Un serveur proxy, un coupe-feu, un login, et chaque employé peut être suivi à la trace. En soi, ces technologies permettent d’aller plus vite sur le Web (proxy). Elles protègent l’entreprise des virus et espionnages extérieurs (coupe-feu). Elles donnent aux employés un accès personnel, donc plus sûr (login).Mais la combinaison de ces trois composantes présente aussi un revers de médaille souvent méconnu des salariés : l’enregistrement permanent par le serveur de chacune de leurs connexions.Il suffit d’ajouter au système informatique un logiciel de surveillance comme Webspy pour obtenir des rapports d’activité mail ou Web pour chaque utilisateur. Dans sa version ” pro “, ce logiciel réalise également des statistiques sur la récurrence d’utilisation de mots-clés contenus dans les e-mails envoyés par les salariés. “Big Brother is watching you ?”
Ce qu’en dit le droit
En France, la surveillance des employés est légale. Hubert Bouchet, vice-président délégué de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), rappelle que l’industrie française s’est construite sur la base du contrôle de l’assiduité et de la loyauté des travailleurs : du contremaître au badge d’accès, de l’écoute téléphonique à la surveillance des mails.Dans l’état actuel de la jurisprudence, on peut d’ailleurs être licencié pour faute grave parce qu’on a envoyé un mail personnel. Mais pas dans n’importe quelle condition.Le jugement du conseil des prud’hommes de Montbéliard du 19 septembre 2000 a en effet donné raison à l’employeur d’une salarié mise à la porte pour avoir envoyé un mail à une ancienne collaboratrice. Elle lui avait communiqué “des informations sur la réorganisation en cours dans l’entreprise”.Pour connaître la nature du message, l’employeur a forcément dû ouvrir le mail. Ce jugement autorise donc indirectement la lecture des mails envoyés par leurs salariés, si l’attitude de ces derniers laisse à penser qu’ils pourraient diffuser des informations confidentielles.L’employeur n’a, en revanche, pas le droit de lire des mails reçus dont l’objet porte la mention ” Personnel “.La loi exige par ailleurs que toute entreprise exerçant une surveillance sur ses salariés les en informe. Pour cette raison, des chartes sont élaborées par les directions qui invitent les salariés à accepter des codes d’utilisation d’Internet ou de leurs mails.
Codes de conduite : attention !
Pour Hubert Bouchet, ” rien ne peut se faire sans que les gens soient informés, mais ce n’est pas une raison pour qu’on se permette de tout faire “.Cette jolie formule fait référence à certaines chartes peu respectueuses des libertés individuelles.
“Une cinquantaine d’entreprises nous ont envoyé leur charte pour avoir notre avis. Une dizaine d’entre elles étaient irrecevables. Les salariés doivent se battre pour conserver leurs libertés”, explique Hubert Bouchet.Pour exemple, à son arrivée chez Lexmark, un employé a été confronté à un code de conduite qui autorisait l’employeur américain à surveiller ses faits et gestes électroniques, mais qui le poussait également à la délation.Concrètement, en signant le code, le salarié autorisait son voisin à le dénoncer à la direction s’il passait un coup de fil personnel pendant ses heures de bureau !Or, ce type de pratique est illégal en France. La clause a finalement été ôtée de la charte (conforme aux lois américaines) grâce aux efforts de ce salarié (syndiqué) et à l’appui de la Cnil.La mise en place de chartes doit donc se faire en concertation. Directions et employés devraient s’unir pour élaborer un texte respectueux de la sécurité de l’employeur, garant du travail de l’employé, mais aussi de sa liberté.
La loi du silence
A l’heure actuelle et malgré la loi, il est pourtant difficile de savoir quelles sociétés surveillent leurs salariés et comment.Webspy refuse catégoriquement de donner le nom de ses clients. Emmanuel Declerq, responsable produits chez Webspy, s’autorise à citer des sociétés anglaises comme Porshe ou Rolls Royce. Pour la France, il indique qu’il a plus de cent contrats en négociation, et que ce sont dans la majeure partie des grands comptes.Contactés, France Télécom et Alcatel disent n’avoir ni charte, ni système de surveillance, alors que Renault vient de présenter à ses partenaires sociaux un projet de “charte sur le bon usage de l’informatique et du numérique pour un usage professionnel”. On ne sait pas encore si l’usage personnel de la messagerie y sera abordé.Dans les conditions actuelles, toutes les dérives sont donc possibles. C’est pourquoi la Cnil défend certains principes simples tels que le droit à “l’opacité de la vie privée” ou l’acceptation par l’entreprise de l’envoi de mails privés.
En effet, “s’il fallait condamner quelqu’un pour usage privé de l’e-mail, nous serions tous licenciés !”, samuse Joël Boyer, secrétaire général de la Cnil.
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