Quelques semaines après l’effondrement de FTX, Sam Bankman-Fried (SBF), le prince déchu de la cryptomonnaie, a accordé une longue interview à Andrew Ross Sorkin, journaliste au New York Times. Il a participé à l’entretien en distanciel depuis sa résidence aux Bahamas, en dépit des conseils de ses avocats. Ceux-ci lui ont plutôt conseillé de se faire discret, explique SBF.
L’ancien milliardaire, dont la fortune se résume désormais à 100 000 dollars, est revenu sur les circonstances derrière le désastre du groupe FTX. Pour mémoire, celui-ci était encore valorisé à plus de 30 milliards de dollars il y a quelques mois.
À lire aussi : comment le fiasco FTX change les habitudes des détenteurs de Bitcoin
Sam Bankman-Fried accuse le krach des cryptos
Lors de l’entretien, Sam Bankman-Fried s’est fermement défendu contre les accusations de fraude. Le trentenaire prétend ne pas avoir sciemment « détourné » les cryptomonnaies de la clientèle de FTX pour financer les activités de trading de sa société Alameda Research, investir dans des biens immobiliers ou régler des dépenses personnelles. SBF laisse ainsi entendre que le mélange des fonds résulte plutôt d’une erreur dans les comptes. Peu avant la faillite du 11 novembre, il évoquait d’ailleurs déjà « une erreur de comptabilité ».
« Je n’ai jamais essayé de frauder sur quoi que ce soit », avance Sam Bankman-Fried.
Tout en reconnaissant « beaucoup d’erreurs », l’entrepreneur pointe surtout du doigt le krach des cryptomonnaies. D’après lui, l’effondrement de l’industrie crypto, dont la valorisation est passée sous la barre des 850 milliards de dollars, est responsable de la débâcle de son entreprise. Quand le marché s’est contracté, la valeur des actifs gérés par ses sociétés a plongé. Visiblement, SBF n’avait pas pris assez de précautions pour éviter une réaction en chaîne.
« Au cours de la dernière année, il y a eu un certain nombre de krachs du marché qui ont fait baisser la valeur de ces actifs. […] Je pense que plus de 10 milliards de dollars ont été effacés en quelques jours », précise SBF.
À plusieurs reprises, Sam Bankman-Fried admet néanmoins s’être montré imprudent, notamment en matière de gestion des risques et des dépenses. Il corrobore ainsi les découvertes de John Ray III, l’avocat chargé de la faillite de FTX. Selon lui, la gestion financière de l’entreprise était désastreuse. Comme le rapportent nos confrères du Financial Times, le groupe FTX offrait de nombreux biens et services à ses employés, comme des voitures, un plein d’essence illimité, des voyages partout dans le monde, des massages ou des restaurants de luxe.
Le média révèle que FTX autorisait ses salariés à dépenser jusqu’à 200 dollars par jour pour leurs repas. Ces dépenses gargantuesques ont contribué à aggraver la crise de liquidités de l’entreprise. De l’aveu de SBF, il y avait un écart immense entre l’état réel des finances de FTX et les données qu’il avait à sa disposition :
« Et c’est donc l’une des raisons pour lesquelles j’ai été surpris quand nous avons commencé à creuser ».
SBF pointe du doigt Alameda Research
Sam Bankman-Fried reconnaît avoir manqué à ses obligations de dirigeant. Il admet avoir négligé la surveillance de certains pans de son empire, dont les opérations de trading d’Alameda Research. Le fondateur de FTX laisse par ailleurs entendre que Caroline Ellison, la PDG d’Alameda, ne s’est pas montrée à la hauteur de la tâche :
« J’ai été franchement surpris de voir à quel point les positions d’Alameda étaient importantes, ce qui révèle un autre échec de la surveillance de ma part. Et mon échec à nommer quelqu’un qui soit principalement responsable de tout cela ».
Pour se dédouaner, SBF rappelle qu’il ne dirigeait pas Alameda Research. L’entrepreneur a délégué la direction de la firme pour se consacrer à FTX dès 2019. Il restait cependant l’actionnaire principal de l’entreprise avec plus de 90 % des parts. En dépit des tentatives de distanciation de Sam Bankman-Fried, FTX et Alameda Research étaient toujours très liés. C’est vraisemblablement l’un des facteurs qui a contribué à la chute éclair de la plate-forme.
« Je surveillais principalement ça du point de vue du volume de négociation, car c’est ce qui motive nos revenus. Et donc, quand je regardais à quel point FTX et Alameda sont entrelacés, vous savez, je surveillais le volume de négociation, et quelle fraction de liquidité sur la plate-forme Alameda ça représentait. C’est passé d’environ 45 % en 2019 à seulement 2 % cette année, mais en matière de positions et de soldes, il s’agissait d’une fraction beaucoup plus importante », explique Sam Bankman-Fried, reconnaissant « un assez gros oubli ».
SBF assure que la possibilité d’un « conflit d’intérêts entre ces deux-là » le rendait nerveux. C’est pourquoi il essayait de ne pas s’impliquer dans les opérations d’Alameda. Quoi qu’il en soit, les mauvaises décisions de Sam Bankman-Fried et de ses associés ont englouti 8 milliards de dollars. D’après les derniers documents judiciaires révélés au cours de la procédure, le groupe FTX doit de l’argent à plus d’un million de créanciers. Le géant déchu ne dispose par contre que de 900 millions de dollars de liquidités pour rembourser ses dettes.
Un ancien employé aurait piraté FTX
Dans l’interview, Sam Bankman-Fried évoque également le piratage de FTX. Alors que les tribunaux américains et le régulateur des Bahamas collectaient les fonds restants, un mystérieux pirate a pénétré sur la plate-forme entre le 11 et le 12 novembre. Le hacker s’est emparé de plus de 600 millions de dollars en cryptomonnaies. Par la suite, le pirate a plusieurs fois déplacé les fonds volés pour couvrir ses traces. Interrogé sur l’identité de l’attaquant, SBF a démenti être à l’origine de l’opération :
« A ce moment-là, j’étais coupé des systèmes et ainsi de suite. […] Et je ne connais pas les détails de cela. Je n’ai pas les ressources pour retracer exactement ce qui s’est passé là-bas. Et je ne sais pas qui est derrière cette troisième partie ».
Dans un entretien accordé à la reporter Tiffany Fong, Sam Bankman-Fried estime « qu’un ancien employé, ou alors quelqu’un qui a installé un malware sur l’ordinateur d’un ancien employé » est derrière le piratage. Aux dernières nouvelles, le pirate a déplacé une partie des avoirs dérobés sur la plate-forme d’échange OKX. Il a ensuite revendu des bitcoins avant de les envoyer sur ChipMixer, un service de mixage, dans l’espoir de brouiller les pistes. Pour l’heure, le mystère reste entier.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
Source : New York Times