Le scénario de l’élection présidentielle américaine, avec son lot de scandales suscités par les agents du Kremlin, est-il en train de se répliquer en France? L’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, en tous les cas, le croît et le clame sur les plateaux télé.
#Les4V: @RichardFerrand met en garde contre les "fausses nouvelles de médias russes qui viennent peser sur la vie démocratique" @telematin pic.twitter.com/AW0PIULwiU
— Jeff Wittenberg (@jeffwitten) February 13, 2017
Il y a d’abord cette augmentation des tentatives de cyberattaques, désormais plusieurs centaines par jour. “Toutes nos infrastructures sont prises pour cible: site Internet, bases de données, outils de communication, etc. Il y a des tentatives d’attaques par injection de code SQL et par déni de service distribué. Il y a aussi beaucoup de tentatives d’analyse, pour voir s’il y a des ports de communication ouverts ou des failles dans nos systèmes”, nous explique Mounir Mahjoubi, responsable de la campagne numérique d’Emmanuel Macron. Rien de foncièrement méchant, donc, mais un phénomène qui s’accentue considérablement. “La moitié de ces attaques proviennent d’Ukraine”, précise l’ex-président du Conseil national du numérique, tout en sachant que cela ne constitue aucune preuve sur l’origine des pirates.
Il y a aussi cette rumeur invérifiable diffusée par le journal russe Izvetia, relayée en français par Sputnik, agence de presse officielle de la Russie: Julian Assange aurait des “informations intéressantes” sur le candidat Macron, provenant “de la correspondance privée de l’ex-secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton”. A ce jour, le lanceur d’alerte n’a publié rien de compromettant sur Wikileaks, mais c’était suffisant pour “monter le sujet en épingle et créer le doute”, estime Mounir Mahjoubi.
L’assaut d’une armée de trolls
Enfin, il y a cette armée de trolls qui relayent des rumeurs et des fausses informations sur les réseaux sociaux. Quand le contenu est relativement tangible, comme par exemple l’homosexualité présumée d’Emmanuel Macron, l’équipe de campagne peut encore réagir. “Quand on parle de faits, on peut présenter des contrefaits. Et le mieux, c’est alors d’en parler ouvertement, ce qu’Emmanuel Macron a fait. Mais c’est plus difficile quand les idées sont vagues et diffuses. Par exemple quand elles essayent de le faire passer pour un grand mondialiste ou lorsqu’elles font allusion à ses liens supposés avec le monde bancaire”, ajoute Mounir Mahjoubi, qui a également identifié toute une série de pseudo-comptes Twitter qui fonctionnent comme des robots. “Ils ne créent pas de contenu mais se contentent de retwetter les messages d’une galaxie d’autres comptes, dans le but d’amplifier le message”, explique-t-il.
Pour l’équipe de d’Emmanuel Macron, ces méthodes font clairement penser à l’Internet Research Agency, cette usine à trolls basée à Saint-Pétersbourg, révélée en 2015 par New York Times Magazine. D’après un rapport des services secrets américains, cette organisation, qui compterait plusieurs centaines d’employés, serait intervenue durant la campagne présidentielle au bénéfice du candidat Trump. “Sur Twitter, les faux comptes peuvent être créés à la chaîne. L’entreprise peut le détecter, mais seulement à l’usage au bout d’un certain temps. Elle peut alors les bloquer, mais ce n’est pas systématique“, nous explique Arnaud Cassagne, directeur du développement chez Newlode, un expert en sécurité informatique.
Quel rôle doit jouer l’Etat?
Pour se protéger des attaques, l’équipe d’En Marche explique faire le nécessaire. “Nous avons mis en place une architecture décentralisée et recruté des experts de très haut niveau. Nous formons également les personnes de l’équipe à la sécurité informatique et nous nous assurons qu’ils respectent certaines procédures comme l’authentification à deux facteurs ou le changement régulier de mot de passe”, poursuit Mounir Mahjoubi. Est-ce que c’est suffisant? Pas sûr. Ainsi, le site d’alerte Zataz aurait récemment détecté des failles concernant l’un des sites web d’Emmanuel Macron. L’équipe a été notifiée, sans pour autant donner de réponse.
Guillaume Poupard, directeur de l’ANSSI, a également ouvertement exprimé son inquiétude face au risque de piratage durant la campagne présidentielle. “La protection des partis politiques, c’est tout nouveau pour nous. Nous les avons invités à un séminaire en octobre dernier pour leur expliquer comment se protéger et vers quels types de prestataires se tourner. Mais nous pouvons difficilement aller au-delà. Il serait étrange que l’Etat gère la sécurité informatique des partis politiques”, a-t-il expliqué en janvier dernier, à l’occasion du Forum international de la cybersécurité (FIC).
L’équipe d’Emmanuel Macron souhaite néanmoins que le Président Hollande se saisisse de la question et fasse en sorte que le débat démocratique soit respecté. “Les forces publiques doivent se mobiliser et vérifier ce qui se passe”, souligne Mounir Mahjoubi. Malheureusement, c’est plus facile à dire qu’à faire. Même les Etats-Unis, qui disposent pourtant de la puissante agence de renseignement NSA, n’ont pas été capable de réagir à temps.
Les Russes nient en bloc
[Mise à jour] Selon l’AFP, les médias RT et Spoutnik, qui appartiennent à l’Etat russe, ont « rejeté catégoriquement » mardi 14 février les accusations du secrétaire général d’En Marche! Emmanuel Ferrand qui avait laissé entendre qu’ils pourraient oeuvrer contre la candidature d’Emmanuel Macron. « RT rejette catégoriquement toutes les allégations selon lesquelles notre chaîne participerait à la divulgation de fausses informations en général et concernant la personne d’Emmanuel Macron ou l’élection présidentielle à venir à France », assure RT (ex-Russia Today) dans un communiqué, tout en disant « consterné que de telles attaques sans fondement soient lancées ».
Dans un autre communiqué, le portail d’informations Sputnik dénonce des accusations « sans aucune preuve ». Quant au Kremlin, il dénonce des accusations « absurdes » d’ingérence. « Nous n’avons pas et nous n’avons jamais eu l’intention de gêner les affaires intérieures d’un pays, encore moins son processus électoral », a déclaré aux journalistes son porte-parole, Dmitri Peskov. Selon lui, « Moscou n’a jamais fait cela officiellement et ne le fera pas à l’avenir ».
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