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Comment sauver notre TNT de l’humiliation ?

Les acteurs de la télévision numérique terrestre savent tous ou presque que le réseau qui va être mis en place en France sera technologiquement obsolète dès sa naissance. Personne n’ose pourtant lever le petit doigt.

Le spectre hertzien occupé par notre télévision terrestre actuelle est extrêmement précieux : la fréquence de ses ondes est en effet suffisamment élevée pour pouvoir transmettre les hauts débits nécessaires à la transmission
d’images, mais elle est aussi suffisamment basse pour que les ondes puissent pénétrer à l’intérieur des bâtiments, ou contourner certains obstacles.Il est donc naturel que les pouvoirs publics veuillent assigner à ces ondes un rôle que les autres bandes de fréquences ne peuvent guère assurer, sauf complications coûteuses (multiplication du nombre d’émetteurs par exemple).Par chance, en passant des émissions analogiques actuelles à la télévision numérique terrestre, la nature nous offre la possibilité non seulement de transmettre des images de télévision encore plus propres qu’avant, mais aussi de
multiplier le nombre de programmes dans le spectre concerné… et, potentiellement, bien d’autres choses encore. Une occasion rêvée, normalement, pour les pouvoirs publics d’ouvrir de nouveaux services quand cela est possible.La seule idée de départ ayant été de ‘ multiplier le nombre de programmes proposés à la population au moindre coût ‘, cela n’a guère été possible : avec les technologies
retenues, technologies élaborées en 1995, tout le spectre disponible se trouve occupé par les nouvelles émissions TV.Seulement voilà : la TNT a mis tellement de temps en France à se mettre en place que sa technologie va devenir obsolète dès cette année, donc, avant sa naissance.Jusqu’à présent, la deuxième génération de matériels de compression d’images n’existait qu’en laboratoire. Mais, cette année, elle sera vraiment commercialisée : la première puce de décodage H.264 (de
Sand Video) est déjà échantillonnée aux Etats-Unis et les matériels de codage compatibles avec cette norme les plus complexes à réaliser, à savoir les codeurs TVHD en temps réel, seront normalement disponibles mi-2004.Si bien que les opérateurs américains, eux, sont en train de décider de lancer leurs premières émissions TVHD ‘ fortement compressées ‘ (par satellite) dès le début de 2005… avant le
démarrage de notre TNT !Les gains apportés par ces nouvelles technologies sont très importants et remettent beaucoup de choses en cause : un programme TV ne nécessite plus 3,2 Mbit/s en MPEG-2, comme c’est le cas aujourd’hui, mais
1,6 Mbit/s grand maximum avec la norme H.264 ou équivalent (1,5 Mbit/s pour une vidéo d’excellente qualité plus 128 kbit/s pour un son 6 canaux).

Une occasion unique de prendre un leadership mondial

Un canal TNT va ainsi pouvoir désormais transmettre jusqu’à 15 programmes de qualité standard captables avec une antenne extérieure. Il s’agit d’un chiffre tellement élevé que l’on pourrait adopter un
autre compromis technologique que celui qui est envisagé, à savoir ramener le nombre de programmes à 10 par canal, mais avec un signal robuste qui permette des réceptions plus aisées en intérieur (salle de bains, buanderie, cuisine…) sans
antenne extérieure, par exemple sur les petits écrans plats de téléviseurs secondaires.Par ailleurs, un canal TNT ne sera plus seulement capable de transmettre deux programmes de télévision haute définition 1080 lignes comme les opérateurs en rêvaient jusqu’ici, mais trois : alors que la norme MPEG-2
nécessite 14 Mbit/s aujourd’hui pour comprimer une image TVHD avec une bonne qualité, les successeurs de cette norme n’exigent pas plus de 6 Mbit/s, grand maximum.De même, un canal TNT devrait pouvoir transmettre des dizaines de programmes en basse définition à destination des terminaux mobiles de poche, même si le signal devait être très robuste (modulation 16QAM au lieu de 64QAM) pour mieux
pénétrer à l’intérieur des bâtiments.Comment, enfin, ne pas regretter que notre TNT actuelle fasse presque l’impasse sur les émissions isofréquences, c’est-à-dire les programmes émis sur la même fréquence dans toute la France (ou au moins le long des
autoroutes, comme c’est le cas actuellement pour la radio sur 107.7 MHz) : il serait tout de même agréable que nos enfants en bas âge puissent suivre sans ‘ saute d’image ‘ certains programmes TV à
partir des sièges arrière des véhicules lors de longs voyages.A l’évidence, si les acteurs de la TNT continuent sur leur lancée, non seulement ils vont imposer un camouflet à tous les ingénieurs concernés mais ils iront à l’encontre des intérêts des consommateurs, qui ne sont plus à
six mois ou même un an près.Les lobbies (y compris les importateurs pressés du Simavelec) contre l’intérêt des consommateurs : qui l’emportera ?* Rédacteur en chef d’ Electronique HebdoPour consulter Electronique et Electronique International Hebdo en ligne :
http://www.electronique.biz

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Jean-Pierre Della Mussia*