L’an dernier, l’industrie du minage de cryptomonnaies a subi d’importants changements. Quand l’Ether, la seconde devise numérique la plus importante du marché, est passé de la la Proof of Work (PoW), ou Preuve de Travail, à la Proof of Stake (PoS), ou preuve d’enjeu, de nombreux mineurs se sont retrouvés privés de leur source de revenus.
Suite à ce changement de protocole, prévu de longue date, il n’est en effet plus possible de miner de l’Ether. Si une partie des mineurs se sont simplement reconvertis, d’autres ont préféré revendre, à prix cassé et dans la précipitation, leurs cartes graphiques, les machines indispensables au minage. En amont de la mise à jour de la blockchain Ethereum, les mineurs avaient investi des sommes colossales dans des GPU, accentuant la pénurie au détriment des joueurs. En l’espace de 18 mois, les crypto-mineurs ont en effet acheté pour 15 milliards de dollars de cartes graphiques…
En parallèle, le marché crypto s’est effondré à la suite de plusieurs faillites dantesques, dont celle de FTX et de Celsius. Ces événements en chaîne ont considérablement réduit les bénéfices de l’industrie et certains géants, comme Core Scientific, ont mis la clé sous la porte.
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La reconversion des crypto-mineurs
Les entreprises spécialisées dans le minage ont été contraintes de trouver une manière de rentabiliser leurs machines, dont la demande a subitement baissé, afin de survivre au krach. Certaines sociétés se sont fort logiquement tournées vers l’intelligence artificielle, rapporte Bloomberg.
L’IA générative, comme ChatGPT, Bard ou encore Claude, a en effet un point commun avec la cryptomonnaie. Pour fonctionner, elle nécessite une grande puissance de calcul. D’ailleurs, le géant Microsoft, qui a noué un partenariat stratégique avec OpenAI, a investi dans des dizaines de milliers de GPU A100, conçus par Nvidia, pour mettre sur pied le superordinateur qui anime ChatGPT.
Des entreprises comme Hive Blockchain et Hut 8 Mining ont donc reconverti une partie de leurs infrastructures pour profiter du boom de l’IA, poursuit le média. Interrogé par Bloomberg, Jaime Leverton, directeur général de Hut 8, explique :
« Si vous pouvez réutiliser une partie de l’investissement réalisé dans l’infrastructure minière et le convertir en nouvelles cartes et charges de travail […], cela a du sens ».
Chez Hut 8, la reconversion a débuté dès l’année dernière. L’entreprise explique avoir généré 16,9 millions de dollars en 2022, soit 11 % de son chiffre d’affaires, grâce à des cartes graphiques pour du calcul de haute performance. Une partie de ces GPU taillés pour du calcul intensif ont été exploités par des clients du secteur de l’IA. Même son de cloche du côté de Hive Blockchain. La société ambitionne même de gonfler sa division consacrée aux cartes graphiques pour du calcul de haute performance. D’ici à 2024, elle espère multiplier par 20 les bénéfices dégagés par ses GPU en surfant sur la vague de l’IA générative.
Une reconversion limitée
D’après les experts de Bitpro Consulting, toutes les machines de minage ne peuvent pas être reconverties pour animer les IA génératives. En fait, entre 5 % et 15 % des GPU taillés pour le minage d’actifs numériques peuvent effectivement servir à l’intelligence artificielle.
Comme l’explique le média spécialisé Decrypt, l’IA et la crypto « ont des appétits divergents » en matière de GPU. Les cartes graphiques pour le minage ne mettent pas l’accent sur la mémoire vive vRAM, contrairement aux GPU conçus pour l’IA. Celle-ci permet de gérer et de stocker simultanément de grandes quantités de données. De facto, les cartes issues d’une ferme de minage seront plutôt réservées aux modèles linguistiques plus modestes. Pour Scott Norris, PDG et fondateur d’Optiminer, « des modèles personnalisés ou des modèles légèrement ajustés » peuvent tourner sur des GPU initialement prévus pour miner des cryptodevises.
De plus, la reconversion vers l’IA demande des investissements colossaux aux entreprises de minage. Alors que le marché crypto commence à peine à se remettre d’aplomb, la plupart des sociétés ne sont pas en mesure de supporter de tels investissements, tempère Bitpro Consulting. Le consultant estime que la reconversion demande notamment « du matériel et du personnel supplémentaires ».
Ethan Vera, directeur des opérations chez Luxor Technologies Corp., une firme américaine de minage de Bitcoin, abonde dans le même sens. Selon lui, « seuls les mineurs les plus compétents et les plus tenaces » pourront tirer parti des « avantages concurrentiels » de l’industrie du minage pour tenir tête à des mastodontes comme Microsoft et Amazon. Ces deux géants disposent d’atouts considérables, comme une infrastructure déjà taillée sur mesure pour l’IA, et du personnel qualifié.
Pour rivaliser, les mineurs peuvent s’appuyer sur leur grande expertise de la gestion de l’énergie. Une infrastructure destinée au minage de cryptomonnaies génère en effet son lot d’inconvénients, comme une importante quantité de chaleur. Pour éviter la surchauffe des GPU, alignés sur des supports dédiés, les mineurs ont été obligés de se montrer imaginatifs. Afin de refroidir leurs installations, des fermes ont mis en place des systèmes de climatisation ou se sont nichées dans des pays froids. D’autres fermes, comme le Texan Riot Blockchain, plongent même leurs machines dans du liquide de refroidissement.
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Source : Bloomberg