optionnel, un supplément à l’abonnement au haut-débit qui permet de sécuriser juridiquement l’usage du peer to peer [c’est-à-dire la licence globale, NDLR].


Mais nous proposons de découpler musique et cinéma. Le cinéma a des mécanismes de financement extrêmement complexes. Ce système pourra être applicable au moins pour trois ans. Après, le législateur verra ce qu’il faut en faire,
notamment en fonction de l’évolution des techniques.


Mais sur ce thème, au sein de l’UMP, il y a des gens qui se posent des questions [le député UMP Alain Suguenot plaide pour la licence globale, NDLR].Et si la loi passe telle quelle, sans prendre en compte vos amendements ?


Ce serait dramatique, car la France serait dans une situation décalée par rapport aux autres pays européens. Ce serait la transposition la plus répressive et la plus soumise au lobby de quelques sociétés de gestion de droits et des
multinationales du disque. Elles ont été les interlocuteurs uniques du gouvernement depuis six mois.


En plus, la Commission de Bruxelles a commencé les travaux préparatoires d’une nouvelle directive.


Il aurait fallu un an de débat réel. C’est un débat qui touche les gens, où il y a des changements de pratiques, de modes de vie. Comment on fait pour les intégrer dans la loi ? C’est cette question que pose le débat. Le
gouvernement y répond par la répression.Mais il n’y a pas que le gouvernement. Le texte transpose aussi une directive européenne…


Je pense qu’elle était déjà mal faite au départ. Elle allait déjà dans une direction complaisante envers les industriels. Elle traduit une vision très liée à leurs intérêts commerciaux.


Prenons un des aspects du débat : la copie privée. Le ministre de la Culture dit qu’elle continuera à être respectée. Mais ce n’est pas du tout sûr que les industriels voudront ! Il existe une vraie menace. Avec l’introduction
des DRM [légitimés par la loi, NDLR], ce sont les industriels du disque qui décideront. Si on respecte la loi de 1985, on a droit à cinq ou six copies. Or, certains industriels ont parlé de n’autoriser qu’une copie maximum, ou
encore de n’autoriser qu’une copie et qui se dégrade dans le temps…


Le ministre va durer six mois. Mais les industriels, eux, seront encore là. Donc, s’ils veulent supprimer la copie privée, ils le feront. Ils ont les clés du Net.

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Propos recueillis par Arnaud Devillard