En 2002, Linux a fait sa véritable entrée dans les entreprises. Il avait déjà largement investi les laboratoires scientifiques et universités, qui apprécient l’efficacité du système libre pour les calculs complexes sur des
clusters de machines Intel, par exemple. Une spécificité qui lui vaut encore de jolis succès au travers des premières expériences de grid computing.Mais ces capacités séduisent aussi les salles de marché pour la gestion des risques ou les compagnies d’assurances pour le scoring. Et les portes de l’entreprise se sont aussi ouvertes à l’occasion
d’opérations de consolidation de serveurs. Des noms aussi prestigieux qu’Unilever, Amazon ou Dell lui-même s’inscrivent désormais au fronton du temple du système d’exploitation libre. De nombreux projets au sein du
secteur public ?” particulièrement en France ?” ont aussi contribué à ce succès.A l’occasion de la conférence Linux World Expo, qui s’est tenue du 22 au 24 janvier, les fournisseurs se sont battus pour prouver leur implication dans le domaine. Et même leur réussite économique sur le marché.
1,5 milliard de dollars : ce n’est rien de moins que le chiffre d’affaires affiché par IBM pour 2002 autour de Linux. ‘ En France en 2002 ?” et ce sera sans doute également le cas en
2003 ?”, le revenu provient principalement des ventes de matériel. Même si les services associés entrent, eux aussi, pour beaucoup en ligne de compte ‘, précise Marc Joly, directeur Linux IBM région Ouest. HP,
grâce à l’absorption de Compaq, fait encore mieux avec 2 milliards de dollars.
AIX et Linux cohabitent chez IBM
En novembre dernier, Gartner prévoyait, en effet, un doublement des ventes de serveurs Linux en 2003 pour atteindre plus de huit cent mille unités et dépasser les 4 milliards de dollars ?” soit 9 % du marché en
revenus. Des promesses qui donnent raison à ceux ?” utilisateurs comme fournisseurs ?” qui investissent dans le système d’exploitation libre.A tel point que, l’été dernier, la surprise est venue de l’un des constructeurs de serveurs les plus sceptiques du marché : Sun, qui lance alors directement sa première machine Intel, et qui compte bien poursuivre
l’aventure avec le package Mad Hatter pour postes de travail.Quant à IBM, il a compris depuis longtemps l’intérêt que pouvait présenter pour lui le système d’exploitation libre. En 2001, il renforce sa stratégie en offrant aux programmeurs jusqu’à quatre-vingt-dix jours
d’accès gratuit à des mainframes sous Linux pour y développer et tester leurs applications. Plus audacieuse encore fut la commercialisation, l’année suivante, du zSeries 800 0LF (Linux Facility), le premier mainframe entièrement
consacré à Linux. Reposant sur la technologie de virtualisation z/VM, il est en mesure de faire tourner ?” conjointement ou non ?” Linux et z/VM.Peu à peu, Linux est ainsi devenu le trait d’union de toute la gamme de serveurs du constructeur. Même les iSeries ?” anciennement AS/400 ?” ont emboîté le pas aux mainframes. L’i820, dans sa version
prépackagée eServer iSeries Offering for Linux, a été le premier à s’appuyer sur ses capacités de partitionnement logique pour héberger jusqu’à quinze serveurs Linux indépendants au sein d’un unique serveur physique.Il y a deux semaines, Big Blue a encore enfoncé le clou lors de la présentation de sa dernière génération d’iSeries, enrichie de quatre nouvelles machines. Ainsi, il est désormais possible de subdiviser un processeur pour faire
tourner jusqu’à dix partitions Linux sur ces serveurs ?” les versions à 64 bits étant les plus appropriées.Et pour encourager ses clients à sauter le pas, IBM propose, sur ses hauts de gamme i870 et i890, l’activation gratuite d’un processeur sous Linux. Jusqu’à l’an dernier, de telles machines auraient été
préconisées pour faire tourner des applications d’infrastructure ?” pare-feu, serveurs web, serveurs d’impression, etc. Avec l’annonce de la prochaine disponibilité de DB2 et de Websphere sous Linux sur iSeries, Big
Blue est en train de casser cette image.Côté pSeries, la cohabitation entre AIX et Linux, rendue possible, ici encore, grâce au partitionnement logique, est un argument de poids auprès des entreprises en quête de plates-formes de consolidation. Cette gamme de serveurs dispose
d’ailleurs, elle aussi, d’une machine (le p630) prépackagée sous Linux. De son côté, HP, qui n’entend pas pousser un système d’exploitation plutôt qu’un autre, propose néanmoins Linux au même titre que son Unix
(HP-UX) ou Windows sur certaines de ses machines en rack équipées d’Itanium et sur sa gamme de serveurs Compaq Proliant, eux aussi dotés de puces Intel.
Des versions majeures à date fixe
L’attrait grandissant des entreprises pour Linux en 2002 a également bousculé le petit monde tranquille des distributions. Red Hat a ainsi sorti au printemps sa version Advanced Server, techniquement optimisée pour
l’entreprise ?” clustering de haute disponibilité, optimisation des entrées/sorties asynchrones du noyau pour améliorer le fonctionnement d’Oracle, etc. Et pour mieux correspondre au cycle de projets critiques de ses clients,
il a décidé de fixer la fréquence de sortie de nouvelles versions à dix-huit mois.L’atout du logiciel libre, qui consiste à proposer une évolution technologique permanente et continue des produits, constitue, en effet, plutôt un frein à son utilisation dans l’entreprise. Même démarche pour son tout
nouveau concurrent, United Linux, dont la version 1.0 est disponible depuis peu. En effet, pour véritablement peser face à l’imposant Red Hat, quatre éditeurs ont dû s’allier autour de cette distribution unique. SCO
?” anciennement Caldera ?”, qui fournit un Unix et un Linux, a décidé en mai de se rapprocher de l’Allemand Suse, du Brésilien Conectiva et du Japonais Turbolinux.Le spécialiste d’Unix sur Intel n’a donc pas abandonné l’idée de pousser Linux, comme le retour à son nom d’origine pouvait le laisser penser. Bien au contraire. United Linux s’appuie sur une base
commune, issue de la distribution Suse distribuée par les quatre partenaires. Mais chacun des participants y ajoute un CD d’outils complémentaires. Cette alliance ouvre des perspectives au marché en permettant aux constructeurs et aux
éditeurs de se concentrer sur deux versions majeures, et non plus sur une myriade de distributions.Pour preuve, à l’occasion de la Linux World Expo de New York, IBM, HP et AMD ont renforcé leur soutien à United Linux en devenant les premiers ‘ technology partners ‘ de l’alliance. De ce fait,
ils participent financièrement au projet, sont présents au Technical Advisory Board, accèdent aux préversions du système, et peuvent proposer des évolutions technologiques, voire s’impliquer dans des actions de comarketing. Cette alliance
pourrait assombrir l’avenir des petits acteurs, pour lesquels le marché devenait déjà plus difficile. Pour preuve, la mise en cessation de paiement, à la mi-janvier, du Français Mandrakesoft.
Un catalogue de logiciels encore très incomplet
Il faut dire que, malgré les avantages de plus en plus nombreux qu’offre Linux, il présente toujours quelques faiblesses ?” par exemple, au niveau du portefeuille applicatif. Même si les plus grands, tels Oracle, SAP,
BMC, ont porté leurs environnements sur le système d’exploitation libre ?” ou travaillent à le faire ?”, son catalogue de logiciels reste très incomplet en regard de ceux de Windows ou des différents Unix. Plus
surprenant : le coût total de possession (TCO) de Linux ne constitue pas son atout le plus important. Loin de là. Nombre d’observateurs font remarquer que, sur une durée de trois à quatre ans, par exemple, les serveurs Linux reviennent
tout aussi cher que les autres. En raison, par exemple, de l’hétérogénéité du système d’information, qui requiert de nouvelles compétences, du support, etc. C’est pourquoi Linux ne phagocytera sans doute pas l’ensemble du
marché dans les prochains mois, ne menaçant que peu Windows ou Unix. Il ouvrira plutôt de nouvelles voies, tant aux entreprises utilisatrices qu’aux fournisseurs.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.