On pardonnerait facilement à un jeune informaticien de penser que les lettres BPR ont un lien avec une compagnie pétrolière. Et pourtant, il n’aurait pas tout à fait tort, car le business process reengineering (BPR) a fait couler beaucoup d’encre – une vraie marée noire – à l’époque de ses aînés. Un sigle en informatique, c’est comme une vague sur l’océan : elle monte et fait croire aux baigneurs qu’elle sera la bonne, puis elle se dissipe pour laisser place à la suivante. Notre informaticien baigne aujourd’hui dans un océan animé par une nouvelle vague montante, le CRM – Customer Relationship Management (ou GRC, gestion de la relation client – Académie oblige).Le CRM est porteur de tous les espoirs. Bien plus noble que la remise à plat des processus internes pour des raisons bassement matérielles de réduction des coûts, il va, lui, nous mener au nirvana même – la satisfaction ultime du client. Une connaissance parfaite de ses moindres interactions avec l’entreprise fera pleuvoir toujours plus de ventes par l'” up-selling ” et le ” cross-selling ” ! Côté service client, on s’en sortira gagnant aussi, car, là où l’on se ferait normalement assaisonner, non seulement le client nous pardonnera, mais en plus il nous sera reconnaissant de l’avoir averti du problème avant qu’il ne s’en aperçoive lui-même!Et qu’est-ce qui amènera cet état de bonheur permanent ? Eh bien, à en croire certains éditeurs, le simple achat d’un progiciel, qui fera en sorte que plus jamais vous ne ciblerez pour une campagne marketing un client qui a engueulé votre service client la veille au téléphone. Oui, le CRM, c’est réellement magique ! Et pourtant, une solution CRM – ô Siebel soit-elle – ne peut donner que ce qu’elle a. Et ce qu’elle donne n’est jamais une fin en soi, mais un simple début, une occasion de fixer la référence pour l’interaction future entre l’entreprise et ses clients.Un CRM ne s’achète pas : il se construit, en commençant en amont par l’automatisation de la force de vente ou en aval par le service clients. Ensuite, se rendant compte que les commerciaux sont toujours récalcitrants devant leur nouveau joujou tant qu’ils n’ont pas de visibilité sur les commandes, on commence à revoir petit à petit les processus, puis à s’interfacer timidement avec le service client (le progrès !), pour affronter enfin l’infranchissable mur de complexité que représentent les interfaces avec les systèmes back office de gestion des commandes et de facturation (la révolution !). Faut-il pour autant crier haro sur les éditeurs de logiciels avec leurs discours un peu simplistes, qui vendent peu ou prou les mêmes produits qu’il y a trois ans, rebaptisés CRM ? Non, au contraire, car ce n’est que par ces produits qu’arrivera le changement tant désiré. Une fois ceux-ci achetés et adaptés au prix fort – Oracle souvent les fonds de tiroirs – et l’euphorie initiale remplacée par la réalité post-implémentation, l’entre- prise est vouée à la réussite. Et cela prendra en moyenne trois ans, avec refonte des processus et peine organisationnelle au rendez-vous, avant d’avoir la fameuse vue transversale du client. Le CRM, c’est finalement la revanche déguisée du BPR. Car, sans une révision des processus, il restera lettre morte. Attention, donc, à la prochaine vague déferlante : elle peut ressembler étrangement à la précédente.
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