“Coucou, c’est moi”

J’étais drôlement fière de moi ! Envoyer un vidéomail à mon copain Jérôme pour lui souhaiter son anniversaire en live intégral et en chanson, c’est à la fois original et branché, non ? Mais devinez comment a réagi l’ingrat destinataire de ma superproduction ? Il a ri. Pire : il a rameuté ses voisins de bureau pour visionner la chose.Bon, c’est vrai, il y avait de quoi déclencher un fou rire collectif, même parmi une troupe d’experts-comptables. Le cadrage mettait bien en valeur le papier peint de mon bureau (sur environ neuf dixièmes de la fenêtre, elle-même limitée à dix centimètres sur dix) mais beaucoup moins, en bas à droite, la minuscule Sylvie coupée à hauteur du menton.L’image ? À l’enregistrement, tout à fait fidèle à la réalité ; ce qui met hors de cause la caméra (mais pas mon coiffeur).Une fois arrivé à destination, on aurait juré qu’elle émanait de la grand-mère des frères Lumière. La couleur en plus, certes. Mais quelle couleur ! Mon léger hâle des vacances de Noël avait tourné au jaune, nuance camionnette de La Poste.Le son ? Là, rien à dire, on entendait bien. Trop bien même, compte tenu de la médiocrité du scénario : ” Euh, voilà, c’est moi… En fait, je voulais te dire, enfin te souhaiter… Ben, c’est tout. Bon, salut. Euh… j’t’embrasse… “Voilà, comment au prix d’une humiliation certaine, j’ai appris la leçon numéro un du propriétaire d’une webcam : l’improvisation devant un micro et une caméra est réservée aux acteurs professionnels.

À moins d’être Hugh Grant, votre premier vidéomail fera peur

Les autres, s’ils ont peur du ridicule, feraient mieux de répéter, de visionner et de recommencer avant d’envoyer leur vidéomail. C’est normal : combien de dictées et de devoirs sur table avez-vous faits depuis le CP ? Et combien d’enregistrements vidéo ?Croyez-moi, avant de ressembler à la jolie dame du manuel d’utilisation (brushing à la Dallas, fond uni bleu clair, les yeux bien plantés dans la caméra), il y a du boulot.Le jeu en vaut-il la chandelle ? Quelle est la supériorité du vidéomail sur le message écrit ? Tout dépend du contenu. S’il s’agit de dire : ” OK pour la réunion de demain à Lyon “, il n’y a aucune raison d’infliger à votre interlocuteur le téléchargement d’un message vidéo. Et l’obliger à se retaper toute la bande s’il veut vérifier un détail.En revanche, la vidéo apporte un plus aux correspondances ” à émotion ” : v?”ux divers et variés, échanges familiaux, blagues, engueulades (à manier avec prudence), messages d’amitié… et plus si affinités. Puisqu’elle abolit la distance physique, la webcam trouve de multiples débouchés dans le genre coquin. Mais restons-en, pour la sérénité de la démonstration, à un usage tous publics.Plus l’éloignement est grand, plus la webcam trouve son utilité. Idéale pour les familles modernes : Lui travaille à la Défense, Elle à Singapour. Leurs meilleurs amis vivent sur un axe Sydney-Londres, et leurs parents naviguent entre Versailles et le Lubéron.De plus, la caméra n’est pas obligée de se cantonner à votre meilleur profil. Vous voulez montrer votre nouveau loft à vos amis de la Creuse ? C’est possible ! Enfin, théoriquement. Parce que, ne l’oubliez jamais, cette caméra a un fil à la patte. Elle ne peut enregistrer que lorsqu’elle est reliée à un ordinateur.Et comme la longueur de ce fil varie de 1,5 à 3 mètres, selon les modèles, vous voyez le problème dès qu’on a dépassé l’âge d’habiter dans un studio. Il existe deux solutions techniques mais pas forcément pratiques : soit rallonger le fil avec un ou plusieurs hub USB (cinq mètres de gagnés à chaque hub), soit installer la caméra sur un ordinateur portable et se balader avec le tout.Filmer avec le portable dans une main et la webcam dans l’autre demande cependant une dextérité proche de celle d’un caméraman du Tour de France. À moins peut-être de mettre des roulettes à son portable.Deux bonnes nouvelles tout de même après tant d’efforts : le vidéomail est simplissime à expédier via votre système de messagerie comme n’importe quelle pièce jointe. Et, surtout, vos amis n’auront pas besoin d’un logiciel particulier pour le lire, car le message comporte un lecteur intégré envoyé sous forme de fichier exécutable.

La vidéoconférence ? Déconseillée, sauf si vous être très amoureux

Après cette petite mise en jambes, un stade de communication encore plus avancé vous attend : la visioconférence. Elle permet de discuter de vive voix et de visu avec votre fiancé(e), patron, belle-s?”ur, mais aussi avec un inconnu rencontré dans un chat et, demain, sans doute avec votre boucher, banquier, médecin, etc.Techniquement, l’affaire se corse un peu. En effet, les deux parties en présence doivent disposer d’un logiciel spécifique et identique (Microsoft Netmeeting, le plus répandu, est gratuit et fourni avec la plupart des caméras), mais aussi d’une bonne connexion à l’internet (ADSL, câble…) afin que l’image et le son arrivent dans un état à peu près identifiable. Même dans ces conditions, ne vous attendez pas à des miracles.À moins d’être très amoureux, la conversation ne devrait pas s’éterniser. Comme dans les vidéomails, l’image reste petite et approximative, mais elle a, en plus, tendance à se transformer en mosaïque dès que l’on bouge, ce qui devient vite horripilant. Et le son ne suit pas.Un diabolique double effet de décalage et d’écho rappellera aux plus de 20 ans les conversations téléphoniques longue distance d’autrefois. Passé l’amusement de la première ” visioconf ” avec son voisin de palier, de telles imperfections devraient en limiter l’usage aux gens que séparent au moins trois heures d’avion. Et encore faut-il avoir quelqu’un ou quelque chose à montrer !

Vous pouvez aussi surveiller à distance votre porte d’entrée

Exemple type, cité par les constructeurs comme si cela arrivait tous les jours : les grands-parents attendris peuvent découvrir, dès ses premières heures d’existence, leur nouveau petit-fils né à Singapour (Elle y travaille toujours, Lui a sans doute obtenu sa mutation).Et l’usage professionnel ? Pour bien se comprendre, on a souvent besoin de se montrer des documents, des maquettes, des échantillons. C’est certain. Mais comme il n’est déjà pas très facile sur l’écran de distinguer un nourrisson d’un chat, imaginez ce que cela donne entre un bulletin de paye de juillet et celui de septembre !Autre fonction de la webcam, très prisée, dit-on des Américains ?” mais est-ce toujours un exemple à suivre ? ?” la surveillance à distance. De quoi ? De tout : de votre porte d’entrée, des enfants, de la baby-sitter, de la femme de ménage, du canari et pourquoi pas, pendant qu’on y est, du conjoint.Le principe : vous installez votre caméra (et donc votre ordinateur) à l’endroit où vous voulez garder un ?”il virtuel, vous vous inscrivez à un site spécialisé (c’est gratuit) auquel sera envoyée l’image ainsi captée, vous choisissez la fréquence de rafraîchissement de l’image (de vingt-quatre heures à toutes les trente secondes). Puis, vous partez serein.Ensuite, dès que vous aurez un ordinateur sous la main, vous vous connectez à ce site (prévoyez l’option avec mot de passe, sinon n’importe quel internaute dés?”uvré pourra venir constater à quel point vos gosses sont mal élevés) et vous voyez ce qui se passe. Formidable, non ? Efficace, c’est moins sûr.Passé l’âge de 18 mois, la plupart des enfants comprennent vite qu’ils peuvent faire leurs bêtises hors du champ de la caméra. À moins d’opter pour une minuscule caméra espion (lire l’encadré ci-avant) comme cette jeune femme qui témoigne sur le site d’un constructeur : “Grâce à ma webcam, j’ai pu découvrir que mon propriétaire se livrait à une activité illégale et immorale : il fouillait mon appartement !”Autre cas de figure plus répandu : la mère de famille surbookée et légèrement culpabilisée qui veut s’assurer, entre deux meetings, que ses petits s’amusent fort bien sans elle. Pourquoi pas ? Être là sans être là, on se demande quand même ce qu’en aurait pensé Françoise Dolto !

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