En mai dernier, l’UST, le stablecoin algorithmique développé par Terra, s’est brusquement effondré. Le token a perdu sa parité avec le dollar en l’espace de 24 heures. Concrètement, un jeton UST ne valait plus un dollar américain. C’était pourtant la promesse de la devise numérique, qui se présentait en alternative à l’USDT de Tether, l’USDC de Circle ou le BUSD de Binance. Mais contrairement à ces cryptomonnaies, l’UST s’appuyait sur des algorithmes pour stabiliser son cours.
Avant le krach, de nombreux investisseurs avaient converti leurs avoirs en UST pour profiter de rendements élevés. En conséquence, la chute du stablecoin a fait perdre des milliards de dollars aux utilisateurs, provoquant un vent de panique dans toute l’industrie. En l’espace de quelques jours, plus de 500 milliards de dollars injectés dans l’écosystème se sont évaporés. Le Luna, l’autre cryptomonnaie de Terra, a perdu presque toute sa valeur. Tout l’écosystème mis au point par Terraform Labs, l’entreprise sud-coréenne derrière le projet, depuis 2018, s’est écroulé.
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Do Kwon, le controversé fondateur de Luna
Tandis que la blockchain Terra était mise sur pause, et que les développeurs présentaient un plan de relance controversé, les autorités sud-coréennes se sont intéressées à l’affaire. Peu après le désastre, la brigade d’investigation des crimes financiers de Corée du Sud a interdit aux développeurs du Luna de quitter le territoire.
C’est surtout Do Kwon, le fondateur de Terraform Labs, qui s’est rapidement retrouvé dans le viseur des utilisateurs et des forces de l’ordre. Après avoir relancé le projet Luna, avec la nouvelle blockchain Terra 2.0, Do Kwon a été ciblé par une pléthore d’actions en justice. De nombreux investisseurs se sont en effet ligués pour demander des comptes au développeur. LKB and Partners, un prestigieux cabinet d’avocats de Corée du Sud, a déposé un ordre de saisie à l’encontre des biens de Do Kwon. Une action en justice a par ailleurs vu le jour aux États-Unis. La plainte estime que Do Kwon a multiplié les fausses déclarations pour mettre en avant le Luna et l’UST. Dans la foulée, l’équipe juridique de Terra a quitté le navire.
Sous le feu des projecteurs, Do Kwon est resté silencieux pendant plusieurs semaines. L’homme n’a pas communiqué avec les investisseurs durant la majeure partie de l’été. Il a finalement accordé une longue interview en août au média spécialisé Coinage. Dans cet entretien, le développeur de 31 ans admet ses torts :
« le stablecoin algorithmique était en train de devenir la norme de l’industrie. J’ai misé gros et je pense que j’ai perdu ».
Avant ce mea-culpa, Do Kwon était plutôt connu pour ses prises de position tranchées et ses déclarations provocatrices. Un an avant le krach, il avait par exemple « refusé de débattre avec les pauvres » sur son compte Twitter.
Où se cache Do Kwon ?
À la suite des multiples plaintes, la police sud-coréenne a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Do Kwon le 14 septembre 2022. L’unité des crimes financiers du district sud de Séoul soupçonne l’entrepreneur d’avoir violé la loi sur les capitaux avec l’UST et le Luna. Des mandats d’arrêt ont également été émis à l’encontre de cinq autres personnes impliquées dans l’écosystème Terra.
Depuis l’émission du mandat d’arrêt, les autorités sud-coréennes ne sont pas parvenues à localiser Do Kwon. Apparemment, l’homme ne se trouve pas à Singapour, là où il a donné sa dernière interview et où Terraform Labs est basé. C’est ce qu’affirme la police de Singapour, qui s’est engagée à assister les forces de l’ordre de Corée du Sud.
Pour mettre la main sur l’excentrique développeur, la police sud-coréenne s’est tournée vers Interpol. D’après les informations du Financial Times, une notice rouge a été émise par l’organisation policière internationale. Il s’agit « d’une demande adressée aux services chargés de l’application de la loi du monde entier » afin de « localiser une personne et de procéder à son arrestation ». Dans la foulée, la police a entamé une procédure visant à révoquer le passeport de l’entrepreneur.
Dear CT – I will tell you what i am doing and where i am if:
1) we are friends
2) we have plans to meet
3) we are involved in a gps based web3 gameOtherwise you have no business knowing my gps coordinates
— Do Kwon 🌕 (@stablekwon) September 17, 2022
À la surprise générale, Do Kwon a réagi au mandat d’arrêt sur son compte Twitter. Le développeur affirme ne pas être en cavale :
« Je ne suis pas “en fuite” ou quelque chose dans le genre – pour toute agence gouvernementale qui a manifesté l’envie de communiquer, nous coopérons complètement et nous n’avons rien à cacher. Nous sommes en train de nous défendre dans plusieurs juridictions – nous nous sommes tenus à un niveau d’intégrité extrêmement élevé et nous sommes impatients de clarifier la vérité au cours des prochains mois ».
Toujours aussi provocateur, il estime que seuls ses amis ont le droit de savoir où il se trouve. Do Kwon dénonce « une invasion de sa vie privée ».
Les conséquences de la mort de l’UST
Pour mémoire, la chute de l’UST a eu un important impact sur l’ensemble du marché des cryptomonnaies. Depuis mai, le cours des devises numériques s’est fortement contracté. Tandis que le Bitcoin vivote autour des 20 000 dollars, la valorisation de l’écosystème est repassée sous les 1000 milliards de dollars, soit trois fois moins qu’en novembre 2021. Une nouvelle phase baissière, similaire à celle initiée en 2018, a vraisemblablement débuté dans le sillage du désastre de Terra.
En parallèle, de nombreux acteurs de l’écosystème ont perdu des sommes colossales en misant sur l’UST. Plusieurs grands noms ont déclaré faillite dans les semaines suivant le krach. C’est notamment le cas de la plate-forme Celsius ou du fonds d’investissement Three Arrows Capital, qui a été liquidé en juin. In fine, l’échec du stablecoin de Terra a entrainé une réaction en chaîne qui s’est soldée par la mort des acteurs les plus fragiles de l’écosystème.
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Source : Financial Times